Une paire de jambes surgit dans son champ de vision : Zwey s'y jeta sans hésiter, et roula au sol avec un ou deux hommes. Concert de grognement étouffés et de protestations. Le chien qui arriva sur ces entrefaites se reçut une belle claque dans la confusion.
Le loup en profita pour se remettre sur ses pattes et filer dans les ombres. Fébrile, le coeur battant à cent à l'heure, il se glissa sous une tente qui portait l'odeur de Minuit, éparse; il détecta aussi celle d'Emarok. Sa meute faisait du bon boulot apparemment : le veilleur qui l'avait attaqué n'était certainement pas armé. Sinon il lui aurait troué la peau.
Zwey s'astreignit à fouiller consciencieusement la tente et, ne trouvant rien, se tapis dans un coin de toile en attendant que les hommes s'éloignent.

Aplati dans l'obscurité, Zwey s'accorda le temps de souffler. Les quelques morsures qu'il avait récoltées et sa patte contusionnée l'élançaient. Au-dehors, des cris d'hommes et de chiens se faisaient entendre. Le loup brun crut percevoir des aboiements provenant de ses congénères, mais peut-être se faisait-il des idées. Cela dit, ils étaient désormais bel et bien repérés, il ne fallait pas l'oublier non plus.
Alors qu'il songeait à la manière dont il pourrait bien s'échapper, le rabat de la tente s'ouvrit brutalement. Zwey s'aplatit sous le tas de couverture qui l'abritait, manquant de décéder sur-le-champ d'un brusque arrêt cardiaque. L'homme entra et fourragea dans ses affaires en grognant : le canidé le suivit des yeux en retenant sa respiration.
Lorsqu'enfin, bredouille, le traqueur ressortit, le loup se redressa et décida qu'il était plus que temps de vider les lieux.

Inutile de nier et de fanfaronner qu'il aurait pu faire ça toute la nuit : le jeune loup commençait très clairement à fatiguer. La faute à cette maudite patte folle sans doute - ou au fait qu'ils avaient commencé leur pillage à deux loups. Pour un camp de quoi, vingt ? Trente hommes ? Pour combien de chiens ?
Zwey lâcha un grognement : il en aurait, des choses à dire à ses compagnons. S'il ne craignait pas de briser quelques ententes amicales.
En tout cas, il espérait que pendant qu'il se terrait ainsi dans un coin, les autres avaient fait du bon boulot.
Silencieux, le rouquin se glissa sous le rabat de la tente et rallia à pas de velours l'enceinte du campement. C'était tout pour lui pour ce soir. D'ailleurs, il voyait au loin des silhouettes claires, mince et agiles, qui couraient vers le haut des collines.
Zwey serpenta entre les barbelés, escalada la tranchée et fila sans demander son reste.