Son premier lapin entre les dents, le loup se met en quête d’un endroit où cacher son butin pour prendre la suite de sa nuit de chasse. Il devrait peut-être se nourrir de cette première proie pour s’assurer la force de tenir jusqu’à l’aube, mais il décide de rester sur ses réserves. Il a déjà mangé la veille, il n’a pas besoin de se remplir la panse tout de suite. Il parcourt les terres sur plusieurs centaines de mètres, brouille les pistes en urinant sur les arbres morts et quelques buissons. Puis, au milieu de ce pseudo territoire, le loup dépose son lapin dans la crevasse sous les racines d'un arbre. Il le regarde, cligne lentement des yeux, et s'éloigne en trottant à bonne allure. La nuit ne fait que commencer, il se doit de reprendre la traque. Sa truffe par terre, le voilà qui cherche de nouvelles odeurs. C'est la piste d'une bête qu'il a souvent vu lorsqu'il était dans les cages humaines, qu'il découvre bientôt. Il relève la tête, cherche à vue. Cet animal ne se cache pas, il compte sur son pelage pour le camoufler et empêcher la plupart des prédateurs de le repérer. Mais le loup n'est pas idiot, et il voit clairement la tête rouge dépasser des bosquets. Dans un silence de mort, il marche sur la pointe des pattes en contournant l'animal. Occupé à fouillé la terre, le faisant ne prend pas garde à sa présence. Le loup fait un détour de quelques mètres, face au vent, pour garder l'avantage de la surprise lorsqu'il attaquera. Il prend encore quelques secondes d'observation, de réflexion. Et brutalement, il bondit par-dessus le bosquet qui le cachet. Dans un son désagréable, le faisan court, bondit en l'air et tente de s'envoler. Mais dans sa précipitation, il se frappe sur un tronc et retombe. Le couvert des arbres va aider le loup dans son entreprise. Il fonce sur l'animal, saute dans les airs pour tenter de l'attraper. La bête retombe, part en courant et en gloussant. Il file à sa suite, frappe les pattes contre le sol pour tenter de le rattraper. La plante de ses doigts effleure à peine le sol, les feuilles mortes de l'automne volent sous son corps. Les muscles de ses membres tremblent sous sa peau épaisse, et son cou tendu vers l'animal donne une impression d'allongement mortel. Ses crocs se découvrent, ses oreilles pointées en avant son figées dans la direction du faisan. Il claque des mâchoires à plusieurs reprises, tout en courant, et le faisan le sème à différentes occasions avant qu'il parvienne enfin à lui coller au train. Alors qu'une clairière se présente devant eux et que le loup pense qu'il va perdre sa proie, l'animal glisse ou se prend la patte. Le loup ne saurait dire ce qui est arrivé, mais il tombe brusquement sur la bête et l'écrase sous son poids. Avant que leurs corps ne se démêlent, le loup plonge ses crocs dans son long cou de plumes et lui brise la nuque. Il se relève presque aussi tôt, l'animal mort et enfin silencieux coincé entre ses crocs meurtriers. Ravi, il prend le chemin du retour.

Alors qu'il vient de déposer sa nouvelle proie près de la première, le loup est pris d'une envie soudaine. Sans la moindre hésitation, il se rend au village des hommes. Pandémonium lui a appris à voler. Il sait comment s'y prendre, et il veut accomplir ce méfait contre cette espèce qui lui a tant pris. Il s'avance en rampant, il sait où aller. L'odeur est forte, la litière des volatiles ne doit pas être changée régulièrement. Les humains ont d'autres choses à penser, ils se contentent de voler ce que les animaux peuvent leur fournir sans vraiment prendre soin d'eux en retour. Le loup gronde doucement, rampe encore, puis débouche à l'arrière du poulailler. Il ricane. A cette heure de la nuit, les volailles dorment paisiblement à l'intérieur, ce sera un jeu de louveteau. Il commence à gratter avec acharnement sous la clôture, qui bientôt se libère de la terre. Alors, il se faufile à l'intérieur. Il essaie d'abord, échoue, creuse à nouveau pour recommencer. Il lui faut plusieurs tentatives avant de ramper à l'intérieur, et quelques touffes de son pelage brun sont restée sur les piques souples du grillage. Il avance à pas de loups jusqu'à l'entrée de la cabane en bois, les sens en alerte. Là. Elles sont tout proche. Elles ne demandent qu'à être dévorées les unes après les autres. Il ouvre la gueule, se lèche d'avance les babines. Il monte sur la passerelle, s'avance en silence vers les volatiles. Mais la passerelle glisse et réveille les oiseaux. Immédiatement, c'est la panique dans le poulailler. Les volailles se réveillent en sursaut et se mettent à hurler. Vite, il doit se dépêcher ! Il bondit dans tous les sens, claque des mâchoires s'en décrocher les dents, atterrit contre les murs et repart de plus belle. Certaines des bestioles se faufilent à l'extérieur en piaillant comme des furies. Le loup tente d'en attraper à l'intérieur, mais ces viles créatures picorent son museau et lui lancent leurs pattes au visage dans leur frayeur non contenue. Il se jette dehors à leur suite, essaie d'en coincer d'autres contre les grillages. Les lumières d'une maison s'allument, des voix graves résonnent dans la tanière humaine. Le loup se précipite, tente encore de tuer. S'il a de la chance, quelques-uns de ses bonds de kangourou maladroits ne seront pas inutiles. Ses mâchoires manquent de peu le croupion d'une poule, mais alors qu'il s'apprêtait à la chopper des grondements résonnent à ses oreilles. Les griffes raflent le bois, et le chien descend de la maison en courant pour venir lui faire sa fête. C'est le moment de décamper. Tous les sens en alerte, le loup se précipite hors du poulailler par où il était entré. Il se jette à toutes vitesse dans les chemins de terres et fonce vers la sortir du village, chassé par les galopades du chien et les coups de feu derrière lui. Il s'extirpe de justesse de cet endroit puant et fonce dans la forêt pour s'y mettre à l'abri. Il n'a pas réussi à voler les bipèdes, mais il leur a au moins filé une belle frayeur. La langue pendante, le coeur battant, il se contente de ça et se réjouit malgré tout de cette bêtise bien amusante malgré le danger important qu'elle représentait.

Tapis dans l'ombre, il guette depuis de longues minutes. Il observe les animaux dans un silence parfait, regarde chacun des pas qu'elles font. L'une des brebis entraîne doucement ses jumeaux loin du troupeau, elle ne fait pas attention et se laisse bêtement guider par ses papilles. Le loup rampe, longe les bosquets qui le camouflent. Il les suit dans le plus grand silence, frère de la mort, escorteurs des âmes égarées. Quand les bêtes sont assez loin du troupeau, il sort de sa cachette comme si de rien n'était. La brebis lève vivement la tête, le fixe. Les agneaux ne prennent même pas garde à sa présence. Un loup seul n'est pas un danger, bien sûr. Un loup seul ne chasse pas de gros gibiers. Mais ce loup-là à faim, et il se prépare pour une grande aventure. Il se prépare pour vivre. Dans un léger grognement, il fixe les trois bêtes inoffensives. La mère le surveille, il fait alors mine de longer leur position sans aucune arrière pensée. Mais quand, brutalement, il bifurque vers ses petits, la brebis bêle rageusement et le charge. Il esquive de justesse, part sur la droite. Elle charge à nouveau, il bondit en arrière pour échapper à son crâne vengeur. Il tend vivement la patte pour la frapper, vainement, avant de partir en trottant. Elle le suit, et ses petits la suivent, elle. Le troupeau commence à s'agiter derrière, mais aucune des autres bêtes n'ose s'approcher du prédateur. La mère est seule contre lui. Seule contre l'assassin. Elle charge à nouveau, le loup esquive à la dernière seconde, se tort en arrière pour lui flanquer un coup de crocs au niveau de la nuque. La laine épaisse l'empêche d'atteindre la chair, mais il a pincé sa peau et elle cri avant de se secouer et de fuir. L'instinct du loup s'éveille, ses pattes se mettent d'elles-mêmes en mouvement et la salive lui monte à la gueule. Ses yeux luisent dans la pénombre, sa truffe le guide à la suite de sa cible. Elle bêle, s'approche du troupeau. Le loup lui coupe la route et l'oblige à faire demi-tour. Elle obéit contre son gré, repart dans l'autre sens. Il mord dans ses jarret, elle lui balance un coup de sabot comme s'il s'était agit d'une vache ou d'une jument. Les bébés courent derrière leur mère comme des dératés, mais le but du loup n'est pas de tuer la génitrice. Il continue de la harceler sur des distances épuisantes, soufflant à sa suite toute l'énergie de la femelle allaitante. Le prés semble d'une petitesse incroyable à mesure qu'il le parcourt derrière la bête, de long en large. Ses crocs n'ont de cesse de se referment sur les jarrets ou les cuisses, parfois même sur les épaules lorsque la brebis tente d'aller trop près du troupeau. Et après de longues minutes de courses, lorsque le plus faible des agneaux cesse de suivre et attend sagement que sa mère se fasse abattre, le loup termine de vider la femelle de son énergie. Il la dirige à coups de crocs furieux jusqu'au troupeau, où il la laisse se perdre dans la foule avec son petit restant. Il rejoint le faiblard, debout à l'autre bout du pré, et lui tourne autour. Il s'approche, l'animal ne bronche pas. Il tend le museau, pince les poils. Le petit essaie de se débattre, cours deux foulées et s'arrête, trop épuisé. Alors, brutalement, le loup bondit sur sa proie et malgré les plaintes du petit, enserre fortement sa gorge. Les minutes filent tandis que l'animal se vide de son oxygène, et il ne faut plus que peu de temps avant qu'il ne meurt asphyxié. Fier de sa prise, le loup le traîne hors du pré à la seule force de ses mâchoires et de ses membres endoloris par la course poursuite. Il le traîne sur les territoires, quittant les alentours du village pour rejoindre la cachette où l'attendent déjà ses premières proies.

