Guidée par la faim
Ysu | Chasse solo

Il faisait lourd ce jour là. Les rayons du soleil perçaient quelques nuages grisonnant, capturant l'air chaud, sans vent. Je m'étais donc réfugiée vers les bois de Pique-Noire, cherchant un peu de fraîcheur derrière les ombres spectrales des arbres. J'avais faim, et je savais que pour tenir, il me fallait chasser, malgré l'atmosphère étouffante.

Les tourbières m'étaient apparues comme un bon compromis... Avant que je n'y arrive. La chaleur réveille les odeurs, et le mélange de tourbe et de vase émettaient une odeur encore plus désagréable qu'à l'accoutumée. Cependant, la faim ne me laissait pas vraiment le choix, je devais chasser. Essayant d'oublier l'odeur pestilentielle, je relevai la truffe et humai l'air.

Je ne sentis rien dans les premiers instants. Je commençais alors à avancer, discrètement, plongeant parfois les pattes dans la tourbe, humant l'air malgré l'odeur entêtante des tourbières. Puis, un parfum vint percer au milieu de cette concentration d'odeurs. Je m'immobilisai et me concentrai dessus. Sans nul doute, c'était une proie.

Un frisson d'excitation parcourut mon dos. Allais-je enfin pouvoir me rassasier ? Doucement, j'entrepris de me diriger vers l'origine du parfum. Je rampais presque dans la tourbe maintenant, sans aucun bruits. Je profitais des ponctuels arbres et des quelques buissons pour me faufiler en douceur. Bientôt je le vis : un écureuil. Il cherchait dans la vase à l'aide de ses petites pattes, peut-être de quoi manger lui aussi.

Je me rapprochai encore, doucement, me faufilant sans bruit derrière un buisson de bois mort. J'étais assez proche pour voir son museau remuer maintenant. Encore s'avancer un tout petit peu et je pourrais bondir.

Une branche craqua et l'écureuil s'immobilisa. Trop tard, songeais-je. Je bondis, pattes en avant, tous crocs dehors. L'écureuil émit un son aigu plein de détresse et détala. Je le manquai de peu, et couru à sa poursuite sans même réfléchir. La tourbe faisait un tapis mou, et je m'enfonçait à chaque pas, ce qui m'obligeait à redoubler d'effort pour m'extirper et accélérer. Si je le coursais pendant trop longtemps, je perdrais bientôt ma proie.

Je bondis alors une nouvelle fois. Cette fois-ci, une de mes pattes vint s'abattre sur le petit rongeur roux, lui empêchant tout mouvement un court instant. Ne lui laissant aucun instant pour se libérer, je sortis les crocs et mordit directement la nuque. Ma gueule était si grande comparée au petit animal qu'il mourut sur le coup.

Mes yeux pétillèrent. J'avais de quoi manger, enfin. Cette tourbière n'étais finalement pas si inhospitalière ! Je me relevai, prenant l'écureuil dans ma gueule, le pelage tâché de crasse et puant. Pouvais-je pousser plus loin et trouver autre chose à me mettre sous la dent ?

Je continuai à chercher, le petit animal sans vie dans ma gueule. Son odeur de viande encore fraîche perturbait mes sens, alors je choisi de le déposer dans les bois morts derrière lesquels je m'étais auparavant cachée, puis je continuai ma quête.

En me faufilant discrètement, j'aperçus plus loin une corneille. Ses plumes luisaient au soleil, et ses yeux brillaient comme deux diamants noirs. C'était peut-être mon jour de chance, on ne trouvait pas tous les jours autant de nourriture. Je me plaquais à nouveau dans la tourbe, comptant sur la crasse pour me dissimuler en partie.

J'avançais lentement, mais l'oiseau était dans un endroit plus dégagé. il allait être plus difficile de l'approcher et de le surprendre. Cependant, je tentai le rapprochement. Mais rapidement, l'animal au plumage noir cessa son activité de picorage du sol mou, et tourna frénétiquement la tête dans tous les sens. Il m'avait repérée. J'étais loin, mais pas le choix, je devais bondir.

Je m'élançais alors qu'il étendait ses ailes. Il me fila entre les pattes et je tombai lamentablement au sol alors qu'il s'envolait vers le ciel. Loupé. Je me relevai piteusement, et m'ébrouai. C'était peut-être le signe que je devais rentrer, la chasse était finie pour aujourd'hui. Autant mettre à l'abri ma petite fortune journalière.

J'allai alors récupérer ma petite proie. Il laissa une trace rouge sombre sur les branches mortes et je sentis le goût du sang sur ma langue en le prenant dans ma gueule. Cela me réjouis, à m'en faire oublier l'échappée de la corneille. Alors, fièrement, le pelage crasseux au point d'avoir changé de couleur, je quittai la tourbière pour aller mettre à l'abri mon prochain repas.