Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
L'orage n'était plus très loin. D'immenses nuages noirs menaçants remplissaient le ciel tant et si bien que le soleil avait disparu, plongeant la Terre dans la pénombre. Osimiri parcourait les décombres d'un ancien village humain. Elle observait les alentours de son regard perçant, silencieuse comme une morte. Elle était à la recherche de nourriture. La famine n'était plus depuis quelques temps mais les loups continuaient de chasser beaucoup pour s'assurer la prospérité. Osimiri s'arrêta un court instant pour jeter un œil au-dessus d'elle et constater à quel point le temps s'était dégradé. Les tempêtes dans la région pouvait s'avérer très violente et l'Aldark ne souhaitait pas se retrouver coincer par la pluie et les éclairs. Elle devait faire vite si elle voulait rentrer au camp avant que le déluge ne commence.
Osimiri bondit souplement sur le capot défoncé d'une voiture. Elle sentit la tôle plier sous son poids dans un grincement. Dans un cercle de large rayon, la louve ne voyait aucun signe de vie. Elle errait parmi les ruines du centre-ville depuis un long moment et commençait à fatiguer. Elle descendit vivement de son promontoire et reprit sa route. Elle fit le tour d'un bâtiment délabré mais encore debout. Elle devait être prudente car sa meute n'était pas la seule à convoiter ces terres libres. Ce genre d'édifice rendait la visibilité au loin moindre. C'était un lieu idéal pour tendre un piège. Une fois l'obstacle contourné, elle reprit sa route à pas feutrés, déterminée à ne pas revenir bredouille.
Cela faisait bientôt une heure qu'Osimiri déambulait à travers les décombres du village sans trouver le moindre signe de vie animale. Elle s'immobilisa quand quelques mètres devant elle, se dressaient quelques pans de murs. La disposition des restes de la bâtisse laissait à penser qu'il s'agissait d'une ancienne ferme. Osimiri se rappela les paroles de son mentor dans la meute Sekmet : « Les hommes stockent de l'herbe séchée dans ces bâtiments et attirent toutes sortes de petites proies. » La louve se tapit au sol pour approcher en toute discrétion. Le vent lui souffla l'odeur alléchante de souris. Ces petits résidents allaient recevoir une visite de taille. Osimiri avança pas à pas en retenant sa respiration. Quand elle fut suffisamment proche du vieux bâtiment, elle se mit à entendre des couinements caractéristiques. Il y avait là plusieurs grosses souris inconscientes du danger qui les guettait. Soudain, un souris poussa un cri aigu pour donner l'alerte aux autres membres de sa troupe. Le vent venait de changer de direction, signalant au gibier la position du chasseur. C'était le moment d'attaquer. Osimiri bondit avec force au milieu des ruines de bois et de pierres et se jeta sur la première souris qui passa sous son nez. Morte. Elle en vit une seconde du coin de l'oeil et fit un prodigieux saut de côté pour la bloquer entre ses pattes et la tuer. Le temps que la louve se relève et tous les autres rongeurs avaient déguerpis. Le prédateur jeta un regard brillant de fièvre sur ses proies inertes, les pris délicatement dans sa gueule et s'en alla vers son repère.
Osimiri s'ébroua pour chasser les quelques gouttelettes qui s'étaient déposées sur sa fourrure grise. Une pluie fine s'était mise à tomber sur les ruines du village des bipèdes. La louve sentait le sol se ramollir progressivement sous ses pattes. Rapidement, elle pataugerait dans la boue. Elle fit quelques pas pour s'abriter brièvement sous un morceau de tôle rouge. La truffe en l'air, elle se mit à décrypter les odeurs environnantes. La jeune louve s'appliquait à analyser chaque effluve qui lui parvenait. Le pressentiment qu'elle rentrerait bredouille ce jour-là la gagna car aucun parfum alléchant ne vint lui chatouiller les narines. La queue basse, Osimiri continua néanmoins ses recherches. Elle repartit au trot sous la bruine. Elle faisait gicler la boue en la martelant de ses pattes. Très vite, elle comprit qu'elle ne trouverait rien. Elle décida de s'en aller au camp.