Trempé, épuisé, j'entrais dans ma tanière, la louve sur mon dos. Rapidement, je la dépose délicatement sur une paillasse de feuille, avant de fouiller dans mes affaires. Je prends un peu de boue pour désinfecter ses multiples plaies, ainsi que de la toile d'araignée pour en arrêter le saignement. Finalement, après quelques manipulations, je pris une graine de pavot, la broyant avant de la lui faire manger du bout de la patte, écartant sa mâchoire. Avec ça, son réveil devrait être un peu plus supportable. Ses blessures semblaient douloureuses, autant apaiser ses souffrances comme je le peux.
J'observais, espérant ne rien avoir oublié. Cela prendrait du temps à guérir, mais j'en avais après tout... Je ne pouvais pas partir, Noëlle pouvait toujours revenir et me chercher ici.
Je sortais prendre un peu l'air, avant de me plonger dans le ruisseau d'eau clair, nettoyant mes poils du sang de la louve, avant de revenir à son chevet. Me couchant sur le sol, je l'observais dans son sommeil, sans vraiment savoir la raison de cet intérêt de ma part. Je me levais à nouveau, lui léchant alors légèrement les joues, et autour de ses blessures, la nettoyant de son sang. Un mouvement me fit redresser la tête, reculant de quelques pas. Par réflexe, je lâchais lentement.

- Ne t'inquiète, pas tout va bien. Ne bouge pas, tu es blessée, tu risques de rouvrir tes blessures.

Je m'asseyais sur le sol, lui laissant assez de place pour respirer. La tanière est assez grande, j'en suis plutôt heureux. J'incline la tête sur le côté.

- Comment te sens-tu? As-tu la tête qui tourne? Envie de vomir? Mal?

Même si ça m'étonnait après l'utilisation du pavot pour taire la douleur. Pour les autres symptômes par contre, je ne pourrais pas grand chose, c'est principalement à cause de sa perte de sang, il va falloir attendre...

La louve semblait entrouvrir les yeux, et alors, quelque chose en moi se rompit. Son regard, comme des rubis. Comme les pierres précieuses des fonds des grottes, là où je suis né. Oui, on m'a apprit les pierres. Le saphir, l'améthyste, le rubis, le diamant. Oui, on m'a apprit ce genre de choses. Mon cœur a un raté, alors que mon souffle se coupe sans que je ne puisse le maitriser. Son regard à quelque chose de... De perçant, de captivant. D'irréel.
Je déglutis, alors que sa tête tombe à nouveau sur la paillasse, ses pupilles à la couleur rouge disparaissant alors dans son sommeil. Je reprend ma respiration, choqué. Combien de minutes, heures ou même combien de seconde cet instant a t-il durée? Je recule une nouvelle fois, m'emmêlant les pattes, manquant de tomber contre la pierre de ma tanière. Je sors, je prend l'air. Je gonfle mes poumons, essayant de me calmer.
Qu'est-ce qu'il ne va pas chez moi, bon sang? Je soupire, allant me passer la tête sous l'eau du ruisseau, me rafraichissant les idées. Si elle n'était pas couverte de blessure, j'aurais été prêt à parier que cette louve serait belle. Une fois rétabli, peut-être que je pourrais le constater. Mon cœur se serre dans ma poitrine, à la pensée qu'elle puisse guérir. Car elle pourrait partir? Non! Impensable! Je n'étais pas assez égoïste pour lui souhaiter de ne pas se remettre simplement pour la garder auprès de moi! Et pourquoi ai-je se genre de penser? Qu'est-ce qui ne va pas chez moi?!
Je frappe l'eau d'un mouvement de patte, brouillant mon reflet, me ramenant sur terre. Je pousse un nouveau soupire, puis inspire, mon cœur au bord de l'explosion.