L'agneau repose avec les premières proies. Le loup s'accorde quelques heures de sommeil avant de repartir en chasse, et suit dès lors la piste de sangliers. Selon lui, les sangliers sont probablement de gros cochons au pelage dur. Il les traque sans pitié, guette un petit qui semble seul. Pourquoi pas, après tout ? C'est une occasion comme une autre. Il se tapis dans l'ombre, surveille sa proie. Et lorsqu'elle s'y attend le moins, il plonge sur elle tous crocs dehors. La petite bête, effrayée, s'écarte en criant si fort que le loup en a mal aux oreilles. Il freine des quatre fer sur le coup, mais repart immédiatement à la suite de l'animal. L'adrénaline monte en lui, réveille ses sens. Il se concentre sur sa proie, la poursuit sur plusieurs dizaines de mètres. Il n'entend plus que les galopades affolées du marcassin alors que ses propres pattes tambourinent le sol avec rage pour rattraper le fuyard. Mais, alors qu'il est a deux pattes du gueulard, une énorme masse sombre s'extirpe des buissons et percute le loup a une vitesse hallucinante. Il n'a pas le temps d'esquiver, et le choc l'envoie valser à deux bons mètres avant qu'il ne se relève devant une laie furieuse d'avoir vu sa progéniture poursuivie par un prédateur. Le loup lui fait face une seconde, mais la bête est si enragée qu'elle le charge dans la seconde sans même réfléchir aux potentielles conséquences. Cependant le loup n'est pas stupide, et s'il aurait bien mangé du porc, il se retient d'aller droit au carnage. Il esquive une première attaquer en roulant à gauche, se redresse dans la foulée et se met à courir. Si la monstrueuse mère le pourchasse pendant un moment, ses longues pattes à lui, lui permettent de la semer après quelques virages serrés entre les arbres. Elle abandonne pour faire demi-tour et rejoindre ses petits, tandis que le loup se résigne à retourner sur ses pas pour trouver une autre proie plus facile.

Sur le chemin du retour, le loup est surpris par une masse monstrueuse qui le percute lourdement au niveau du flanc, lui faisant perdre l'équilibre et rouler dans l'humus frais de la nuit. Il se redresse par réflexe pour faire face à son assaillant, mais il ne croise que le regard rassurant, quoi que tordu par un rictus mauvais, de Tybalt. Il souffle son soulagement lorsque le gros mâle fond sur lui en lui gueulant de rester toujours sur ses gardes. Alors, le loup comprend que sa chasse est compromise par ce mastodonte qui, visiblement, à d'autres projets pour lui. Il gagne un violent coup de crocs à l'arrière de la nuque, se fait tirer en arrière et traîner dans la terre. Il se secoue vivement, balance des coups de pattes à tout va et se tortille pour se libérer de l'étreinte féroce. Dès que Tybalt le relâche enfin, le loup se jette sur lui, furieux d'être aussi peu pris en compte. Il frappe de toutes ses forces le flanc du mâle, qui se déplace d'à peine quelques centimètres. Mais le loup joue sur sa petite carrure pour doubler l'adulte de vitesse et frapper une nouvelle fois, juste au creux entre le coude et l'épaule. Il coupe la respiration de Tybalt, gagne quelques secondes qu'il utilise pour mordre son encolure. Mais c'était sans compter la force phénoménale du mâle brun, qui se retourne aisément pour frapper d'un coup de tête le crâne du loup. Sonné, il relâche la pression de ses mâchoires et tombe presque à la renverse, avant que Tybalt le retienne entre ses dents. Il le secoue brièvement pour le ramener à la raison, et le loup reprend rapidement ses esprits pour attaquer à nouveau. Il griffe son épaule, tente de mordre, et l'autre le repousse chaque fois aussi brutalement que la précédente. Après de longues minutes d'une lutte tout aussi acharnée que vaine, le loup continue d'essayer mais Tybalt semble se lasser. Il freine les ardeurs du jeune mâle d'un ton autoritaire, et lui ordonne d'aller se reposer, lui promettant de bientôt le retrouver.

