Le loup brun avait profité de longues journées passées au camp pour se remettre de ses émois précédents. Les chasses avaient été ardues, et il avait ressenti le besoin de se reposer. Mais à présent, il était frais et dispo, prêt à en découdre avec le monde qui s’offrait à nouveau à ses mâchoires trépidantes.
Il s’était aventuré hors du camp Sekmet au crépuscule, dans l’espoir de chasser le sanglier. Il avait une sorte de revanche personnelle à prendre sur ces cochons sauvages, et espérait bien parvenir à ses fins. Il avait suivi la piste d’un petit groupe de ces animaux durant plusieurs heures, venant même à les suivre presque à vue, mais sans jamais se faire repérer. La nuit était progressivement tombée et les sangliers avaient peu à peu oublié leur prudence, tant la recherche de nourriture était devenue leur priorité.
C’est un petit groupe de quelques femelles qui se tient à présent sous la truffe impatiente du chasseur embusqué derrière un buisson. Il attend, d’une patience infatigable, que l’une d’entre elles commette l’erreur de s’approcher un peu trop près de lui. Toute la difficulté de l’opération réside dans le fait que Palladium compte bien en attraper plusieurs d’affilée, mais que la mise à mort de l’une risque de faire fuir les autres… Il décide donc de changer de stratégie et, plutôt que d’attendre qu’une des truies s’approche de lui, il attend que justement, elle s’éloigne du petit groupe. Ses attentes sont rapidement récompensées puisque, furetant à droite à gauche, les sangliers s’éparpillent dans la forêt pour espérer trouver le maximum de nourriture. Un peu au hasard, le Pantin s’achemine discrètement derrière une femelle un peu plus petite que les autres. Elle semble jeune, et ne l’a pas encore repéré bien qu’il ne soit qu’à quelques mètres d’elle. Lorsqu’il bondit, elle émet un bref cri aigüe et tente de détaler vers ses compagnes. Mais – manque de chance – ses sabots dérapent, glissent sur le sol trompeur de feuilles mortes. La laie s’écroule sur le flanc et, le temps qu’elle se redresse, le loup brun est déjà sur elle, entourant de sa gueule puante ses naseaux humides et pleins de terre. La proie se débat, mais ses couinements désespérés s’étouffent dans la gorge du Pantin qui ne bouge pas d’un poil, la clouant au sol de tout son poids, lui tordant la tête en arrière jusqu’à ce qu’elle s’épuise et meure.

Chasse:

Lorsque Palladium relâche la pression, la tête massive du porc tombe lourdement et produit un bruit mou sur le sol tapissé de feuilles. L’œil brillant, le chasseur demeure aux aguets. Partout dans la forêt résonnent les grognements des sangliers en quête de nourriture. Il faut faire vite, sans se faire repérer. Le plus rapidement possible, le loup brun traîne sa lourde proie sous un buisson, pour la dissimuler à la vue des autres sangliers. A présent, il est fin prêt pour débuter une nouvelle chasse. Silencieux comme une ombre, il se coule entre les arbres, suivant les bruits et les odeurs qui le mènent jusqu’à un autre porc sauvage. Cette fois, il s’agit d’un adulte bien formé, en pleine force de l’âge. C’est un mâle, et le loup brun ne connaît que trop bien le taux d’agressivité que développent ces animaux, ainsi que leur dangerosité. Palladium sait qu’un affrontement ou une course-poursuite risquerait d’éveiller l’attention des autres proies, il va donc falloir trouver un stratagème qui laissera la forêt silencieuse. Le Pantin commence à réfléchir. Une idée lui vient. S’avançant derrière le sanglier, il émet volontairement un grondement menaçant. Surpris, l’animal fait volte-face et pousse un grognement lorsqu’il aperçoit son agresseur. Les sangliers éprouvent une haine viscérale pour les loups, et c’est bien la première fois que cela va être utile à Palladium. Le chasseur commence à mimer des simulacres d’attaque, grognant avec hargne, lançant tantôt une patte vers le sanglier, tantôt un léger bond en avant, sans pour autant s’approcher de trop près. Le sanglier commence à s’énerver, mais il hésite encore à charger le chasseur. Enfin, un léger coup de dent provocateur le décide et, d’un grondement farouche, le sanglier démarre au quart de tour, fonçant droit sur Palladium. Celui-ci fait volte-face à toute vitesse et démarre en trombe, prenant soin de foncer droit devant lui, éloignant le plus possible le sanglier de son groupe. D’ailleurs, la proie court vite et elle ne tardera pas à le rattraper. Mais le chasseur a les idées claires : il sait précisément ce qu’il va faire. Il zigzague entre les arbres, et le sanglier le suit à la trace. Le moindre mouvement fait par le loup est suivi par le cochon. Estimant le moment venu, le loup brun fonce droit sur un arbre et, au dernier moment, l’évite par un bond sur le côté. Le sanglier – trop lent – n’a pas le temps de freiner et termine sa course la tête la première dans l’écorce du tronc d’arbre. Assommé, il titube et s’effondre sur le sol. Le loup s’approche tranquillement de lui et n’a plus qu’à l’achever.

Chasse:

Après la mort de sa seconde proie, Palladium regarde autour de lui. Cette course-poursuite a mené le chasseur et sa proie bien loin de leur point de départ initial. Le Pantin ne reconnaît pas cette partie de la forêt et tous ses sens sont en alerte. Un frémissement dans les feuilles mortes attire soudain son attention. Encore haletant, il bloque sa respiration pour ne pas trahir sa présence. Et, sortant de l’abri d’une crevasse dans un tronc d’arbre, il aperçoit une belette minuscule – encore plus petite que d’ordinaire – passer sa tête triangulaire pour l’observer avec attention. N’attendant pas qu’elle déguerpisse, il bondit vers elle dès l’instant où elle le voit. La belette plonge dans son tronc protecteur, et le loup brun l’y entend courir à toute vitesse. Lorsqu’enfin, elle semble s’immobiliser, Palladium saute sur le tronc humide et tente de forer un trou en griffant, mordant, sautant sur le bois pourri. Le tronc se désagrège sous son poids et ses assauts répétés, mais il ne parvient pas à atteindre la belette qui ne cesse de se déplacer dans le tronc qui semble creux sur toute la longueur. Lassé de cette entreprise qui semble ne jamais avoir de fin, le Pantin se désintéresse de sa proie et abandonne.

Chasse:

Lorsqu’il tourne le dos au tronc à moitié défoncé pour retourner vers le cadavre du sanglier, il a à peine le temps de faire quelques pas qu’un couinement moqueur retentit derrière lui. Quand il se retourne, ses yeux tombent sur la belette qui, à nouveau sortie de son tronc d’arbre creux, le dévisage en semblant se moquer ouvertement de lui. Palladium émet un grondement sourd, et la belette retourne se cacher, apeurée.
A nouveau, le Pantin se détourne et à nouveau, le couinement retentit. Cette fois-ci, un simple grondement ne suffit pas à faire déguerpir la belette qui, prenant de plus en plus confiance en elle et se sachant protégée, fait des allers-retours sur son tronc. Palladium la regarde faire durant de longues minutes avant de s’élancer sans crier gare. La belette parvient à esquiver son attaque mais la patte griffue du loup brun cloue la queue du petit carnivore sur le tronc, alors qu’elle était presque rentrée à l’abri. La belette, aussi rapide que vicieuse, se retourne et ses petits crocs s’enfoncent dans le coussinet mou du loup brun qui lâche un couinement. La belette couine à son tour et une touffe de poils de sa queue s’arrache tandis qu’elle force le passage et parvient à s’échapper in extremis.

Chasse:

Bien décidé cette fois à ne plus se laisser distraire, le loup brun retourne vers le cadavre de sa proie. Il s’est éloigné de plusieurs mètres, mais il lui semble discerner une forme vivante à côté de sa proie. Le corps du loup brun s’affaisse, son ventre rase le sol. Il s’approche le plus silencieusement possible, son cœur battant la chamade, balancé entre terreur et excitation. Qu’est-ce qui peut bien se trouver à côté du corps sans vie de ce sanglier ? Le vent est contre lui, et l’animal inconnu le perçoit avant que le loup ne l’identifie. Un couinement caractéristique informe le loup brun qu’il s’agit d’un autre sanglier qui devait probablement renifler le corps sans vie de son congénère. Le chasseur se hâte : ce stupide animal va sonner l’alerte auprès de ses camarades et la petite chasse nocturne tournerait vite à la catastrophe. Palladium n’avait aucune envie de se retrouver seul au milieu de cette sombre forêt, avec une dizaine de sangliers paniqués galopant en tous sens autour de lui dans le noir. Pour conclure, il fallait à tout prix attraper ce sanglier avant qu’il ne s’enfuie, et le loup brun démarre au quart de tour. Le cochon sauvage, qui avait été tenté de charger, voit ce loup en furie lui foncer dessus avec la détermination d’un taureau et décide de battre en retraite. Il commence à courir droit devant lui, à toute vitesse. Chaque fois qu’il tente de retourner vers ses congénères, le loup lui barre la route et le force à s’en éloigner encore plus. Les deux animaux commencent à se fatiguer, mais le loup brun gagne du terrain sur ce sanglier visiblement inexpérimenté qui ne zigzague même pas pour tenter de le semer. La foulée du prédateur gagne sur celle de la proie et, après une tentative pour le faire chuter à laquelle le sanglier résiste plutôt bien, Palladium parvient à bondir sur la croupe fuyante de l’animal qui s’affaisse dans un cri sous le poids du loup. Dernier appel à l’aide, que personne hormis un hibou n’a entendu.

Chasse:

Après cette ultime mise à mort, des bruits de course commencent à résonner dans la forêt. Ce que craignait Palladium est arrivé : d’autres sangliers ont entendu mourir l’un des leurs et la panique commence à se propager dans le sous-bois. Aux aguets, le chasseur brun écoute, les oreilles frémissantes, les sabots galoper sur le sol feuillu. Un sanglier passe en trombe à quelques mètres de lui, mais le loup brun n’a pas le temps de sauter sur l’occasion. Cependant, lorsqu’il entend un deuxième animal galoper dans sa direction, le loup brun n’hésite pas une seconde. Les prunelles des deux animaux se croisent et le chasseur s’élance à la poursuite du sanglier en cavale. Les deux ombres se poursuivent dans la nuit sans lune, zigzaguant rapidement entre les troncs épais. Palladium perd du terrain, ce cochon-ci est plus rapide que le précédent. Un tronc, tombé sur le chemin, se présente alors. Deux possibilités s’offrent aux deux coureurs : passer par-dessous ou par-dessus. Le loup brun se décide à sauter par-dessus à l’avance, tandis que le sanglier tente par-dessous. Le porc sauvage glisse sous l’arbre avec une certaine adresse mais lorsque le loup brun saute par-dessus le tronc, sa proie a disparu. Effaré, Palladium s’arrête, cherchant partout autour de lui avec frénésie. Des bruits de fouissement alertent ses sens et, en se retournant, il découvre sa proie coincée sous le tronc, bloquée à cause de ses larges épaules. Le sanglier, voyant le prédateur si proche, tente de reculer mais rien n’y fait : il est bel et bien pris au piège. Le loup brun saute à nouveau le tronc d’arbre et attrape l’animal qui beugle à qui mieux-mieux par une patte arrière. S’arc-boutant de toutes ses forces, le loup brun tire tant bien que mal sa future pitance vers lui. Le sanglier est lourd, et il résiste. Mais peu à peu, centimètre par centimètre, les mâchoires du chasseur font leur besogne et le sanglier est peu à peu extirpé du piège où il s’était fourré. Aussitôt libéré, il tente alors de faucher le Pantin qui l’esquive d’un bond leste avant de s’attaquer, grâce à un rapide tour de reins, à sa gorge exhibée imprudemment. Palladium achève cet ultime sanglier : il sait bien qu’il n’aura certainement pas le loisir d’en attraper un autre.

Chasse:

