Le bruissement des feuilles sur l’avion encore chaud. La catastrophe de la venue des Hellhound avait laissé des marques sur le territoire Sekmet dont l’avion était aux trois quart en ruine. Quel désastre. C’était pitoyable. Pendant quelques heures seulement, Athos s’était absenté pour chasser, et il était revenu les yeux amplis d’horreurs en voyant leurs efforts de plusieurs semaines de chasse réduits à néant. Le déclic, c’était le moment qu’il fallait. Plus rien allait, cela allait changer. Il n’était plus question de laisser tomber sa meute en ruine. Il ne laisserait pas faire, plus rien n’allait depuis que la guerre contre les Navnik avaient éclaté. Les Esobeks avaient repris le dessus, et eux, Sekmet, meute redoutée de tous auparavant, étaient devenue une meute inoffensive, une meute presque soumise à ces Esobek. Athos n’avait-il pas entendu par l’un des Navnik que le plan de sauvetage aurait dû, normalement, se faire sans les Sekmet, alors qu’il semblait qu’hier seuls les Navnik, selon les Esobeks, étaient à anéantir ? Non, Athos n’y croyait plus. On les avait berné, on les avait mené en bateau, on avait essayé de les couler sous leur propre nez. Mais il était hors de question que les Sekmet se fassent reléguer au rang de meute de seconde Zone. Il fut un temps où c’était LA meute. A présent, ce n’est qu’une meute. Mais tout cela allait changer. Les esprits s’échauffaient entre la montée soudaine au pouvoir de Hige, que certains prenaient pour de la manipulation, la lenteur de la libération qui avait failli coûter des vies aux Sekmet, la mauvaise stratégie et la débâcle infligée par les Hellhound. C’était trop, beaucoup trop. Athos avait commencé à jauger, savoir qui pourrait éventuellement le soutenir. A sa grande surprise, plus de personnes qu’il ne le pensait étaient prêts à le soutenir, et il espéraient que ces derniers étaient sûrs de leurs convictions. Certes, aucun d’entre eux ne détestait Hige, loin de là. C’était un loup sage et estimé, un chasseur prodigieux. Mais il n’était ni un chef de meute ni même un chef de guerre. Ce n’était ni dans son caractère, ni dans sa façon d’être, il avait toujours été le fidèle ami d’Empress, dévoué et soumis dans chaque parcelle de son être, ce qu’Athos comprenait mais une telle personne ayant un caractère d’oméga ne pouvait pas se retrouver à la tête d’une meute forte et guerrière comme les Sekmet. C’était tout bonnement illogique et Athos considérait que malgré ses qualités, Hige pouvait faire tout simplement s’écrouler la meute, si pas matériellement au moins formellement, dans l’esprit, dans la psychologie. Les choses changeaient. Il dépendait dès lors qu’on les tire vers le haut ou vers le bas. Athos avait toujours été un loup loyal envers Empress, il avait un profond respect pour cette louve, à la fois forte et charismatique, dont le caractère était celui d’une louve indomptable et surtout que nul ne pouvait soumettre, le parfait modèle de l’esprit Sekmet, qui n’était plus représenté aujourd’hui. Athos ne voulait pas sa pour sa meute, et certains étaient de son avis. C’était loin d’être tous les Sekmet, et Athos le savait. Il essaierait de les convaincre pour l’avenir de la meute, pour le bien commun et pas seulement de ceux de quelques petites personnes en haut de l’échelle sociale. Athos voulait élever l’ensemble de la meute, il voulait la diriger, l’entrainer vers le meilleur, trouver une nouvelle stratégie d’alliance, renforcer cette meute qui n’était plus que l’ombre d’elle-même, surtout face à la nouvelle menace qui avançait à grands pas.


Une brise légère.



Athos était au pied de l’avion presqu’entièrement détruit, désolé de voir toute une partie de ses provisions parties en poussières. Il prit une grande inspiration. C’était le moment. Hige était parti chasser on ne sait où, il arriverait, certes, mais d’ici là Athos pourrait parler aux siens. Il fallait qu’ils le soutiennent, il le fallait pour que ça marche. Athos voulait tout, tout sauf une guerre civile. En aucun cas il ne voulait que les siens se blessent entre eux, il espérait au plus profond de son âme qu’on comprenne ses idées, qu’on comprenne que c’était pour le mieux pour eux, pour l’ensemble de la meute dans son entièreté en tant qu’entité. Le bien commun. Le bien commun et pas ceux de trois quatre loups. Si Hige tentait d’abattre Athos, alors le Général, bientôt ancien Général quoi qu’il advienne, passerait au plan B. Il serait obligé d’appeler ses alliés, prêts, quelque part, à l’aider quoi qu’il arrive. Athos n’était pas fou. Il n’aurait pas tenté un coup d’état sans quelques alliés. Mais le tout n’était pas de se battre. Le tout était de convaincre Hige de se soumettre. Athos ne voulait pas qu’il parte. Il ne le voulait pas parce que tactiquement ce n’était pas bon, Hige était un loup fort et sérieux, fidèle aux siens comme il l’était du temps d’Empress et plutôt bon conseiller. Il fallait qu’il reste pour le bien des siens, et si Athos gagnait, il voulait qu’il reste. Là était alors l’enjeu le plus important. Eviter une bataille, soumettre Hige par la raison. Sinon, il faudrait le faire par la force, il n’y aurait plus d’autre issue et Athos était déjà allé trop loin, ses résolutions étaient prises, quoi qu’il arrive, il irait au bout de ses idées, et s’il fallait se sacrifier pour cela tant pis. Mais il n’irait pas jusque là et il le savait. Il gagnerait. Il le fallait.

L’avion en miette à côté de lui, Athos commença à l’escalader, doucement, le coeur palpitant. Jamais il n’avait été aussi nerveux et à la fois aussi sûr de lui. Il grimpa jusqu’à l’aile affaissée par les secousses de la bombe et devenue dès lors plus accessible qu’auparavant. De cette façon, il était en hauteur et avait une vue d’ensemble lorsque les siens viendront répondre à son appel. Certains, ses alliés, comprendront qu’il s’agit du moment venu. Les autres seront étonnés et viendront par curiosité ou par trouble.


Maintenant.


Il poussa un hurlement, le hurlement de réunion, le hurlement d’appel à la meute. Tous devaient se réunir à l’avion, tous sans exceptions. A partir de ce moment-là, le temps était compté. Si Hige n’était pas dans un périmètre élargi, alors il serait ici d’ici une dizaine de minute s’il avait entendu l’appel d’Athos. Sinon, il resterait à Athos encore plus de temps pour parler. Tout était une question de paramètres.
Déjà, des loups se frayaient un chemin entre les buissons, et Athos reconnut avec soulagement certains qui lui avaient assuré son soutien. Blasphem, son meilleur ami arrivait. Récemment, il l’avait sauvé en l’amenant chez Emarok, alors que ce dernier était laissé près de l’avion explosé. Athos était beaucoup trop loin lors de l’explosion, mais l’appel qui avait retentit l’avait alerté et il s’était précipité de toutes ses forces pour arriver. Il avait trouvé Blasphem et Nilaya, étendus. Tour à tour, il les avait emmené chez le guérisseur en qui Athos commençait à avoir confiance. Quand presque tous les Sekmets arrivèrent, selon Athos, si Hige était dans les parages, il lui restait quelques minutes encore.
Le temps est précieux, et tout allait se jouer.

La tension sur les épaules d’Athos retomba à l’instant même où il ouvrit la bouche pour parler. Il était sûr de ce qu’il faisait, il savait pourquoi il le faisait, il l’assumerait jusqu’au bout. De son ton fort et impérieux que la plupart lui connaissaient déjà, il s’exprima en ces termes, convaincus, orateur, et convaincant :



« Louves et loups Sekmets, frères et soeurs de meutes, coeur du Brasier Blanc, je vous remercie d’avoir répondu à mon appel.
Je vous ai réuni pour parler d’une chose grave. Une chose de la plus haute importance. Trop d’évènements se sont accumulées depuis des mois sur nos épaules, le blizzard glacial, la perte de notre estimée chef et Alpha Empress, l’horreur et la douleur infligée par les Hommes aux laboratoires aux nôtres, la débâcle que nous avons essuyé face aux Chiens Endiablés sanglés de bombes Humaines. Sekmet ! Nous ne sommes pas faits pour vivre dans la crainte ou la soumission aux autres, que ce soient les Hommes ou les autres meutes. Nous sommes Le Brasier Blanc. Notre meute est plus forte que le feu, plus forte que les explosions, plus forte que ces évènements du destin qui a cherché sans cesse à nous dissoudre et nous écraser ! Mais nous sommes les Sekmet, jamais, ô grand jamais nous ne nous écraserons devant une meute ou des hommes, ni ceux que nous connaissons, ni ces Chiens Maudits, ni ceux qui viennent de débarquer sur la plage ! Que personne ne regarde le ciel le regard empli de désespoir. Que personne ne regarde l’horizon en se demandant s’il sera en vie demain. Il nous faut être fort pour gravir les marches de la victoire contre nos ennemis, quels qu’ils soient et quels qu’ils seront. Mais aujourd’hui, je le dis et je le sais, les Sekmet ne seront pas en mesure de surmonter cela s’ils ont à la tête le mauvais chef. C’est un chef militaire, un dominant de caractère qui doit vous guider, quelqu’un d’insoumis aux autres, quelqu’un qui saura tracer le sillage de la route du Brasier Blanc. Sekmet, je vous le dis. Hige n’est pas cette personne. Il ne la jamais été et vous le savez. Hige est un conseiller, un sage reconnu, un excellent chasseur de renom, pas un guide ni un chef ! Torka lui a laissé sa place alors qu’il était incapable de choisir la sienne, tiraillé entre la perte de sa mère et la détention de sa compagne. Je le dis, Torka ne pouvait pas décider pour nous, surtout sachant que Hige n’était pas celui qui était capable de garder la ligne d’horizon des Sekmet. Je pense que nous perdons nos valeurs, nous perdons nos buts, nous nous faisons mettre en débâcle par deux, deux chiens. Sekmet ! Je ne laisserai pas ma meute sombrer ni dans la mort ni même dans l’oubli. Nous devons agir. Nous ne pouvons rester là à rien fait, à nous empâter, nous laisser écraser. Sekmet, je vous le dis. Nous devons être fort, nous devons rester fidèles à nous-mêmes, nos valeurs, nos idéaux. Ne nous laissons pas faire. Soyons Sekmet.

Sekmet. Je revendique la place d’Alpha Sekmet pour guider les nôtres, pour nous tirer vers le haut, pour changer la donne. Parce que c’est ce qu’il faut, et c’est ce que je ferai. Je sais que certains le désire autant que moi, que je prenne la tête de cette meute. Pour ceux qui ne sauraient se décider, par crainte ou autre raison. Décidez, décidez ce qui est le plus juste, agissez selon vos valeurs et celles de notre meute et alors je sais que vous ferez le bon choix. »





Athos regarda l’assemblée. Il espérait, il espérait si fort que tout le monde comprenne ses raison. Du regard, il chercha Nilaya. Une des premières à qui il avait parlé de son désir de faire revivre sa meute de ses cendres, son idée de faire un coup d’Etat, son désir de prendre la place d’Alpha. La louve, qui avait été bien plus que son amie pendant longtemps, avait bien réfléchi avant d’accepter de le soutenir. Lui et elle étaient très liés, et Athos savait qu’il pouvait compter sur son soutien même si Hige et Nilaya étaient comme frère et soeur. Nilaya devait savoir que c’était pour le mieux. Athos et Nilaya se complétaient. Avec elle pour l’aider, il saurait guider cette meute à la perfection, il le savait au plus profond de lui, dans chaque parcelle de son coeur, dans chaque cellule de son être. Il était fait pour guider les Sekmet, fait pour régner, et il l’avait toujours été. Depuis son enfance, il en avait toujours montré des aptitudes et certains avaient essayé de le freiner. Mais maintenant il était plus décidé que jamais. Il porterait les siens. Il portera cette meute pour la porter au plus haut, lui restaurer sa splendeur d’antan, conserver ses valeurs. Quoi qu’il lui en coûte. Si au fond, Athos savait qu’il allait devoir essuyer de la résistance, il comptait sur la sagesse de certains qui étaient indécis ou pire, avec Hige, pour prendre la décision de ne pas se porter contre lui, à défaut de l’aider. Parce qu’il disait vrai dans le moindre de ses mots.

L'heure est venue

Sekmet

20 - 15 - 13

L’excitation. Ca y’est. Tout commençait, tout était en place. Athos écouta parler un à un les membres des Sekmets. Certains n’osaient même pas parler. Mais ça allait changer. Chacun aurait sa voix, chacun pourrait dire ce qu’il pensait sans peur de représailles aucune. C’est cela qu’Athos représentait. Une nouvelle meute, une nouvelle ère, un avenir. Chacun pensait différemment, personne n’osait le dire, c’était affligeant. Athos écouta attentivement et vit peu à peu les personnes arriver. Une par une, il les laissa parler, sans les interrompre, et se même quand Torka sortit de ses gonds et commença à fabuler. Il resta de marbre, fidèle à lui même, comme s’il assimilait chacune des paroles de chaque personne qui se présentait. D’abord, en toute première, ce fut Nilaya qui arriva, et même si Athos n’était pas le moins nerveux du monde à cet instant, il ressentit une profonde chaleur. Il la regarda profondément. Elle serait toujours avec lui, et il donnerait sa vie pour elle, comme il donnerait sa vie pour ses amis et sa famille. Il regarda Nilaya qui était restée au bord de l’avion. Athos posa son regard sur elle, comme une promesse : « tout va bien se passer, nous avons fait le bon choix, je te le jure ». Il le pensait dur comme fer, il le savait, il agissait au mieux. Il la laissa agir comme elle voulait. Rien n’était prévu entre eux. Elle agirait comme il le semblait. Si elle voulait se battre, elle le ferait, sinon, il était bien placé pour savoir que personne ne pouvait soumettre Nilaya. Puis, vint ce qu’Athos attendait et savait déjà d’avance. Torka, un loup impulsif, plus vieux que lui, mais tellement, tellement prévisible. Rien de ce qu’il dit n’étonna ne serait-ce qu’un peu Athos. Il s’énerva. Comme prévu. Il l’insulta. Comme prévu. Et Athos resta de marbre. Il ne fit pas comme si Torka n’était pas là, loin de là. Il l’écouta, comme il l’aurait fait de n’importe quel membre de la meute des Sekmet. Lorsqu’il eut fini de parler, Athos tourna alors la tête et écouta les autres parler. Pourquoi accorder à Torka plus de poids dans ses paroles qu’un autre ? Parce qu’il l’avait provoqué ? Parce que le noir avait montré devant tous à quel point il était incapable de raisonner ? Non, Athos ne lui ferait pas se plaisir. Il fit fi des insultes de Torka, elles n’avaient aucun poids, aucune importance, aucun fondement, alors elles n’étaient rien. Que du vent, que des paroles vaines. Puis, arriva Moro. Et pour la première fois depuis le début de ce coup d’état, elle fut sa première surprise. Elle fut la seule, la seule qui osa braver les « Hauts Placés » en personne, sans peur, sans se taire, en disant ce qu’elle pense et vraiment ce qu’elle pense. Athos ne connaissait que peu Moro, seulement par réputation. D’un geste de la tête, il la remercia pour sa franchise. Elle représentait exactement ce pour quoi il se battait. Ces voix bâillonnées, tues. Et encore, beaucoup n’osaient pas se prononcer, et Athos était persuadé qu’elles avaient peur de dire ce qu’elles pensaient, à cause de Torka. Lui qui voulait justement demander son avis à la population pendant que Hige n’était pas là, pour qu’il puisse savoir vraiment le coeur de chacun sans que les autres ne soient baillonés par la présence de leur Alpha ! Car oui, Athos n’avait jamais été lâche et l’avait montré de bien nombreuses fois. Là était la seule raison pour laquelle Athos n’était pas allé voir tout simplement Hige.

Et puis, d’autres loups avaient peur de l’inconnu, peur de s’engager, d’autres encore se demandaient quelles seraient les représailles si elles soutenaient ouvertement Athos. Quand il sera au pouvoir, tout cela changera. Les Sekmet allaient être la meute respectée et crainte. Mais elle ne se craindrait pas en son sein même, ce temps-là était fini. Et Torka n’y pourra rien, la volonté d’Athos était de fer.


A leurs tours, arrivèrent Pfeiffer, Fantôme, Alkaine, puis petit à petit de plus en plus de Sekmet. Il les remercia d’un bref signe de la tête. Fantôme était une jeune Sekmet qui avait suivi Athos ici. Il était content qu’elle le soutienne. Il savait que c’était une louve droite, de même pour Pfeiffer, amie fidèle de Nilaya. Il manquait de ses partisans, mais ils allaient arriver.
Gallya arriva. Athos ricana intérieurement. Tiens, depuis le temps qu’elle n’était pas apparue, ni qu’elle ne s’exprimait en public, comme par hasard elle s’intéresse aux affaires des Sekmets maintenant que sa place était en danger, sa place de compagne du Prince. Il ne la pensait pas comme ça. Trop de choses avaient évolué chez les Sekmet, les Haut Gradés s’occupaient de leur petite place bien au chaud au sommet de la hiérarchie.


C’est là qu’Eira arriva. Athos ne montra aucun sentiment, mais en lui, il était désolé. Il savait ce que ce coup d’état allait représenter pour Eira, et il estimait cette louve qui, on ne pouvait lui enlever, avait un certain tempérament positif. Oui, elle était déçue. Elle savait qu’Athos était un membre fidèle de cette meute, et ne semblait pas assimiler les raisons d’Athos. Justement ! Il avait toujours été un élément exemplaire, il avait toujours été des plus fidèles à Empress ! N’avait-il pas été le plus jeune général de l’Histoire ? N’avait-il pas combattu pour les siens, chassé comme un fou, s’entrainer toujours plus pour défendre les Sekmet ? N’avait-il pas tout tenté pour sauver les prisonniers du laboratoire, en étant dans le laboratoire mais aussi et surtout une fois sorti ?


Toxic et Opium arrivèrent aussi et s’alignèrent presque mot à mot sur Gallya. Quelle inventivité. Athos ne prêta pas vraiment attention aux paroles et provocations de Toxic, c’était un gamin qui protégeait son rang, ses paroles n’avaient ni fondement ni argument. Du vent. Il l’avait connu sous un autre aspect pendant leur entraînement, un jeune loup très imbu de lui même, certes, mais pas stupide pourtant. Quant à Epsilon, il n’était pas bien vieux non plus et Athos l’avait aussi entraîné parfois. Il n’attendait aucune reconnaissance de sa part, mais il était déçu. Déçu de son comportement, déçu qu’il se laisse mener comme un enfant, il avait pensé qu’il n’était pas de ceux-là.
Puis enfin, Palladium, le nouveau Bras droit arriva. Athos ne détestait pas Palladium, ils avaient chassé ensemble, ils étaient généraux ensemble et avaient plusieurs fois discuté. Cependant, si Palladium avait toujours eu un don pour la traque, il n’avait jamais été guerrier ni vraiment meneur. Comme Athos l’avait prévu, il s’énerva, mais moins que Torka. Après tout, c’était légitime : quand Athos remettait en cause l’Alpha, il remettait de fait son gouvernement et sa nomination du Bras droit.


Puis, Varag et Isïl arrivèrent. Ils choisirent de ne pas le soutenir. Athos ne pouvait pas leur en vouloir. Ils ne le connaissaient pas bien, et lui non plus, et peut-être n’osaient ils pas changer l’ordre établi.
Il était certain que ceux habitués à se faire écraser ne le remarquaient même plus, ils avaient des oeillères, ne voyaient que ce qu’ils voulaient bien voir. Peut-être que certains ne voyaient pas la chute des Sekmet, et le fond arriver à toute vitesse.

Athos attendit que chacun parle. Enfin, il répondit, au cas par cas, sauf pour ceux qui répétaient des arguments. Sa réponse servait finalement à tous et pas seulement à ceux à qui il s’adressait directement.

« Vraiment Gallya, tu en es là ? A ironiser sur l’avenir d’une meute, notre meute. Oui, les heures sombres arrivent, mais les heures sombrent se profilent depuis des lustres sans que tu sois capable de le voir. Je ne parle pas seulement des Hommes et leurs chiens explosifs arrivent, les autres meutes grandissent pendant que nous nous tassons. Les Esobeks deviennent de plus en plus fort, nous fermons les yeux, nous nous écrasons, nous suivons comme des moutons les yeux bandés. Tu parles d’un comportement néfaste. Peux-tu seulement ouvrir les yeux ? Toi, qui a vu le traitement des Hommes. Tu me trouves lâche ? Alors c’est que tu n’as aucune idée de ce que signifie ce mot. Mais je vais te dire ce que n’est pas un lâche. Un lâche n’aurait pas affronté seul les humains pour sortir de l’enfer du laboratoire alors qu’on restait prostré pendant des mois au fond d’une cage où on ne pouvait à peine bouger, à demander désespérément que les secours arrivent et n’arrivèrent jamais pour moi, un lâche n’aurait pas déclaré seul, devant tous, ses idées et son avis, un lâche n’aurait pas osé s’élever contre qui que ce soit. Un lâche n’aurait pas demandé l’avis de quiconque avant de revendiquer la tête d’une meute. Un lâche n’aurait pas osé mettre ses prétentions à nu devant la meute entière, quels que soient leur grade ou leur ascendance.


Quant à toi Opium, quand on ne sait pas, on ne dit rien. J’ai fourni la quasi-entièreté des informations concernant la laboratoire pour avoir rôdé à l’intérieur durant mon évasion, et avoir mené de multiples mission de repérages. J’ai planifié les entrées possibles, les sorties, le sauvetage autant qu’un Général revenant de captivité pouvait le faire.


Eira, tu sais que je ne suis pas lâche pour les raisons que je viens de dire. Tu sais au fond de toi que la moitié de ceux qui ont parlé au moins n’auraient pas osé le faire si Hige avait été là, face à eux, par respect ou par simple soumission. Alors oui, si c’est donner la parole aux autres, leur donner la possibilité de ne pas être des moutons qui n’ont pas leur mot à dire, si c’est ça que tu me reproches, si c’est de demander justice, alors vas-y. Mais tu sais Eira, tu sais que je suis un loup d’honneur. Vous le savez tous ou vous ne me connaissez pas. Tu as raison Eira, tu as raison. C’est devant ma famille que je me trouve, pas pour les forcer à quoi que ce soit comme quand on leur a imposé un chef, pas pour les obliger à se diviser, mais pour leur donner une occasion que certains d’entre eux n’ont jamais eu : parler et dire ce qu’ils en pensent. Certains tremblent à l’idée de dire ce qu’ils ressentent au plus profond d’eux et préfèrent se taire, d’autres se mentent à eux même en se disant que l’ordre établi n’est pas à changer. Mais l’avenir est en constante évolution. Si je dois mourir aujourd’hui, c’est que j’en aurai décidé ainsi. Nous ne sommes pas uniquement sous la coupe d’une personne ou d’un destin. Nous nous appartenons et faisons le choix de nos vies.


Palladium. Je ne crois pas que le qualificatif « jeune » soit approprié pour certains loups ayant l’âge d’Hige ou plus. Je ne vois là nul choix d’Empress. Si Empress avait voulu désigner Hige comme successeur, elle l’aurait dit bien avant de disparaitre. A la place de cela, elle a placé Hige là où il était le plus opérationnel et certainement le meilleur : son conseiller comme tu le dis si bien toi-même, et je n’ai pas la prétention d’avoir les qualités d’Hige pour conseiller l’Alpha. Conseiller et mener sont deux actions totalement différentes. Tu peux décider de te battre et de nier l’évidence, tu peux décider d’ignorer tous les loups qui viennent de parler en ma faveur, qui demandent une voix, qui demandent de ne pas se soumettre à une dictature. Tes arguments auraient pu avoir du poids, si nous étions 2, ou 3. Mais regarde, serais-tu aveugle à la meute et ne penserai-tu donc qu'à ta position? Te moquerai tu de ce que pensent les membres de la meute ? Tu leur montres là à quel point ils ont raison. Vous parlez de vous battre par la force, vous n’avez d’autres arguments que l’âge ou , parce que vous avez peur, peur que j’ai raison. L’inconscient qui vient d’apprendre à se battre a été choisi Général par Empress même, c’est donc que je n’étais pas si ... novice que cela. L’inconscient a mener une guerre, l’inconscient a été le seul Sekmet à s’évader du Laboratoire. J’ai exercé une année en tant que Général, c’est entendu. Mais toi, combien de temps as-tu exercé en tant que Général avant de devenir Bras Droit, n’étais-tu pas simple chasseur avant tout comme moi. Et Hige n’était-il pas simple chasseur avant d’être Bras droit puis de se propulser au rang d’Alpha ? Tu vois, en moins d’un an, il s’en passe des choses. Nous respectons tous le choix d’Empress qui était toi et moi, Généraux, et Hige, conseiller en tant que Bras Droit. Cela n’allait pas plus loin et je dirais même que c’est utiliser sa mémoire que de revendiquer ce qui vous arrange pour conserver votre place. Quel bel argument... »


En chaque mot d’Athos raisonnait la vérité, pas une seule parole n’était fausse dans ce qu’il disait. C’était un loup d’Honneur qui avait toujours été fidèle à Empress et à sa meute, qui s’était battu pour elle, qui avait souffert pour elle. Et maintenant, s’il le fallait, il allait mourir ou régner pour elle.
Puis encore une fois, ce qu’Athos avait prévu arriva. Hige, qui prononça un discours. Peut être qu’il comprendrait les raisons d’Athos, mais le grand loup brun doutait qu’il donne sa place. Ou peut-être pas en fait. Il n’était pas si sage que ça finalement, peut-être qu’Athos l’avait sur-estimé. Juste après, Draegon arriva en courant, et si le sujet n’était pas aussi sérieux, Athos en aurait ri. Son ami se doutait de ce qu’Athos préparait, Athos en était sûr. Alors, il était arrivé à l’appel du grand loup brun, et avait manifesté son soutien ferme et inébranlable. Athos hocha la tête à son ami, content de le voir. Il manquait encore plusieurs des siens, des personnes dont Athos était assuré du soutien, mais ils allaient bientôt arriver.



« Je doute que je puisse un jour avoir peur de qui que ce soit, où je n’aurai même pas tenté faire ça Hige. La peur n’a rien à voir la dedans et tu l’aurais sû si tu n’avais pas voulu simplement railler. Je te pensais plus avisé. Ainsi, les membres ont enfin pu parler, et encore, certains leur imposent presque le silence de leur présence.
Je crois, Hige, que tu n’es pas fait pour cette position. Notre meute s’enlise, notre meute coule. Nous avons tous des avis différents à ce sujet, mais je sais que personne ne veut voir les Sekmet devenir une meute de moutons. Nous ne sommes pas comme ça, notre nature commence à changer pour le pire, les Esobeks eux même ne nous considèrent plus comme des rivaux. Je n’accepte pas ça. Tu n’es pas un mauvais loup Hige, et toi et moi n’avons jamais eu de différents. Tu es un bon chasseur, un bon conseiller, et si je n’ai pas été général pendant plus d’un an tu n’as pas été bras droit davantage. Tu n’as pas plus le droit qu’un autre de t’ériger à cette place sans même avoir pris la peine de savoir ce que quiconque en pense, personne n’a demandé l’avis de qui que ce soit, on t’a retrouvé propulsé ici sans un avis aucun. Nous ne sommes ni des choses, ni des moutons. Chacun a le droit de parole et je suis sûr que tu le comprends. Je n’accepte pas que tu sois Alpha Hige. Et peut-être que beaucoup seront contre moi, mais je ne veux pas laisser faire ça, quoi qu’il m’en coûte. Comme je l’ai dit, ta position est loin d’être le choix d’Empress, mais celui de Torka, qui est extrêmement différent de sa mère comme nous le savons tous. Helya et Sageeth sont partis. Moi je suis bel et bien là, devant toi, et je le resterai jusqu’à ce que je n’ai plus à le faire. »



Maintenant, Hige lui faisait face. Deux forces de la nature l’une en face de l’autre, peut-être Athos était-il plus carré et bâti d’ailleurs. Si il était loyal ? N’avait-il jamais été autre chose ? Ce qu’il avait à offrir : un droit à la parole, pour commencer. Puis un avenir. Un avenir que, selon Athos, ni Hige ni « son gouvernement » ne représentait. Hige parlait de sacrifice. Athos avait tout donné pour sa meute, son corps comme son esprit. Il avait abandonné ceux qui comptaient le plus pour lui pour rester au sein des Sekmet, car depuis la disparition d’Empress et le départ de Sageeth et Helya, rares étaient les loups assez puissants pour résister à une quelconque offensive. Athos avait fait le plus grand sacrifice de tous : il avait laissé sa famille, son sang, pour sa famille, sa meute. Ses enfants cachés, qu’il aimait tant et qu’il aimerait voir grandir, pour qui il souffrirait mille mort, ses enfants grandissaient loin de lui. Sa soeur, seule survivante de l’éradication de sa famille ? Aussi dans une autre meute, la même meute que ses enfants. La femelle qui avait voulu partagé sa vie ? Laissée là bas. Il s’était sacrifié tout entier. Alors qu’on ne lui parle pas de sacrifice. Mais ça, c’était son affaire, ses souffrances, il ne voulait l’empathie de personne, au contraire, il ne voulait pas qu’on sache qu’il puisse souffrir de cela, qu’il ait tout sacrifié pour les siens. S’en vanter n’était pas de son éthique, Athos était un loup guidé par l’Honneur et la Justice depuis sa plus tendre enfance, c’était son essence même.

Alors oui, il avait déjà tout donné pour les siens, sa vie, dans tous les sens du terme. Seul son existence terrestre restait à offrir, sa vie en tant qu’être de chair et de sang. Mais cela aussi, il le donnerait. Ainsi, Athos aurait tout sacrifié, autant pour ceux qui le soutiennent que ceux qui ne le faisaient pas. Et si c’était à refaire. Il le referait.



« Oui Hige, je crois pouvoir prendre la place d’Alpha. Tu crois que je ne peux rien offrir de plus que toi ? J’ai toujours été loyal, tout au long de ma vie. Jamais je n’ai fait autre chose que pour ma meute. Ce que j’ai à offrir ? Commençons par ce que je viens de faire et que tu n’avais jamais donné l’occasion : un droit à la parole libre sur toi. Moro l’a dit. Nous ne sommes pas une dictature. Mais ce n’est pas que ça. Un avenir, c’est ce que je peux leur offrir. Tu as raison Hige, tu peux les faire survivre. Mais pour combien de temps, et depuis quand sommes-nous une meute inférieure au point de n’avoir d’autre horizon et but que la « survie ». J’ai mené des loups à la guerre, j’ai prouvé d’autres fois ma valeur. J’ai entraîné la plupart des jeunes ici présents, je me suis donné corps et âme pour les miens, la chasse, les responsabilités, les devoirs. Ce que j’ai à offrir ? Une chance de ne pas vivre dans l'attente de crever. »




Il était ferme, convaincu, inébranlable dans ce qu’il disait, car il le pensait du plus profond de ses entrailles. Non, ses sacrifices ne serviraient pas à rien, il ferait survivre la meute, il avait déjà bien des plans pour cela, déjà préparé ce qu’il voulait faire, car Athos avait toujours été un fin stratège et tacticien. Bientôt, ce serait le verdict. Mort ? Exil ? Alpha ? Il ferait tout, absolument tout pour les siens. Qu’importe les conséquences.


Réalys, à son tour, arriva, et manifesta son accord avec Athos en se plaçant tout simplement avec ceux qui l'étaient aussi. Bien. D'autres partisans allaient encore arriver, bientôt, ils seraient au complet. Pour une "minorité", cela commençait à faire beaucoup. Vraiment beaucoup qui étaient contre la domination de Hige. Si c'était à un tel point, n'avait-il pas des question à se poser? Pouvait-il seulement se dire qu'Athos disait la pure et simple vérité?