Je fais demi-tour, me postant à l'entrée de la tanière, continuant de l'observer. Elle rouvrit les yeux, les posant alors sur mon. Sans que je ne sache pourquoi, mon regard se détourna du sien, alors que la gêne montait en moi. Je baissais la tête lentement sur la droite, avant de risquer un nouveau regard dans sa direction. Mes améthystes agrippèrent ses rubis avec force, ne les lâchant pas, alors que je tente de ne pas me laisser captiver par se regard effrayant et en même temps si... Envoutant. Elle tourna à son tour la tête, fermant les yeux. Je fis de même, gêné une nouvelle fois, perdu dans mes propres pensées. Dans mes sentiments.
Finalement, alors qu'elle ouvre la gueule, je sens comme une pique se planter au fond de mon cœur. Je baisse les oreilles sur mon crâne, vers l'arrière, essayant de redresser la tête pour la regarder à nouveau.

- Je sais... J'ai simplement souhaiter t'aider... Je suis guérisseur, c'est mon travail. D'aider. Je ne demande rien en échange.

Ma voix étaient incertaine, alors que j'avançais dans la grotte lentement. C'est comme si mon instinct me poussait à me rapprocher d'elle. Mais je luttais. Je luttais contre moi-même.

- Tu ne vas pas pouvoir te lever... Avant un moment. Peut-être une semaine...

Lâchais lentement entre mes crocs, remettant un peu d'ordre dans les plantes que j'avais remué à la va-vite pour la soigner dans l'urgence. Je pris une feuille de plante que je connaissais bien pour ses vertus apaisante. Une drogue contre l'angoisse, très utilisé dans mon clan. Enfin... Qui était très utilisé. Je la prend et la mâche avant de l'avaler, poussant un soupire.

- Je m'appelle Altaïr... Cendres du Passé.

Autrefois, j'aurais du ajouter à ce nom Prince du clan de l'Eclipse... Mais aujourd'hui, ce titre n'avait plus aucune signification à mes yeux. Oui, il n'était plus rien à présent.

- Et toi... Quel est ton nom?

Demandais-je, d'avantage intimidé tout à coup.

Je sentais la plante faire effet lentement dans mon organisme, lâchant un léger soupire. J'avais besoin de cette chose pour apaiser mon esprit. Et je l'observe, du coin de l'œil, toujours. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à décrocher? Je tente pourtant, car le malaise en moi, malgré la drogue qui coule dans mon sang, reste présent. Je me sens comme capturé, attaché, enchaîné. Je ferme les yeux, pour me couper de ce lien que je tisse moi-même, sans le vouloir. Etait-ce l'écho des paroles de ma mère qui raisonnait en moi? Quand tu la trouveras, tu saurais que c'est elle que tu aimes. Mais maman, moi je t'aime... Et papa aussi, je l'aime, j'aime Noëlle, et ma famille... Je ne veux pas aimer quelqu'un d'autre, je n'en ai pas besoin, puisque je vous ai vous.Quand le moment sera venu mon fils, tu comprendras qu'il existe toute sorte d'amour, du plus simple... Au plus compliqué. Tu ne sauras un jour mon fils, ton cœur te le dira.
Pour l'instant mon cœur me rend malade, mère... Et son souvenir se volatilise comme un éclat de plomb tombant du ciel, alors que sous mon regard, la louve se lève sur ses pattes. Dans la panique, je fais un pas en avant, approchant sans pour autant être à son contact, incertain. De la détresse, mais aussi de l'inquiétude se lisaient dans mon regard.

- Tu ne dois pas te lever, tes plaies vont se rouvrir si tu ne fais pas attention!

Sur le coup, mon ton s'était emporté. Je ne voulais plus fort son sang coulé, je ne voulais pas voir ses doux traits que j'observais depuis bien plus prêt à présent, tiré par la douleur d'un corps meurtri. Qui avait pu lui infliger une pareil chose? Je demeurais en retrait, bien que sur sa route, les oreilles sur mon crâne, la tête abaissée légèrement.
Raka? C'était un... Assez joli nom. Mélodieux... Nous ne possédons pas de pareils noms, de là d'où je viens. Nous, nous portions le nom des étoiles que nous nommions dans le ciel à chaque naissance. Altaïr était mon nom, le nom de la 7ème étoile du Nord. De la 7ème génération des Alpha du clan.
Sa voix me ramena hors de mes souvenirs, alors que je ramenais un peu plus mes oreilles en arrière, reculant d'un pas, me sentant alors soudainement agressé. Nos regard s'accrochèrent une nouvelle fois, dans une forme de confrontation. Mais elle m'écrasait. Je me laissais écraser par cet éclat rubis qui ne pouvait être aussi beau que les pierres de la grotte de mon enfance.
Je secoue la tête, la redressant alors d'un seul coup.

- Je ne compte rien faire de toi, tu es sourde!? Tu es blessée, tu saignes!

Le sang de sa plaie au ventre coulait sur le sol, mes soins étaient soudainement gâché, cela me faisait en même temps bouillir de colère que m'inquiétait. Elle allait manquer de sang, ça allait être mauvais pour sa guérison.

- Je veux t'aider, d'accord? Alors, je t'en supplie, rallonge toi avant de te tuer... S'il te plait...

Je posais mon regard sur le sien, triste, malheureux, pathétique. Comment pouvais-je être plus honnête qu'en laissant ma détresse se refléter dans mes yeux. Au travers de cette fierté et cette porte ouverte sur mon cœur qui hurle à la lune pour la supplier que cette torture de la voir cesse. Que mon souhait qu'elle vive se réalise.

- Je t'en prie Raka... Essaye de me faire confiance... Même si tu ne me connais pas... Si tu ne veux pas que je te touche, je te dirais quoi faire pour te soigner, mais s'il te plait, rallonge toi... Tu aggraves ton état à chaque seconde... Tu risque de t'évanouir si tu bouges trop...

Je tentais de parler, le ton plus doux, plus calme. Même les drogues n'avaient donc aucun effet sur le mal qui commence à me ronger. A me dévorer. Cette terrible maladie qui m'a piqué à vif. Elle court. Oui... Elle court. La maladie d'amour.

Je sentais mon cœur déborder, serrant son étreinte sur ma propre poitrine. Je gronde, lentement entre mes crocs, alors que Raka me toise toujours avec son regard, comme si je n'étais rien dans ce monde, comme si mes mots ne valaient rien pour elle. Ne comprend-t-elle pas que la voie ainsi me rend malade? Ne comprend-t-elle pas que mon cœur saigne à chaque goutte qui coule sur le sol dans ma tanière. Je serre les crocs, un peu plus douloureusement encore, à me faire saigner les gencives.
Elle arrive face à moi, et je ne bouge pas, comme si je faisais face à un spectre. Le spectre de ma peur qui me dévisage, me paralyse. Non, je ne la laisserais pas partir. Je ne te laisserais partir. Mon regard tombe sur le sien, une nouvelle fois encore. Un nouveau coup de ma poitrine. Une nouvelle frappe, plus forte, plus vil encore. Quel est donc se malheur qui me ronge? Ce mal qui s'abat sur moi? Je plaque mes oreilles sur mon crâne, alors qu'elle avance une nouvelle fois. Etait-elle prête à m'attaquer? Non... Non, je ne veux pas me battre contre elle. Elle est blessée. Non, c'est plus que ça: je ne peux pas me battre contre Raka...
Mais alors que je reculé légèrement, son corps tombe sur le mien. Je glisse vers 'lavant pour amortir sa chute, me couchant presque sur le sol. Son sang coule le long de mon poil, cette sensation est rebutante, mais je ne m'en dégage pas pour autant. Je glisse vers l'arrière, faisant glisser son corps lentement vers le sol, le guidant à l'aide de ma tête pour qu'il ne tombe qu'en douceur. Je restais là, contre elle, alors que sa voix contre mes oreilles fracassait mes tympans de son cri. Sans le vouloir, je serrais l'étreinte de ma tête sur sa nuque un peu plus fort, pressant son corps contre le mien. Elle pleurait contre mon épaule, alors que je la gardais ainsi, contre moi. Sa détresse, sa tristesse, sa souffrance, je les soignerais... Je les soignerais tous un par un s'il le faut... Cette étreinte qui me réchauffe le cœur, je ne peux pas l'oublier. Les mots qu'elle me murmure. Je ne peux pas les oublier. Non, dans ma mémoire, à jamais gravé. "Aide moi".
Je glissais ma truffe contre sa joue dans une caresse réconfortante, lente, avant de me reculer pour me redresser légèrement. Je la contourne, attrape lentement son encolure pour la ramener sur la couche, retirer les parties imbibées de sang frai. Je lèche doucement son front avant de sourire, dans un fin hochement de tête, plongeant à nouveau ma truffe dans mes herbes médicinales.

