Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Le silence régnait entre Kira et l'étrange solitaire. La petite louve marchait lentement, suivant le mâle uniquement à l'instinct et grâce au bruit de ses pas. Avait-elle fait le bon choix ? Elle n'en savait rien, mais elle le découvrirait bien assez tôt. Si sa mère la voyait maintenant ... Seule, dans le noir, suivant la piste d'un inconnu qui avait bien failli la tuer quelques instants plus tôt. D'ailleurs, elle ne connaissait même pas son nom ... Elle entendit le solitaire soupirer, sans doute parce qu'elle n'avançait pas assez vite à son goût. Mais comment pouvait-elle faire dans ce monde de ténèbres qu'était le sien à la nuit tombée ? Et hors de question de lui dire qu'elle n'y voyait rien, ce serait lui exposer sa plus grande faiblesse et elle sentait que cela ne lui plairait pas et pourrait même le faire changer d'avis. Alors elle accéléra le pas, priant pour ne pas trébucher bêtement ou le bousculer par inadvertance. N'en pouvant plus, elle brisa enfin le silence. «Où est-ce que tu m'emmènes ?, demanda-t-elle. Et pourquoi chasser en pleine nuit ? Nous pourrions attendre le lever du soleil, non ? Kira essayait tant bien que mal de se tirer de ce mauvais pas sans pour autant s'attirer de nouveau les foudres du mâle. Elle n'avait pas envie de tout gâcher maintenant qu'elle avait trouvé une sorte de compromis. -Tu ne m'as même pas dis ton nom.», ajouta-t-elle d'un ton plat. Elle savait que ce dernier ne lui serait pas d'une grande utilité puisqu'elle comptait partir dès que la lumière le lui permettrait, mais jusque là il lui fallait mettre toutes les chances de son côté en restant aimable et en ne montrant pas sa peur. Plus facile à dire qu'à faire, puisque même si elle avait quitté son état de panique générale, elle pouvait encore entendre les battements de son propre cœur résonner à ses oreilles. Elle tenta d'ignorer ce détail, se concentrant sur sa progression tout en attendant les réponses de son compagnon de chasse.