Effectivement, le loup brun voit encore quelques sangliers passer en trombe autour de lui tandis que sa proie expire entre ses crocs. Puis, la forêt redevient silencieuse. Ce carnage a visiblement fait fuir tous les sangliers du coin. Le loup brun relâche enfin sa prise, sentant que la vie l’a quittée. Après avoir pris le temps de rapatrier toutes ses proies au même endroit, Palladium décide de se mettre en route vers la direction opposée à laquelle il a vu la plupart des sangliers s’enfuir. Il se dirige donc vers le sud. Sa truffe frémissante est prête à capter la moindre petite odeur, et ses yeux fouillent les lieux avec intérêt. Il se passe plusieurs heures avant que le chasseur ne mette la patte sur un quelconque indice de présence animale.
[…] Enfin, il déniche ce qui semblerait être des excréments de chevreuil. Le Pantin renifle cet indice avec intérêt, pêchant de cette façon les éléments dont il a besoin pour dénicher cette proie. En effet, les crottes sont fraîches et le chevreuil ne doit pas être très loin. Palladium prend donc davantage de précautions, et s’avance le plus silencieusement possible entre les arbres. Sa chasse dépend de son silence. Il n’y a pas de vent, donc pas de risque de se faire repérer. Palladium finit par découvrir le bel herbivore, qui est occupé à brouter quelques buissons épineux. De temps à autre, le chevreuil jette un œil inquiet autour de lui pour s’assurer qu’il est bien seul, avant de reprendre son repas. Quelques mètres seulement – mais à découvert – séparent le prédateur de sa proie. Le Pantin attend que le chevreuil lui tourne tout à fait le dos pour s’avancer vers lui le plus doucement possible. Mais ces animaux ont une vue de l’arrière très développée et l’herbivore repère le loup. D’un bond agile, il esquive son attaque et part à toute vitesse s’enfuir entre les arbres. Le loup brun s’élance à sa poursuite et ne tarde pas à le rattraper. En effet, le chevreuil semble éprouver quelques difficultés à se mouvoir, à cause d’un de ses membres. Le loup brun le rattrape et le fait chuter, prêt à l’achever.

Chasse:

C’est avec lenteur que le loup brun se coule sous un buisson touffu, les muscles bandés. S’étant accoutumé à chasser au petit matin, il s’était à nouveau levé aux aurores pour se lancer dans sa traque quotidienne. Palladium, les yeux rivés sur le renard qui cherche à attraper un mulot, est prêt à bondir sur sa proie. La fourrure rousse ondule devant ses pupilles comme un leurre, le narguant comme s’il s’agissait d’un taureau dans une arène. Le renard semble avoir réussi à attraper la proie qu’il s’escrimait à pourchasser dans son terrier et relève la tête, l’œil victorieux. C’est ce moment précis que le loup brun choisit pour bondir hors de sa cachette, les yeux brillants et le croc baveux. Le renard émet un couinement de surprise et, les yeux écarquillés par la terreur, en lâche sa prise pour fuir le danger imminent. Il fait volte-face, s’apprêtant à courir mais ses pattes arrière dérapent sur le sol glissant, encore humide de rosée. Un sourire se fige sur les babines cruelles de Palladium qui parvient alors à attraper le renard par la nuque dans une glissade à l’équilibre précaire. L’animal couine, se débat, griffe et tente de mordre mais le loup n’en a cure : il l’achève rapidement en resserrant ses crocs un peu plus fort autour de sa gorge.

Chasse:

Satisfait de sa prise, le loup brun la camoufle sous un petit tas de feuilles mortes, à l’abri des charognards et des yeux indiscrets. Il se remet en chasse, et ne tarde pas à tomber sur la piste toute fraîche d’un petit groupe de sangliers. Ces derniers ont sûrement dû rentrer dans le couvert des bois les plus sombres pour la journée. Le Pantin s’élance sur leurs traces, et ne tardent pas à les rattraper. En effet, quatre sangliers se hâtent vers la partie la plus touffue de la forêt. Palladium se met en chasse et, la truffe frémissante, ne tarde pas à s’élancer derrière eux. Au début, il avale plusieurs mètres sans que les porcs ne détectent sa présence. Mais alors qu’il n’est plus qu’à une dizaine de mètres d’eux, l’un d’eux lance un cri d’alerte et les animaux partent en trombe, se dispersant dans quatre directions différentes. Le chasseur hésite un instant, avant de jeter son dévolu sur celui qui semble le plus vieux. En effet, ce dernier traîne un peu la patte et le loup brun ne met guère de temps à le rattraper. Lorsqu’il atterrit sur la croupe de sa proie, celle-ci beugle à qui mieux-mieux et les deux animaux s’écroulent sur le sol, roulant sur quelques mètres dans les feuilles humides. Le sanglier se débat, agite ses sabots et ses défenses mais il est trop faible pour résister au chasseur en pleine forme qui se saisit de sa gorge et y plante fermement ses crocs.

Chasse: