Palladium avait jailli comme un diable de sa boîte lorsqu’il avait vu un animal fuser en direction de sa proie chèrement acquise. Le voleur avait eu le temps de s’en saisir, mais le loup brun n’avait aucune crainte : il le rattraperait et le taillerait en pièces. Au fur et à mesure qu’il courait, il s’aperçut que cet animal était en réalité un membre de son espèce. Il s’agissait d’un louveteau assez haut sur pattes, dont les côtes étaient saillantes et dont l’apparence laissait à désirer. Rien à voir avec les louveteaux gras et dodus qu’on pouvait trouver dans une tanière Sekmet. Il devait s’agir là d’un jeune loup solitaire. Le loup brun gagnait du terrain sur le petit voleur, il serait bientôt sur lui.
Mais le doute habitait à présent le prédateur. Qu’en ferait-il, de ce si petit animal ? Un vague sentiment de pitié s’abattit sur sa personne, tandis que son œil distrait regardait le louveteau plonger sous un baril, tout comme la belette. Palladium cessa sa course à une cinquantaine de mètres du baril où se cachait le jeune loup. Qu’allait-il faire ? Renverser ce baril, tuer cet être chétif pour récupérer une proie si maigre qu’elle ne nourrirait qu’un seul des louveteaux Sekmet ? Le loup hésitait encore, mitigé et indécis : que faire ? Le visage juvénile et attendrissant d’Adriel lui revint en mémoire. Allait-il réellement tuer un louveteau semblable à lui ? Cette dernière réflexion le convainquit de rebrousser chemin. Il en avait assez fait pour aujourd’hui. Un sanglier serait bien suffisant à sa meute, et cette belette sauverait peut-être la vie de ce jeune louveteau. Les temps qui s’annonçaient allaient être rudes, et il en avait sûrement plus besoin que lui, loup adulte et débrouillard.
Palladium s’esquiva donc vers son camp, se disant qu’il existait un plaisir plus grand que celui de tuer : celui de laisser la vie.