Il était temps, enfin, que les proies reviennent sur les terres des loups. La neige était tombée, tombée, tombée durant bien des jours, emprisonnant le gibier sous les racines des arbres, le tuant même dans la plupart des cas. Les loups avaient beau avoir cherché, dans tous les recoins des territoires, les proies avaient finie par disparaître.
Mais comme l'ont disait toujours... Tout finit par revenir, mis à part les morts, qui ne peuvent pas redevenir des vivants, Noire le savait. Mais lorsqu'elle sortit ce jour-ci dans la Forêt aux Pendus, elle ne tarda pas à trouver de nombreuses pièces de viande à se mettre sous la dent.
Tout d'abord, désespérée de ne rien avoir trouvé les jours précédents, elle se dirigea vers le petit ruisseau bordant la forêt. Elle aimait bien ce petit recoin, et constata avec satisfaction que l'eau n'avait pas gelée. Elle en lapa la surface pour se désaltérer, puis son attention se porta sur une petite forme argenté qui gigotait dans l'eau. Un poisson ! Elle ne pouvait pas laisser passer pareille occasion. Aussitôt, elle adopta sa tactique de pêche. Elle était loin d'être une bonne pêcheuse, mais savait comment s'y prendre. Après une petite attente, tout en faisant bien attention que son ombre ne porte pas trop sur le ruisseau, la patte de la solitaire fendit l'air. Le poisson gicla hors de l'eau, et la louve l'envoya rouler contre le sol. Elle se dépêcha de le maîtriser, et lui brisa la tête par terre, salivant d'avance devant son repas.
Mais ce n'était pas terminé ! Le destin lui était favorable aujourd'hui. Alors qu'elle scrutait la rivière dans l'espoir de trouver un autre poisson, sa truffe et ses oreilles lui indiquèrent l'arrivée d'un autre animal. Une poule d'eau ! La viande fraîche, comme Noire la désignait, se posa lentement sur le bord de la rivière, et se désaltéra comme la louve l'avait fait précédemment. Celle-ci se tenait immobile, près de son poisson mort, les pupilles fixées sur sa proie. Elle se plaqua contre le sol, les oreilles rabattues en arrière pour ne pas être vue, et avança lentement en direction de l'oiseau.
Malheureusement, sa patte toucha une brindille, et la poule se pressa de s'envoler. Noire bondit de sa cachette et se jeta dans sa direction. Trop affamée pour laisser partir une prise quelconque, elle frappa la poule dans l'aile, tandis que celle-ci s'envolait, et se jeta dans la rivière en emportant dans sa chute l'animal. Les deux bêtes ne combattirent pas longtemps. Noire, malgré le fait qu'elle ne sache pas vraiment bien nager, plaqua la poule sous l'eau avec ses pattes, et lui transperça la tête avec ses griffes. La poule d'eau émit alors quelques bulles avant de mourir. Noire pu alors la ramener à la rive, et sortit de l'eau, trempée. Voilà qui n'allait pas être pratique pour la suite de la chasse... Mais elle savait que deux proies ne suffisaient pas. Il fallait qu'elle cherche encore.

Comme elle n'était pas loin de sa tanière, elle déposa ses deux prises dans celle-ci, avant de repartir en chasse. Elle comptait sécher son pelage en chemin, et se mit à courir pour que ce phénomène aille plus vite. 
Les odeurs de proies qui envahissaient la forêt lui donnaient le tournis. Heureuse de savoir qu'elle allait enfin pouvoir manger de nouveau à sa faim, la solitaire s'enfonça vers le coeur de la Forêt aux Pendus.
Le temps semblait passer plus vite lorsque l'on s'amusait. Noire éprouvait un malin plaisir à sentir toutes ses odeurs, et à entendre de nouveau le bruissement du gibier dans les buissons. 
Sans le savoir, elle se dirigeait tout droit vers l'étang. Elle allait rarement par là-bas, car elle jugeait l'endroit un peu trop boueux... Mais elle ne pouvait se permettre de rechigner sur cela. Elle poursuivit donc son chemin, et s'apprêtait à contourner l'étang, lorsqu'un bruissement dans les fougères lui fit redresser la tête. Elle reconnaissait ce mouvement silencieux et audible à la fois, ce mode de déplacement peu commun, ce sifflement agaçant... Un serpent. Elle savait que c'était comestible, mais n'y avait pas souvent goûter. Cependant, elle refusait de gâcher une proie, et se décida donc rapidement à attraper le serpent.
Elle savait qu'il fallait se méfier de leurs crocs. Mais elle savait aussi qu'il n'était pas très difficile d'attraper ce genre de proie. Elle contourna l'animal sans pattes, et décida de le prendre par derrière, visant la queue. Elle bondit donc de sa cachette, et planta ses crocs bien profondément dans la peau écailleuse du serpent.
Celui-ci se retourna brusquement vers elle, montrant ses petites canines aiguisées, et tenta de la mordre au museau. Elle sauta brusquement en arrière, et attaqua de nouveau, assénant un puissant coup de griffe dans la tête de l'animal. Décidée à en finir rapidement, elle prit un grand risque et bondit vers la tête, plaquant le serpent au sol à l'aide de ses pattes puissants. Il gigotait comme un diable, et elle eut bien du mal à le maintenir par terre. Mais la raison du plus fort, est toujours la meilleure. Le serpent n'avait aucune chance. Noire planta brusquement ses crocs dans la peau la plus près de la tête, et trancha tout ce qu'elle trouva, sans rien lâcher. Finalement, après avoir laissé passer dix secondes, elle comprit que le serpent était mort. Elle l'avait vaincu.
Mais tout s'enchaînait aujourd'hui, visiblement, et Noire se sentit soudain observée. Lâchant son serpent mort, elle chercha qui pouvait bien la dévisager, et son regard croisa enfin celui d'une petite grenouille bien verte, qui attendait patiemment sur le bord de l'étang. La louve était surprise que le batracien ne réagisse pas, ne s'enfuit pas, puis elle remarqua enfin la patte molle et sanglante qui pendait à l'arrière de la grenouille. Elle était blessée, et ne pouvait sûrement plus sauter. Noire n'attendit pas plus longtemps. Elle bondit dans sa direction, et la grenouille tenta en vain de s'enfuir -l'énergie du désespoir très certainement- mais rien n'y fit. La solitaire termina rapidement avec elle, à coup de griffes et de crocs, et le petit corps flasque vint de rajouter à celui du serpent.
De nouveau, Noire ramena ses prises à sa tanière, et décida de tenter une dernière fois sa chance dehors avant de rentrer. Elle commençait à fatiguer un peu. Elle poireauta alors longuement dans la Forêt, surprenant parfois une proie par-ci ou par-là, qui se dépêchait de s'enfuir à la vue du prédateur. La Forêt aux Pendus semblait avoir compris que Noire était prête à en découdre. 
C'est alors qu'elle repéra, à travers les broussailles, un petit chevreuil. Le must du must, le plat principal de son repas. Hum, elle s'en léchait déjà les babines. Avide de nourriture, la louve décida de contourner l'animal. Elle rampa à travers les arbres, et décida de viser l'arrière-train. Elle avait faim, plus que faim même, et ce chevreuil lui mettait l'eau à la gueule. 
Sans attendre, elle bondit.... Et rata sa cible. Le chevreuil lâcha un grognement de terreur et partit au triple galop. Noire se lança à sa poursuite. Il n'était plus tout jeune, et elle le rattrapa facilement. Ses griffes fendirent l'air. Le chevreuil poussa un nouveau cri, de douleur cette fois-ci, et la solitaire lui asséna un nouveau coup. A l'aide de ses puissantes pattes sombres, elle abattit le chevreuil essoufflé contre le sol, et avec un grondement féroce, lui entailla la gorge. C'était sa cible préférée chez ses proies. La gorge. Une blessure simple, nette, et efficace. Le gibier ne souffrait pas, de cette manière, et elle se fatiguait moins.
Après s'être assurée que son cervidé était mort, elle l'empoigna par le cou, et le traîna jusqu'à sa tanière. La chasse avait été plus que fructueuse. Elle allait bien se régaler.