Le Pantin se demanda un instant si les autres sangliers n’étaient pas suicidaires. Après avoir achevé le vieux mâle, il constate en redressant la tête qu’à plusieurs centaines de mètres, les autres sangliers l’épient plus ou moins discrètement. Alertes et rapides, au moindre mouvement brusque ils s’éloignent de concert de plusieurs mètres encore. Les herbivores sont décidément trop stupides. Le chasseur repère une petite femelle, la plus proche de lui, qui l’observe de ses grands yeux noirs et curieux. Une cinquantaine de mètres l’en sépare. Qui ne tente rien n’a rien, n’est-ce pas ? Palladium s’élance dans sa direction et, presque en même temps, elle fait demi-tour et galope à toute vitesse entre les arbres. Le Pantin sait que les attaques comme celle-ci ne sont que peu fructueuses, l’effet de surprise est inexistant. Mais il persiste tout de même à allonger sa foulée, galopant du plus vite qu’il le peut. S’il gagne du terrain toutefois, il s’épuise. Mais sa proie semble également donner des signes de fatigue : la distance entre les deux coureurs s’amenuise peu à peu et, ignorant ses poumons qui crient de douleur, le Pantin fournit un dernier effort pour rattraper sa proie qu’il parvient, dans un effort ultime, à faire chuter.

Chasse:

Cette fois, lorsqu’il se redresse, il n’aperçoit plus d’autres sangliers entre les arbres : ils ont enfin filé sans demander leur reste, devant l’habile chasseur qu’était le loup brun. Il prend le temps de traîner le cadavre du second sanglier jusqu’à celui de son congénère – histoire de les rassembler – et se remet en quête d’une autre proie, reprenant peu à peu son souffle.
Il errait à droite à gauche, sans réellement flairer d’odeur intéressante quand, par pur hasard, il tombe soudain sur une biche qui mange quelques racines, l’air paisible. Le loup brun se hâte de la contourner, puisqu’il a le vent dans le dos il risque de se faire repérer. Une fois rendu totalement invisible, il patiente plusieurs minutes, le temps qu’il faut pour que la proie se rapproche lentement de lui, insouciante. Puis, d’un bond magistral, il surgit hors de son buisson et atterrit pile poil sur le dos de l’herbivore. Ce dernier, surpris, esquisse un saut souple et agile mais le poids du loup l’empêche de s’enfuir. Commence alors un véritable rodéo, la biche essayant de se débarrasser du prédateur, et le loup brun tentant de rester arrimé par ses griffes et ses crocs à sa proie. Mais rien n’y fait : il glisse lentement mais, dans sa chute, il entraîne l’animal qui se débat avec l’énergie du désespoir. Le loup finit couché sur le flanc et la biche, à genoux devant lui, le muffle piégé entre ses mâchoires. Elle tente de se dégager en secouant la tête, mais plus rien n’y fait : son sort est scellé.

Chasse:

Le loup brun décide de ramener cette belle proie au garde-manger : sa chair tendre ravira les louveteaux ! Une fois la biche entreposée en lieu sûr, il se remet en quête d’une proie. Il sait que les cervidés vivent en groupes dispersés dans la forêt, cette biche devait donc sûrement avoir des congénères dans la centaine de mètres à la ronde. Revenant sur sa précédente chasse, le loup flaire les alentours puis décide de sa direction un peu au hasard. Marchant silencieusement et avec prudence, il met quelques minutes avant de parvenir à trouver une nouvelle proie.
Mais lorsqu’il flaire l’odeur d’une seconde biche, tous ses sens se mettent brusquement en alerte et il trace l’effluve avec une précision diabolique. Il reproduit la même technique que pour la proie précédente : un tronc d’arbre, l’attente, bondir, se débattre, faire tomber, achever. Cette mise à mort ressemblait fortement à la précédente, rien de bien surprenant.

Chasse:

Fier de sa prise, la queue du loup brun ondule doucement dans l’air lorsqu’il relâche la pression autour de la gorge de sa victime. Un bruit étrange se fait entendre derrière lui. Il s’apprête à se retourner, mais il est trop lent et de longues branches le heurtent brusquement, le propulsant à plusieurs mètres. Son corps, devenu subitement mou, roule et se heurte sur le sol. Lorsqu’il s’arrête enfin, abasourdi, une grimace de douleur se peint sur son visage. Il lève les yeux et la première chose qu’il voit est le mufle humide et les yeux fous du cerf qui le charge de nouveau. Ses prunelles se dilatent et il roule brusquement sur le côté pour esquiver cette nouvelle attaque. Il parvient à se relever au prix d’un gros effort, et ses crocs se dévoilent face à son opposant. Un grondement sinistre sort de sa gorge. L’herbivore le défie du regard : il est grand, et ses bois sont immenses. Sa carcasse toute entière s’ébranle comme une menace, et ses yeux noirs jettent des éclairs. Palladium est impressionné par cette vision puissante, mais il tente tout de même de sauver les apparences en conservant une posture agressive. Mais il se demande comment il va pouvoir terrasser un pareil adversaire…
Tandis que le loup hésite, le cerf charge de plus belle et à l’instant où les animaux vont entrer en contact, Palladium glisse sous le ventre de l’herbivore et s’y accroche fermement en y plantant ses crocs. Le cerf, geignant de douleur, commence alors à tourner sur lui-même à toute vitesse, forçant le loup à lâcher prise. Lorsque le Pantin tente de se dégager de sous sa proie, il se prend une encornée qui lui arrache un couinement. Grimaçant, il reproduit la même attaque à plusieurs reprises, se reprenant à chaque fois une nouvelle volée de coups. Mais il n’a pas d’autres solutions et puis, déjà, le cerf s’affaiblit : il perd beaucoup de sang. Mais il s’obstine et charge à nouveau le loup qui, cette fois, l’esquive avant de s’emparer de sa patte postérieure d’un puissant tour de reins. Serrant sa mâchoire, il handicape le cerf qui, tournant sur lui-même à nouveau, tente de lui donner un coup de bois. Mais sur trois pattes et en perdant du sang, le cerf ne tarde pas à choir et, ivre d’excitation, le loup bondit sur sa gorge qu’il tranche avec joie.

