Dans les confins de mon âme,
je ressens cette amertume qui petit à petit, ronge ce qui fait de moi, un loup. L'acide se déverse dans mes veines comme une traînée de poudre. La solitude me rend aigri. Cela fait bien trop longtemps que je suis seule, ivre d'écarter tout être de mon chemin d'un coup de patte las. Je suis seule, et ça me plait. Tout du moins, je le pensais.
Il y a toujours un moment où l'on atteint le point de rupture, ce point qui, de son pic acéré, nous tord de douleur, et nous emporte dans sa folie.
Aujourd'hui, j'ai atteint se point de rupture.
La tempête fait rage, nos poils sont trempés, ils nous collent à la peau. Les grondements du tonnerre cachent ceux de nos gueules ouvertes, baignées de sang, de folie. Sa patte frappe mon visage, ma vision devient flou alors que sa silhouette n'est déjà plus qu'une brume difforme. Je fond sur sa nuque découverte, déjà marquée de profond coups de crocs. Le sang gicle. Est-ce le mien? Le sien? Ses yeux perlent d'une lueur violette meurtrière. Empli de rage et de haine, je lui arrache un morceau de chair, le crachant au sol avec dégoût et mépris.
- Je vais te tuer.Dis-je avec une voix que je ne me reconnue pas. Et je le pensais. Avais-je déjà tué? Non. Et pourtant, je ne l'avais jamais autant désiré qu'en croisant le chemin de cette louve méprisante.
Mon poils est hérissé de la racine a son extrémité. Tout mon corps vibre à l'allure du combat, à l’adrénaline qui bombe mes muscles, repousse mon endurance au delà de sa limite pour survivre.
Notre combat nous emmène au confins des mondes. Dans un lieu ou le sang se mêle parfaitement à la lave en ébullition du centre de la terre. Parfaite, meurtrière, elle chauffe nos corps dont la buée de la pluie s'échappe de nous pour toucher le ciel, et ses nuages sombres, menaçants.
La louve face à moi m'a blessé ici et là, et bientôt, je sens mes muscles hurler de douleurs. Je ne vais plus tenir longtemps. Je remarque alors la falaise derrière nous, espoir final. Y mourrais-je ? Y survivrais-je? Je devais lancé les dés. Ceux de ma survie, ou de ma mort. Je couru pour m'y réfugier. Épine dans le ciel, surplombant de sa hauteur, la blessure et ses fonds caverneux meurtriers. La louve mort à l'hameçon, et me bondit dessus, arrachant de ses crocs un pan de chair recouvrant mon abdomen si frêle. Je sens le sang fuir comme les gouttes d'eau du ciel fondant sur nous. Il est trop tard, je n'y arriverais pas. Je m'écroule au sol.
Au loin, je vois une silhouette, baignée par le gris du ciel, elle me regarde. Qui es-tu? Me regardes-tu trépasser? Moi qui demeurais jusqu'à présent damnée par la faucheuse à une vie de solitude, d'ombres, et de souffrance. Que ressens-tu? Spectateur de ce combat furieux. Je ferme mes yeux de sang.
Je sais que c'est la fin. Je regarde mon bourreau fondre sur moi dans un assaut final, et c'est alors que l'inattendu se produisit.
La mort me caressa de sa main douce et chaleureuse pour mieux me gifler par la suite, et comme un écho à sa claque foudroyante, je roule sur le côté. Si les éclairs n'avaient pas pourfendu le ciel de leurs lumière, aurais-je vu la chute de cette louve dans le précipice au bord duquel je me trouvais un instant auparavant?
Cette image fut gravée à jamais dans ma mémoire comme le jour où , pour la première fois depuis ma naissance, j'avais infligé la mort.
Me traînant sur les rochers épineux de la blessure, je me vidais de mon sang. Allais-je m'en sortir finalement? Epuisée, je fermais des yeux dont les larmes s'échappaient, ou étais-ce la pluie qui s'en écoulait? ... Le serais-je un jour...
Je suis fatiguée.