Il paraît qu’on ne choisit pas sa famille, c’est bien vrai. Les Sekmet par exemple, ils sont bien mignons, mais cette étiquette de meute sanguinaire lui donne la nausée et voir ses congénères tout faire pour préserver cette image ça la fait doucement ricaner. Faut dire qu’être perçue comme une dégénérée avide de sang, c’est pas son fantasme premier. Isïl elle préfère se moquer, ironiser. Si elle sait se montrer subtile, sa répartie n’en est pas moins mordante et fait mouche bien souvent. Sa langue pourrait s’agiter à la manière d’une vipère constamment si elle n’était pas suffisamment futée pour savoir que cela ne lui apporterait que des ennuis. Or, des ennuis, elle n’en désire pas et la louve grise se contente donc de joutes verbales avec ceux qui se sentent à la hauteur, plus par plaisir de se creuser les méninges que par envie de malmener quelqu’un. De manière générale, Isïl ne malmène pas par plaisir, elle ne se bat pas non plus par envie, tant les autres l’indiffèrent (c'est cette indifférence toutefois qui fait que, si cela s'avérait nécessaire, la jeune louve n'aurait sûrement pas de scrupules à s'abaisser aux pires actes). Rares sont ceux qui méritent son affection ou son mépris, il s’agit de deux extrêmes relativement difficiles à atteindre : difficile d’obtenir son respect et difficile de lui faire du mal au point qu’elle en vienne à vous haïr. Isïl sait également demeurer imperturbable lors de situations critiques : là où tout le monde aurait déjà sorti les crocs pour défendre un honneur ou une proie, elle se contentera d’analyser la situation, d’écouter, voir même de partir dès lors qu’elle estime l’évènement ennuyeux ou indigne d’intérêt. D’aucuns l’estimeraient à la limite du je-m’en-foutisme et elle ne cherchera pas à leur donner tort, la vérité est toutefois autrement plus complexe. En effet la louve est loin d’être sotte et quiconque pouvait faire un tour dans son crâne le comprendrait bien vite. Isïl n’est rien d’autre qu’une louve exigeante qui se lasse que trop vite des conversations banales du quotidien. Discuter du mauvais temps ne parvient qu’à la faire somnoler, les commérages trouvent toujours une oreille attentive chez elle bien qu’elle se garde de donner son avis durant ce genre de discussion et au final la seule chose qui lui plaît véritablement : c’est la stratégie. En tout point. Le jeu des alliances, la meilleure tactique pour chasser, un plan d’attaque infaillible pour mener un combat dignement. Là où la majorité de ses comparses jouent de leurs muscles, elle préfère utiliser ce qui lui sert de cervelle et finalement c’est ce qui la rend particulièrement exigeante : perdre son temps en babillages superflus n’est utile que lorsque l’on désire se rapprocher de quelqu’un, si bien qu’elle s’en passerait volontiers les trois quart du temps.

Toutefois Isïl sait que les opinions qu’elle peut avoir ne sont pas à déballer au premier venu : il serait aisé de la cataloguer comme étant une traîtresse juste parce qu’elle sait déjà comment tel loup pourrait réussir à renverser le chef actuel (alors même qu’elle ne désire pas spécialement la chute dudit chef, elle prévoit juste les coups possibles à l’avance). De plus, elle n’est qu’une sentinelle, non pas un général ou un conseiller : son avis n’a que peu d’importance. Elle aurait sûrement fait une meilleure espionne, toutefois ses entraînements en tant que louveteau ont bien vite mis en avant sa peur du contact : elle ne supportait pas qu’on la touche. Et dès lors qu’elle s’envisageait capturée par une meute adverse, imaginant très bien qu’ils ne tiendraient pas compte de ce refus d’être touché, elle paniquait. De ce fait le poste lui a bien évidemment été refusé et la voilà en train de faire des rondes au sein du territoire. Finalement ça ne lui déplaît pas plus que ça, bouger l’aide à réfléchir, mais elle s’en veut toujours intérieurement de ne jamais avoir su affronter ses démons.

Il faut également préciser que malgré les idées déplacées qui peuvent jaillir dans son esprit, et une forme de rancœur qu’elle dédie à la meute pour ne pas avoir obtenu le poste de ses rêves (faut dire que c’est plus facile de blâmer autrui, et d’accuser la meute de ses maux), Isïl demeure loyale aux Sekmet. On choisit pas sa famille, certes, mais ça reste la famille. Elle n’a jamais rien connu d’autre et elle ne désire pas connaître autre chose. Sa routine a quelque chose de rassurant et elle y tient. Outre sa loyauté, Isïl n’est pas assez stupide pour oser aller à l’encontre de la hiérarchie, mais encore une fois les limites avec elle sont floues. En effet elle respecte la hiérarchie mais donnera également l’impression de n’accorder que très peu de crédit ou d’estime à cette dernière. De même elle partira chasser et ramènera des proies pour nourrir les siens tout en donnant l’impression qu’il s’agit d’une corvée aux yeux de la prétendue égoïste qu’elle est. Il est fort probable qu’on ne l’aime pas des masses, surtout quand on sait qu’elle ne prend aucun plaisir à se battre, mais ça aussi, elle s’en fiche pas mal. Isïl c’est la louve qui, finalement, fera son bout de chemin au sein d’une meute dont elle ne sait vraiment que penser. Entre la mentalité générale propre aux siens et ses frustrations enfouies, elle oscille entre agacement et approbation, ayant tantôt l’impression d’être intégrée, tantôt l’impression de n’être qu’une intruse. Il faut toutefois préciser que son opinion concernant ses comparses, et l’image peu reluisante qu’elle s’en faisait de manière générale, est en cours de modification. Ayant récemment été capturée par les humains et emmenée dans leur laboratoire, voir sa meute la secourir (elle et d’autres) lui a fait quelque chose. Il est cependant difficile encore pour elle de traiter correctement l’information tant son séjour chez les humains l’a traumatisée, accentuant sa peur du contact et provoquant en elle des angoisses nocturnes qu’elle peine à cacher et qui contrastent fortement avec l’image de louve inébranlable qu’elle se donne.