- Fais moi confiance Raka... Je vais t'aider.

Lâchais-je finalement à voix basse, prenant entre mes pattes un peu de boue, et de quoi, une nouvelle fois, arrêter le saignement de sa blessure. Je la léchais pour la nettoyer, avec t'y appliquer la boue et les fils d'araignée délicatement, minutieusement.
Finalement, quand mes soins furent terminés, je rangeais une nouvelle fois mon matériel, avant de prendre une écorce de boulot, assez large, la trempant alors dans le court d'eau pour la lui rapporter. Elle devait avoir soif... C'est ce que je m'étais dit.

- Voilà pour toi... Tu n'as plus besoin de pleurer maintenant, d'accord? Tu seras bientôt sur pied, ce n'est qu'une question de jours...

Je passais ma truffe au niveau de son front, avant de me reculer rapidement. N'abusais-je pas de sa faiblesse? Si... Si, sans doute. Penchant les oreilles en arrière, honteux, je reculais de quelques pas, avant de m'asseoir lentement vers le fond de la grotte, mettant un peu de distance entre elle et moi. Je ne devais pas céder à ce genre de tentation... Encore moins face à une louve dans cet état. Non, c'était mal.

- Dis... Comment t'es-tu... Retrouvée dans cet état? Que c'est-il passé?

Une question légèrement morbide, c'est vrai... Je déglutis. Je voulais savoir ce qui avait pu mettre cette louve dans cet état. Je voulais connaître le responsable. Pourquoi me sentais-je en colère, d'un seul coup?

Encore une fois, la louve s'était assoupie d'un seul coup. Etait-ce une maladie? Je commence à me le demander. Par réflexe, je m'étais rapproché d'elle pour éviter le moindre choc, avant de la coucher à nouveau sur le sol, la ramenant ainsi dans son lit délicatement. Son odeur commençait à imprégner les murs de ma grotte, comme ma fourrure. Dans un réflexe idiot, je glissait ma truffe dans mes propres poils, là où elle avait glissé la sienne un peu plus tôt. Son parfum était encore sur moi, je ne parvenais pas à me le sortir de la tête.
Néanmoins, elle dormait, et qui dit repos dit récupération, qui est une bonne chose. Je la couvre un peu plus de feuillage, essayant de lui tenir chaud, préparant une petite expédition. L'utilisation de plantes pour la guérir ont réduit mes stocks, et j'en aurais besoin pour continuer son traitement de toute manière. La tête ailleurs, je furetais de ça, delà, cherchant ce qui pourrait bien mettre utile dans l'avenir. Et malgré mes préoccupation, Rakka ne quittait pas mon esprit. Je m'inquiétais de savoir si elle serait éveillée, à mon retour, si elle ne manquait de rien. Ai-je laisser un peu de nourriture avant de partir? Je ne sais pas vraiment, et le temps passe vite, le soleil se couche déjà.
Je reviens, plantes à la gueule, et elle dort toujours. Je nettoie ses blessures délicatement, replace quelques onguents pour aider à la cicatrisation, puis continue mon rangement sans voir le temps filer. Un grelotement me fait comprendre que la nuit est avancé, alors que je tourne la tête vers la louve, qui semble avoir froid. Par réflexe peut-être, je vient me coucher dans son dos, l'englobant presque avec ma taille. Je pose ma tête au niveau de son encolure, sans geste brusque, sentant son odeur une nouvelle fois. Mon cœur s'accélère à nouveau, mais je tente de calmer ses battements, prenant une longue inspiration. Je ferme les yeux, essayant de guérir de cette maladie qui commence à me prendre.

Les jours passe, et c'est le même rituel. Elle ne se réveille pas, mais sa santé semble bonne malgré tout. Les plaies guérissent aussi. Je sors une nouvelle fois, à l'aube, ne m'éloignant pas trop de la tanière, comme d'habitude. Certains bruit court, en ce moment, je ne voudrais pas qu'une mauvaise chose lui arrive. Je commence à m'habituer à sa présence, bien que silencieuse. Je ne me sens plus affolé, ou fiévreux quand je suis contre elle.
Dans un autre sens, je commence à devenir dépend de ses contacts, le soir, au moment de m'endormir. C'est sans doute malsain, oui, ça l'est en fait, je crois...
Je soupire un grand coup, alors que mon nom perce dans les feuillages. Je tourne rapidement la tête, ne contrôlant pas mon corps, comme un instinct, un réflexe. Je cours et arrive rapidement à la tanière où je la vois, dans l'eau, trempée et sans doute de manière involontaire.
Sans que je ne comprenne pourquoi, les muscles de mes épaules se relâche, et je laisse filer un rire, d'abord nerveux, puis ensuite rassuré. Le regard brillant, je finis par dire lentement.

- Tu m'as appelé, Rakka? Que se passe-t-il? Tu as besoin de quelque chose? OH! Tu dois avoir faim, après tout ce temps à dormir! J'ai ce qu'il te faut, ne bouge pas...

Je la regardais un instant, avant d'ajouter.

- Enfin si, sort de l'eau, tu risque d'attraper froid comme ça.

Ajoutais-je, le sourire doux sur mon visage, alors que je contournais le ruisseaux pour arriver à l'entrée de ma tanière, tirant une carcasse de proie que j'avais mis de côté. Etait-ce uniquement pour elle? Oui... Sans aucun doute.
Finalement, je dressais mes oreilles sur mon crâne, la regardant.

- Tu sembles en meilleure forme... Tu devrais pouvoir te débrouiller sans mes soins maintenant...

Oui, je m'étais fait à cette idée, qu'elle allait partir de toute manière. Qui suis-je pour la retenir de toute manière? Un simple guérisseur, l'ayant trouvé au hasard. Je n'ai aucun droit sur elle... J'affichais une mine légèrement attristée, sur l'instant... Je ne voulais pas que ce moment s'arrête... Je veux continuer à sentir son odeur.

Je glissais la carcasse sous ses pattes, qu'elle semblait lorgner, surprise. Ma queue balayant de droite à gauche, j'étais au fond de moi plus qu'heureux de sa réaction. Mon cadeau devait lui faire plaisir... Je me giflais mentalement à cette pensée. J'avais l'impression d'être un louveteau de 7 mois avec ma première proie dans la gueule, fier, la déposant au pied de mon père, comme un grand loup que je devenait au fur et à mesure que le temps passait.
Cette fierté un peu bête, innocente, cette volonté d'entendre une remarque, de recevoir une félicitation. Je baissais légèrement la tête, l'observant toujours du coin de l'œil, curieux. Je voulais retenir chacun de ses traits, avant qu'elle ne parte. Je ne pouvais pas la retenir de toute manière, je ne suis personne pour ça...
Et pourtant, quelque chose de primaire en moi me demande de la retenir, de la garder auprès de moi, ou du moins d'essayer. Egoïste, c'est un désir bien égoïste qui commence à me serrer au niveau de ventre. Je serre légèrement les crocs, discrètement, dressant les oreilles sur mon crâne à ses mots.
Drakariss? C'était son véritable nom? Elle n'avait pas donné son véritable nom car elle ne me faisait pas confiance? Mais alors, ça signifie qu'elle me fait confiance, à présent? Mon cœur se gonfle, alors que j'étire un sourire à ses paroles, heureux, bêta.

- Je suis heureux alors, Drakariss... Que tu me fasses confiance.

Je m'asseyais en face d'elle, tandis qu'elle refusa de manière tranchante la carcasse que je lui offrait. Mon regard fut peiné, sur l'instant, surtout après avoir vu l'envie dans son regard quelques instants plus tôt. Je me redressais l'approchant alors avec prudence.

- Accepte le, s'il te plait... J'ai déjà mangé aujourd'hui, je n'ai plus faim, et la nourriture risque de se perdre...

C'était un mensonge, bien sûr, pour les deux. Je n'avais pas encore manger, et la viande pourrait encore se garder jusqu'à demain. Mais je voulais lui faire plaisir. Je voulais... La voir sourire.

- Ca me ferait plaisir que tu manges...

Ajoutais-je, comme un nouvel argument. Peut-être le fera-t-elle pour moi, par reconnaissance, je ne sais pas vraiment... Sans que je ne sache pourquoi, ma truffe glissa lentement proche de la sienne, effleurant alors ses babines. Comme une caresse, une douce caresse, je restais ainsi un court instant, avant de me reculer, mortifié, honteux. Si je pouvais rougir, je crois que je le serais intégralement, alors que je reculais d'un pas ou deux, m'emmêlant presque les pattes dans ma démarche.

- Pardon, heu, excuse moi, je ne voulais pas... Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, désolé...

Je baissais la tête.

- C'est juste que... A l'idée que tu partes, je... ça me... Rha!

Je tournais brutalement la tête, grondant entre mes crocs. Je n'arrivais pas à m'exprimer! Et ça, ça m'énerve, sur l'instant. Je sens mon cœur qui s'emballe, mélange de honte et de frustration. Je secoue la tête de droite à gauche, avant de revenir face à la louve au regard rubis, le souffle court, mes mots coulant de ma gorge, mot enfermé dans mon cœur depuis le premier jour que je veille sur elle.

- Je ne sais pas ce qu'il m'arrive! Quand je te vois, j'ai l'impression d'avoir le cœur qui va exploser, je ne supporte pas l'idée que tu puisses être blessé, ou que tu puisses avoir faim, ou manquer de quelque chose. Je sais que je dois te laisser partir, mais je n'y arrive pas! C'est trop difficile! Je ne comprends pas, je ne peux pas l'expliquer, mais je t'aime! Je ne sais pas d'où ça vient, ni comment c'est arrivé, j'en sais rien mais je t'aime!
C'est ça, non? Le nom sur cette chose, c'est l'amour, non?

Je plantais mon regard dans le sien, désemparé. Un coup d'éclat, des émotions violentes qui me submerge. Je l'aime, voilà tout. Je l'aime... C'est quelques moments passé avec elle l'ont rendu indispensable à ma vie, avant même que je ne m'en rende compte. Je l'aime, c'est tout. C'est ma maladie, ma malédiction.

Elle reculait. Un pas, puis un autre, encore un autre, et encore un. Je voyais l'effroi dans son regard, et alors gagner le mien. Mes oreilles se plaquèrent lentement sur mon crâne, alors que mon cœur s'émiettait lentement, morceau après morceau. Elle tourna le dos, s'en allant, et je restais là, penaud, stoïque, perdu. Je ne bougeais pas d'un poil, silencieux. Le vent caressa ma truffe humide, me ramenant lentement à la réalité. L'Ange de Rubis s'en était allé, laissant les Ruines de l'Améthyste derrière elle. J'abaissais la tête, touchant presque le sol, comme si un grand poids pesait sur mes épaules. Comme une enclume qui s'abat sur mon âme.
Je ferme les yeux, un instant, douloureux, avant de faire demi-tour, m'engouffrant dans ma caverne, sombre, qui portait encore son odeur. Je prie une baie quelconque, l'écrasant. L'odeur âcre s'éleva, couvrant l'odeur au fur et à mesure que je la tartinais sur la paroi. Elle occupait mon esprit, à chaque seconde. Et à chaque seconde, j'avalais la sensation que vouloir tout détruire, et partir à sa poursuite. Mais non. J'avais été rejeté. Elle m'a rejeté. C'est ce qu'on nomme peut-être un chagrin d'amour.
Ce soir-là, je me rendis sur le haut de ma cachette, regardant les étoiles, cherchant la mienne, non loin de celle de mes parents et de ma sœur. Cette nuit-là, j'hurlais ma peine sous un timide croissant, laissant l'Améthyste déverser sa chaleur sur moi. La robe à la couleur pourpre se mêlait à cette danse étrange que mon esprit jouait de lui-même. L'Ange de Rubis s'était envolé, laissant derrière lui les Ruines du Laissé.

[Out]