C'est sur la plage blanche que le loup se réveille. L'aube approche, mais il reste quelques heures avant que le soleil ne se lève complètement. Il sait qu'il a bien travaillé, mais la nuit n'est pas encore terminé et il veut essayer une nouvelle technique d'approvisionnement de ses réserves. Il se déplace à une allure lente, se dirige vers l'écume et les vagues. Là-bas, sous l'eau, des animaux vivent. Il l'a appris par les histoires que d'autres lui ont racontées. Il plonge ses pattes dans l'eau glaciale, la température apaise ses hématomes. Il reste là, silencieux et immobile, attendant les mouvements sous la surface. Et puis, il repère un créature non loin. Une grosse bête de forme étrange, large et plate. Il s'en approche lentement, très lentement pour ne pas faire des remous dans l'eau. Pour ne pas éveiller ses soupçons. Et brutalement, il se jette sur la créature plate. La bête nage d'une façon bien étrange, mais le loup la poursuit sur toute la rive et fait des bonds spectaculaires dans l'eau pour essayer à chaque fois de lui retomber dessus de tout son poids. Il se rate, tombe sous la surface, boit la tasse, mais continue d'essayer à chaque fois. Il écrase l'étrange queue de la bête, qui se retourne vivement mais fait demi-tour immédiatement pour repartir à toute vitesse. Le loup gronde, surpris, et continue de la poursuivre sur plusieurs dizaines de mètres. L'eau freine son avancée mais il n'abandonne pas pour autant. Déterminé, il se met même à nager lorsque la bête s'enfonce vers les profondeurs, et ce n'est que lorsqu'il s'aperçoit que le courant l'emporte et que la créature à disparu, qu'il décide de faire demi-tour. Cependant, il n'avait jamais nagé avant. Le courant est bien plus puissant que ses pattes, et il l'emporte au large. Il lui fait se débattre contre la force d'attraction de l'eau, et s'il parvient à regagner la plage, c'est dans un état de fatigue extrême. Obligé de se laisser lourdement choir sur le sable froid de la nuit, il s'endort à la limite de l'étourdissement, les membres si faibles qu'il ne sent presque plus l'engourdissement dû à l'eau froide.

Le soleil se lève et le loup meurt de faim. La nuit s'achève, sa chasse avec elle. Il se lève difficilement, finalement les dernières heures auront été plus longues qu'il ne se l'était imaginé. Il prend le chemin de retour, s'arrête à l'un des rares points d'eau encore potable. Il se désaltère de longues secondes, et repère subitement un oiseau étrange, sur la surface de l'eau. Pas farouche pour deux sous, l'étrange volaille se pavane près de la rive et tente de loin notre loup affamé. Il lui faut peut de temps pour se décider. Le voilà qui se faufile entre les bosquets pour se rapprocher au maximum de la bestiole, et lorsqu'il est assez prêt il bondit de tous ses muscles dans sa direction. Il retombe lourdement sur la poule d'eau qui n'a même pas le temps de crier avant de boire la tasse. Ses crocs se resserrent durement sur le corps de l'animal qu'il broie sous ses mâchoires. Sans même attendre d'avoir achevé sa proie, le voilà qui retourne vers la rive à la nage, terminant d'épuiser ses muscles endoloris. Il se pose doucement sur la berge, complètement vidé de son énergie, et commence déjà à dépecer la bête mourante. La viande contre sa langue lui fait un bien fou, il se régale de cette créature qu'il ne ramènera pas dans sa réserve personnelle.