Chasse:

Une fois le cerf mis à mort, Palladium hésite quelques instants à se remettre en chasse : ses muscles sont douloureux et, même s'il n'a pas de plaies ouvertes, il ressent une extrême lassitude dans tout son corps. Cependant, le petit matin ne va pas tarder à toucher à son terme et le chasseur préfère demeurer dans la forêt pour profiter des derniers instants sans chaleur.
La bataille entre le loup et le cerf a attisé la curiosité d'un blaireau qui, sûrement affamé, avait pointé le bout de son nez en espérant trouver quelque chose à se mettre sous la dent au terme du combat. Les deux animaux se regardent quelques instants : le blaireau n'a pas encore peur du loup ; sans doute croit-il que le chasseur fourbu ne prendra pas la peine de le chasser ? Il se méprend, puisque lorsque le Pantin s'élance, il est tellement surpris qu'il met plusieurs secondes à amorcer sa fuite. Cette lenteur lui fut fatale.

Chasse:

Il faut un peu plus d’une heure au loup brun pour ramener sa prise au garde-manger.
[…]
De retour dans la forêt charbonneuse, ses sens se mettent instinctivement en alerte. Une ultime chasse, et ce sera tout pour aujourd’hui : il est épuisé. Puisant une dernière fois dans ce qui lui reste d’énergie, il détecte la présence d’un faon, dissimulé entre d’épais buissons, à une centaine de mètres de là. Malheureusement pour le jeune herbivore, le vent a tourné contre lui et son immobilité ne le sauvera pas cette fois… Malgré l’avantage certain dont il bénéficie, Palladium préfère ne pas se précipiter : ce serait vraiment trop stupide de foirer une chasse aussi facile que celle-ci. S’approchant sans un bruit, il se coule lentement dans la cachette de sa proie pour l’y saisir par surprise. Et l’attaque est réussie : le faon n’a pas le temps d’ouvrir la bouche qu’il est déjà étouffé entre les mâchoires du Pantin qui enserrent sa gorge avec force. Les petits sabots s’agitent, les pattes lancent des ultimes coups dans le vide, tandis que les yeux révulsés tournoient et que la respiration saccadée s’essouffle. Le faon frémit, puis abandonne le combat et se laisse mourir.
Palladium estime qu’il est temps pour lui de rentrer au camp prendre un repos bien mérité. Saisissant sa proie dans sa gueule, il commence à traîner son butin sur le sol feuillu.

PAN ! Une détonation surgit dans le silence de la forêt, faisant s’envoler des moineaux. La source de ce bruit est si proche que les tympans du loup brun résonnent désagréablement. Prit d’un sursaut de panique, les muscles du chasseur se tétanisent. Des Hommes, si près de lui ? Cette idée le fait frémir. Bientôt, il ne tarde plus à entendre les bruits caractéristiques d’une course sur le feuillage de la forêt. Des aboiements retentissent. Le vent est contre lui, les chiens ne vont pas tarder à le débusquer. Les Hommes l’ont même déjà repéré, puisqu’ils ont déjà tiré. Mais le corps du loup est toujours paralysé, il hésite encore à fuir. PAN ! Cette fois, il est totalement assourdi, mais le coup de feu semble lui donner un électrochoc. La balle siffle à quelques mètres de lui, et se fiche dans un tronc. Les chiens ne sont plus qu’à une centaine de mètres. Le loup brun s’élance alors brusquement en avant, comme réveillé par la proximité du danger. A présent, il galope de toutes ses forces, comme s’il avait le diable à ses trousses. Mais sa proie le gêne, elle le ralentit et l’alourdit. Il est contraint de desserrer la mâchoire et de l’abandonner dans sa course. Quelle disgrâce, chasser pour laisser sa pitance aux Bipèdes… Palladium force l’allure, et change de direction pour se mettre à l’abri du vent qui véhicule sa position. Il ne tardera pas à semer ses poursuivants, ce n’est qu’une question de temps.

Chasse: