Ce nouvel endroit de chasse ne rassurait pas Echo. Le loup arpentait la forêt des pendus en rasant les arbres et en faisant attention au moindre bruit ou mouvement suspect. La présence des humains et des hellhounds se faisait sentir de plus en plus chaque jours et ils se montraient sans pitié avec ce qu'ils croisaient. Loups comme autres humains...
Et il ne tenait pas à en rencontrer, ce qui l'intéressait plus était le gibier qui se trouvait la, caché dans les bois. Avec un peu de chance il mettrait la patte sur un lapin égaré ou une biche affaiblie... Ce qui comptait, c'était de ramener quelque chose aux autres loups Esobek. Le garde manger n'était plus mais la faim elle, n'était pas partie dans la poussière de la caverne des siens.
Et cette faim... Avait poussé le loup à toujours chercher plus loin sa nourriture. D'un pas rapide Echo passa devant un arbre tordu dans lequel grinçait un corps accroché mais ne s'arrêta pas. Au début, lors de sa première venue dans la forêt aux pendus, il avait trouvé cela étrange, ces morts laissés aux corbeaux et aux charognards dont personne ne se souciait. Il avait fini par s'habituer. Ces corps avaient le mérite de repousser la plupart des hommes...
Le loup gris huma l'air et chercha à trouver une autre odeur que celle de la carne morte... Avec un peu de chance il trouverait une proie, qui pouvait savoir ?

Après une journée de repos ou Echo avait passé un long moment à dormir dans sa tanière dans les collines et à faire quelques étirements pour ses muscles endoloris, il se sentait en bien meilleure forme. Un entraînement ne servirait à rien s'il finissait mort à la fin et le fait d'avoir pu dormir de tout son saoul lui avait fait du bien. Ses pattes lui semblaient plus légères et son épaule se remettait petit à petit de l'impact de la balle Hellhound.

D'un pas sur Echo se dirigea vers son terrain de chasse, bien plus confiant que les derniers jours. Il ne pleuvait pas et rien que le fait de voir le ciel et non des nuages gris avec des trombes d'eau mettait de bonne humeur le loup. La truffe au sol, il reniflait les odeurs laissées par les habitants de la forêt des Pendus à la recherche d'une proie potentielle, d'un repas pour son estomac qui commençait à crier famine après les efforts des derniers jours. Echo ne sentait rien de proche a part quelques oiseaux, mais il n'arrivait pas à en attraper malgré plusieurs essais.

Toujours aussi silencieux, le loup gris entreprit de faire le tour d'un gros arbre et de continuer un peu sa route vers le sud, peu des siens allaient aussi profond dans la forêt pour chasser et avec un peu de chance, il trouverait quelque chose d'intéressant. Plongé dans ses pensées, il ne vit pas tout de suite un lapin sortir des fourrés devant lui au pas de course. Echo se figea l'espace d'un instant alors que déboulait d'entre les frondaisons un Lynx qui avait l'air décidé de faire du lapin son repas. Le félin ne lui prêta aucune attention alors qu'il bondissait de petits tas de terre en souches d'arbres pour rattraper le rongeur.

Passé la surprise, Echo décida d'aller courser lui aussi le rongeur pour faire compétition avec le Lynx. Cette fois, il ne laisserait pas partir sa proie il l'avait vue le premier ! Enfin, presque, il n'en était pas certain. Le décors n'était plus qu'un amas flou de brun et de vert alors qu'il s'élança dans une course au lapin et au lynx. Il sentait plus que ne voyait les obstacles autour de lui et son instinct dirigeait ses pas. Le loup bondit au dessus d'une souche qui lui barrait la route et passa en dessous d'un tronc d'arbre tombé à terre. Le lynx était devant lui de quelques mètres et le lapin un peu plus encore. Bandant ses muscles, Echo essaya d'accélérer le rythme de sa course pour dépasser, pas après pas le premier animal qui fit un écart en le voyant débouler, surpris de se voir en compétition pour la proie. Un feulement énervé remonta aux oreilles de loup qui ne s'en soucia guère, alors qu'il gagnait du terrain sur le lapin effrayé qui commençait à ralentir. Il esquiva d'un bond une branche basse qui lui aurait coupé sa course et profita de son élan pour tomber sur le rongeur qui glapit alors que le corps entier du loup tombait sur lui.

Echo tenait fermement l'animal entre ses pattes et prit le lapin au cou, le tordant d'un mouvement sec de mâchoire et après quelques derniers soubresauts le rongeur cessa de bouger.

« Voila une belle prise... » se félicita le loup en léchant la fourrure brune pour attendrir la peau de sa proie.

Un feulement mauvais vint couper Echo dans sa victoire, le Lynx, les poils du dos hérissé venait à sa rencontre et la lueur dans ses yeux ne présageait rien de bon.

« C'était ma proie » cracha t-il. « rend la moi, voleur... »

Bien que beaucoup plus gros que le Lynx, Echo savait que ces animaux pouvaient être de dangereux adversaires, leurs griffes visant à crever les yeux ou à lacérer les parties tendres des corps de leurs opposants. Avec un grondement de défi, le gris se releva et se mit en position défensive, babines retroussées et oreilles basses, prêt à défendre sa prise griffes et crocs.

Le soleil était encore très bas dans le ciel et les nuages de la nuit passée se faisaient chasser doucement mais ne semblaient pas pressés de partir. Cette heure la était la préférée d'Echo. L'air frais du matin caressait son poil et il faisait suffisamment humide pour dissiper la fatigue après les quelques heures de sommeil que le loup s'était accordé. Après plusieurs jours à chasser, il avait remarqué que de nombreux animaux sortaient de leurs tanières à cette heure eux aussi et faisaient beaucoup moins attention aux prédateurs, ce qui arrangeait bien le loup.

Tout en continuant à observer les alentours, Echo passa à côté d'un gros arbre éventré qui avait attiré son attention. L'endroit sentait à plein nez l'odeur de belette. En s'approchant, il pu voir un terrier, vide, mais dont les odeurs étaient encore très fraîches. Trois, non quatre de ces animaux vivaient ici, il pouvait le voir aux nombreuses touffes de poils laissées au sol. Elles devaient être parties elles aussi chasser... La truffe au sol et observant les herbes au sol, Echo commença sa traque. De nombreuses traces lui indiquaient le chemin à prendre et il pouvait voir leurs empruntes de pattes dans la terre meuble. Le loup redoubla de prudence quand il sentit les odeurs des belettes se renforcer devant lui.

Il se souvenait d'une histoire de sa grand mère à propos des belettes... Il fallait s'en méfier, bien que petites, elles étaient rapides et sournoises. Et bien que leurs bouches ne soient pas très grandes, leurs dents pointues pouvaient trancher très efficacement la peau et broyer les petits os. Echo ne craignait pas une belette seule, mais quatre... Cela pouvait devenir dangereux, surtout s'il était seul.

Alors qu'il continuait à avancer il aperçu trois des belettes à quelques pas de lui, affairées à dépecer ce qui semblait être un serpent qui gisait au sol en lambeaux. Trois... Ou était passée la quatrième ?... Tapis dans les fourrés, Echo retenait son souffle et observait la scène. Trop affairées sur leur proie, les belettes ne l'avaient pas encore repéré ni senti. Il devait trouver la dernière belette avant qu'elle ne rejoigne ses compagnons, seule elle était une proie facile et il aurait le temps de la capturer et de partir avant que les autres ne s'inquiètent de son absence.

Sur la droite du loup, des herbes se mirent à bouger et il tourna la tête pour voir ce qui provoquait ces mouvements. Un corps long et fin avec des poils bruns renseignèrent tout de suite le loup gris qui reconnu la quatrième belette qui se dirigeait vers le groupe. Echo savait qu'il devait frapper maintenant. Il se ramassa sur lui même et bondit de sa cachette et fonça sur l'animal qui, étonné de voir sortir de nulle part un loup ne réagit pas du premier coup. Ce moment de stupeur lui fut fatal et les crocs d'Echo se refermèrent sur son flanc qui fut déchiré par le coup de mâchoire puissant. La belette eu le temps de pousser un couinement aiguë avant que la vie ne quitte son corps.

Ce cri eu pour effet d'alerter ses compagnons qui relevèrent la tête de leur serpent pour voir Echo avec l'une des leurs dans sa gueule pleine de sang. C'est à ce moment la que le loup sut qu'il allait avoir des problèmes s'il restait et que la meilleure solution allait être prendre la fuite avec sa proie.

Prenant ses pattes à son cou, Echo se mit à courir à travers la forêt des pendus, poursuivit par les cris et feulements de trois belettes en colères. Il ne prenait pas le temps de regarder derrière lui pour voir ou se trouvaient ses poursuivants, préférant se concentrer sur sa course. Il allait pouvoir mettre à l'application ses courses dans les collines... Il sauta par dessus un tronc qui lui barrait la route et bifurqua soudainement sur la droite, contournant une autre souche pleine de toiles d'araignées. Avec sa proie toujours dans la gueule il continua de courir, suivant un petit chemin qui, savait-il, allait l'emmener jusqu'à la sortie des bois. Rassemblant ses forces, il accéléra encore le rythme pour débouler comme une fusée hors de la forêt. Il se retourna alors pour se rendre compte que ses poursuivants avaient abandonné. Un sentiment étrange de joie sauvage prit le loup dans les tripes et il ne pu s’empêcher de rire face à ce qui venait de se passer. Il avait prit la fuite devant trois belettes... Trois belettes... Quel guerrier puissant il faisait ! Malgré cela, Echo souriait. Il avait une proie et c'est ce qui comptait.

Un bâillement se fit entendre dans une petite clairière de la forêt des pendus. Ce n'était pas un des cadavres qui reprenait vie mais bien Echo qui, pas très réveillé, commençait son tour habituel des bois. Il avait été plutôt chanceux les derniers jours et avait ramené deux proies dans le nouveau garde manger. Le loup avait d'ailleurs été très heureux de constater que les siens s'étaient mit d'accord sur l'emplacement mais avait été étonné de découvrir au même endroit celui d'une autre meute, les Sekmets. Pour l'instant il n'avait pas encore rencontré un de leurs membres, il allait sûrement en croiser et se demandait comment ils réagiraient.

Le loup gris secoua sa tête pour se concentrer sur ce qui l'amenait dans les bois, la chasse. La truffe au ras du sol, il humait les herbes à la recherche d'une odeur faisandée qui pourrait finir dans le nouveau garde manger. Mais il n'arrivait à rien détecter, simplement l'odeur de l'herbe et de la terre, qui n'étaient pas très bons à manger. Il ne se découragea pas pour autant et continua son chemin dans les bois, tous les sens aux aguets et trottant d'un pas léger et silencieux.

Echo se rappela alors qu'il se faufilait entre deux arbres qu'il pourrait retourner près de la tanière des belettes, peut être qu'elles seraient encore la endormies... Insouciantes du danger... Le loup se lécha les babines à cette idée et fit jouer sa mémoire pour se rappeler de l'endroit ou se trouvait leur terrier. Près d'un... arbre. A côté d'un... arbre... Et... Il y avait sûrement des arbres autour.
Le gris regarda autour de lui et soupira, voyant tous les arbres qui composaient le paysage. Il allait devoir être plus précis mais ce matin, son sens de l'orientation rasait les pâquerettes. Echo s'en rendit compte alors qu'il passait pour la seconde fois devant une souche d'arbre étrangement familière.

« Attends, attends... Toi je t'ai déjà croisée aujourd'hui... Mais... Mais oui ? » grogna le loup en fronçant les sourcils. « Je crois que je tourne en rond. »

Dans un gémissement, Echo s'assit et ramena ses pattes arrières sous ses fesses. Tout compte fait, il n'allait peut être pas chasser tout de suite, mais plutôt attendre un peu de retrouver son chemin. Ce n'était pas la première fois qu'il se perdait et il n'était pas trop inquiété a la fin il finissait par toujours retrouver ses pas... Après quelques heures.
Le loup regarda alors le ciel pour y trouver le soleil. Déjà tout petit sa grand mère lui avait apprit à se repérer grâce à l'astre afin de ne jamais se perdre. Il n'était pas encore haut dans le ciel, ce qui voulait dire que s'il allait dans sa direction il finirait à... L'est. Oui, il en était certain. Se relevant, il reparti dans la direction qui lui semblait la bonne pour retrouver son chemin. Tempis pour la chasse.

Il était midi, le soleil était haut dans le ciel et réchauffait le corps d'Echo. La forêt des pendus n'était pas l'endroit le plus chaleureux du monde et quelques rayons étaient les bienvenus pour faire une atmosphère plus... chaleureuse. Et c'était couché sous un arbre que l'on retrouvait le loup gris, le regard à l’affût du moindre mouvement dans les frondaisons. L'échec du matin encore frais dans son esprit, il essayait de se concentrer pour ne pas encore rentrer les pattes vides.

La, un mouvement dans les fourrés. Tous sens en alerte Echo regarda un petit tas d'herbes hautes qui venaient de bouger. Mais... Ce n'était que le vent qui faisait trembler les feuillages. Aucune raison de s'alarmer.
La ! Echo était certain d'avoir repéré un animal qui bougeait dans les branches d'un arbre. Un petit oiseau qui sautillait ça et la, mais bien trop haut pour être attrapé. Cela la avait de la chance...
La !! Cette fois, le gris venait de voir un lapin sprinter entre les racines d'un gros arbre mais il n'eut pas le temps de se mettre sur ses pattes que le rongeur avait déjà disparu de sa vision.

« Bon... C'est raté pour cette fois... » grogna le loup dans un soupire « Je devrais peut être changer de planque, la je ne vois pas assez b... »

Alors qu'il était en train de se parler à lui même, un éclair de couleur rouge passa à toute vitesse devant son regard et il eu à peine le temps de voir ce qui venait de l'interrompre. Une perdrix rouge grassouillette voletait juste en contrebas et elle ne l'avait vraisemblablement pas encore repéré. Cette proie réveilla un appétit féroce dans les entrailles du loup et c'est les oreilles plaquées en arrière et en louvoyant lentement dans les herbes hautes qu'Echo se mit à descendre de son talus.
Pas après pas, aussi silencieusement qu'il le pouvait, il s'approchait de l'oiseau qui béquetait quelques graines au sol. Les yeux rivés sur sa proie et tapis à moins d'un mètre de la perdrix, il s'apprêta à bondir. Détendant son corps d'un seul coup, il se détendit comme un ressort et donna un sauvage coup de mâchoire sur sa proie.
Qui n'était plus la. Un gloussement résonna dans la forêt et Echo retomba au sol dans un roulé boulé sans rien avoir attrapé. Une fois remis sur ses pattes, il s'ébroua en grognant, assez déçu de ne pas avoir réussi son coup.

« Aujourd'hui ce n'est pas ma journée on dirait. Je retenterais demain je sens que je vais encore rien trouver de toute façon... » dit-il pour lui même.

Echo se dirigea vers la sortie de la forêt en traînant un peu de la patte, assez déçu de ses performances en chasse des derniers jours. Comme disait sa grand mère, « on ne peut pas réussir à chaque fois, retente demain et encore demain et tu finiras récompensé ». Fichue louve, elle a toujours raison pensa Echo en regardant le ciel.

Il pleuvait. Et pas qu'un peu, des trombes d'eau tombaient du ciel et Echo se trouvait la, sous un arbre de la forêt des pendus dont les feuilles étaient déjà sorties de leurs bourgeons. Le loup était transit et tremblait sur ses pattes. Le temps plus qu'aléatoire des derniers jours n'était pas des plus motivateur et le gris se demandait pourquoi il avait quitté sa caverne pour aller chasser aussi loin.
Cette période de l'année s'appelait 'l'indécision' selon sa grand mère. La ou le temps de l'hiver hésitait à laisser sa place au printemps.
Et c'est ce moment ou la fourrure d'Echo hésitait entre garder son poil chaud d'hiver ou à passer en poil d'été bien plus léger.

« Tu parles d'une période d'indécision, ça m'arrange mais alors pas du tout. » dit-il en frissonnant « Quel serait le fou qui sortirait par un temps pareil je me demande... »

Le loup gris était allé chassé plus par défi envers les éléments qu'autre chose et il en payait le prix fort. Trempé comme une soupe, voilà ce qu'il était et cela n'allait pas aller en s'améliorant en tout cas, pas tant que les nuages seraient aussi chargés de pluie.

« Clairement je peux dire Nature un et Echo zéro sur ce coup la » grogna le loup avec un demi sourire tout en s'ébrouant un peu pour se réchauffer. Il avait remarqué qu'il se parlait souvent à lui même ces derniers jours. A défaut de partir chasser avec un membre de sa meute et de discuter avec ce dernier, il se rassurait lui même lors des jours sans... Un peu comme aujourd'hui.

La pluie redoubla de force et Echo sentait qu'il ne valait mieux pas rester sous cet arbre trop longtemps sous peine de finir complètement mouillé. Il avisa non loin de sa position un arbre creux qui pouvait lui servir d'abris de fortune. Ou d'infortune, tout dépendait de la manière dont on voyait les choses. Le loup gris n'attendit pas plus longtemps et fila se réfugier dans l’alcôve naturelle et une fois au sec, s'ébroua à nouveau, aspergeant d'eau l'intérieur du tronc. Au moins, il serait presque au sec en attendant la fin du déluge...

Le regard d'Echo dériva doucement sur l'extérieur et il se perdit dans ses pensées, n'ayant pas grand chose d'autre à faire. Il imaginait une chanson, ou tout du moins, le début d'une chanson. Le gris inventait souvent des histoires et des contes mais ne s'était jamais essayé dans les chansons. La voix grave et éraillée de sa grand mère résonnait dans ses oreilles...

« Regarde et ouvre les yeux mon petit
Dehors voilà le printemps qui fleurit
Bourgeons repliés au matin
A midi pétales couleur satin

L'hiver après un long moment
Recule dans son domaine au loin
De soleil et d'eau la nature a besoin
Accueille d'un chant l'arrivée du printemps »

D'eau et de soleil hein... Pour l'instant Echo ne sentait qu'un seul de ces éléments et ce n'était pas le plus agréable des deux. La chasse n'allait pas être facile encore... Il s'étendit dans le tronc et posa sa tête entre ses pattes. Patience... Patience...

Un doux rayon de soleil caressa le visage du loup allongé dans le creux d'un arbre de la forêt des pendus. Echo cligna des yeux et bailla puis s'étira en faisant jouer les muscles de ses épaules et de ses pattes. Il avait un peu mal aux fesses, avoir fait la sieste dans un tronc ne devait sûrement pas aider. Heureusement, toute la fin d'après midi s'annonçait bonne et sans pluie et rien que cette perspective mit Echo de bonne humeur.

Le loup fit quelques pas autour du tronc en reniflant au sol. La forêt sentait très fort les pins, la terre et l'herbe mouillée et toutes les odeurs se mélangeaient et donnaient presque mal à la tête. L'avantage à cela étant que tous les animaux qui sortaient de leurs cachette sentaient tous beaucoup plus fort et étaient plus faciles à pister. Echo repéra une odeur musquée non loin de l'endroit ou il se trouvait, celle d'un animal assez grand. Un cerf ou une biche peut être ?..

Intrigué, il se dirigea vers l'odeur, trottinant rapidement dans les bois mouillés. Ses pas le conduisirent près d'une clairière dans laquelle broutaient tout un groupe de biches. Tapis dans l'ombre, Echo les observaient. S'attaquer seul à des biches était risqué, surtout si un cerf venait s'inviter dans la chasse. Un coup de bois pouvait transpercer de part en part la peau d'un loup trop imprudent. Heureusement, aucun cerf en vue pour protéger le troupeau... Se déplaçant silencieusement dans les fourrés, Echo repéra une biche plus petite, légèrement à l'écart des autres.

Une proie facile...

Facile mais pas sourde, le loup marcha sans le voir sur une branche qui émit un craquement sourd qui fit réagir instantanément le groupe. Leurs têtes se levèrent à l'unisson et elles prirent la fuite sans chercher à comprendre. Décidé à ne pas laisser partir sa proie aussi facilement, Echo s'élança a sa poursuite, transformant la fuite des biches en une cohue paniquée. Il pouvait sentir leur peur et cela lui plaisait. Le loup gris esquiva un arbre en bondissant sur le côté et continua sa course, gagnant sur la biche, pas après pas. Effrayée elle tentait des esquives en prenant des virages secs près des arbres mais Echo ne se laissait pas avoir, suivant de près, toujours plus près la biche. Cette dernière, sentant la mort arriver, effectua une manœuvre risquée, elle sauta entre deux arbres serrés et passa au travers. Le loup l'imita, sautant entre les deux arbres mais fut arrêté d'un coup dans sa course. L'arrière train d'Echo était resté bloqué entre les troncs et l'espace d'un instant, il patina dans le vide avant que la gravité ne le rappelle sur terre. Il laissa échapper un jappement de surprise alors que l'écorce rentrait dans ses côtes.

Surpris et penaud, Echo resta coincé et regarda détaler sa proie jusqu'à la perdre de vue. Un fois seul, le loup se mit à rire. Heureusement personne ne le voyait coincé ainsi... ça ne ferait pas très sérieux. « Bon sang, je chasse comme un pied. » dit-il en reculant pour se dégager.

La forêt des pendus était calme ce matin, le vent ne soufflait pas et seuls quelques cris de corbeaux venaient troubler la quiétude des bois. Les petits animaux dormaient paisiblement dans leurs terriers et les plus grands n'étaient pas plus réveillés non plus. Tous sauf deux. Un loup et une énorme biche traçaient à toute vitesse dans la forêt, emmenant avec eux quelques feuillage qui leur barrait la route.

Echo courait de toutes ses forces après le gibier qui bondissait devant lui. Il ne voyait plus rien d'autre que la biche dodue et grasse et il laissait son corps et son instinct bouger d'eux même. Il fonçait sur un tas de branches qu'il esquiva en sautant d'un bond. Une petite branche lui griffa le ventre mais il ne sentit pas la blessure. La biche elle aussi faisait tout son possible pour distancer son poursuivant, mais son poids la ralentissait et Echo gagnait petit à petit du terrain.
Le loup passa à côté d'un petit groupe d'arbre et contourna le bosquet par la droite, alors que la biche continuait tout droit. Il savait qu'en prenant se chemin il gagnerait du temps et s'il faisait assez vite, tomberait pile sur la biche.
Il accéléra encore, respirant fort et vite tandis que son cœur faisant un bruit infernal dans ses oreilles. La... Plus qu'a tourner devant cette souche et il finirait par retrouver sa proie...
Qui déboula juste devant lui. Elle fut surprise de le voir devant elle, tous crocs dehors et prêt à se jeter sur elle. Et c'est ce que fit Echo, d'un bond parfaitement calculé il sauta, décapitant la biche d'un seul coup de crocs. La tête de l'ongulé tomba au sol et une gerbe de sang gicla du cou ouvert, aspergeant tout autour du corps sans vie qui s'affaissait au sol.
Plein d’hémoglobine, Echo hurla, fier de sa prise, une belle biche bien grasse. Il se pencha sur le cadavre pour commencer à manger... Le doux goût de la viande fraîche remplissant son palais...
Un régal...

Un bruit sourd d'estomac se fit entendre et Echo sursauta et se remit tant bien que mal sur ses pattes. Affolé, il regarda autour de lui pour se rendre compte qu'il se trouvait dans sa grotte des collines escarpées et qu'il était encore très tôt dans la nuit.

« Voila que je rêve que j'attrape des proies maintenant... Je me disais bien que quelque chose clochait, j'attrape jamais rien moi. » grogna t-il en mettant sa tête sur ses pattes et en refermant les yeux.

Le soleil se couchait doucement à l'horizon, emmenant avec lui la chaleur printanière apportée par ses rayons. Cela n'empêchait pas Echo de traîner dans les bois des pendus. La faim l'avait poussé à refaire un dernier tour avant de rentrer retrouver sa meute. L'espoir de trouver quelque chose l'animait et son ventre presque vide commençait à le torturer. Une solution, attraper et manger quelque chose. Même un rat sans jambes ou un oiseau malade, quelque chose de suffisamment consistant ferait l'affaire.

La truffe au sol et les oreilles droites sur sa tête, le loup pistait une odeur faisandée. Il suivait la succession d'odeurs et de plumes laissées par l'oiseau imprudent. La piste l'avait fait traverser la moitié des bois et fait passer par plusieurs passages peu habituels. Echo avait de la terre partout sur son poil, souvenir de son passage par un trou assez étroit ou il avait réussi à passer. Après sa mésaventure de l'autre jour, il faisait beaucoup plus attention de par ou il passait. Plus envie de finir coincé quelque part.

L'odeur de gibier se faisait plus forte a la truffe du loup qui décolla la tête du sol pour observer les alentours. Le faisant ne devait pas être bien loin... Même tout prêt... Il devait faire attention à ne pas se faire repérer. Marchant aussi silencieusement que possible et posant ses pattes délicatement au sol, Echo avait tous ses sens en alerte. Il était prêt à courir dans la direction du moindre mouvement... Mais rien ne bougeait. Pas la moindre herbe. Pas le moindre feuillage... Tous les muscles du loup étaient tendus et il respirait le plus silencieusement possible. Il devait être invisible...

L'odeur était plus forte que jamais. Echo se laissa guider par son flair et arriva devant un petit talus. Il ne pouvait pas se tromper, le faisant se trouvait juste derrière. Rampant presque, il monta lentement le tas de terre et avança la tête pour observer le contrebas de l'autre côté. Le faisant était bien la, enfin... Ce qu'il en restait. Quelqu'un avait été plus rapide qu'Echo pour le trouver. Des os impeccablement nettoyés et quelques plumes gisaient au sol, vestiges de ce que fut l'animal.
Il n'y avait aucune trace de celui qui avait mangé ici et Echo n'arrivait pas à déterminer quel prédateur avait fait du faisant son dîner. Cela inquiéta le loup gris qui ne tenait absolument pas à rencontrer le loup, ou lynx, ou ours ?...

Un détail attira le regard d'Echo avant que celui ci ne reparte. Une grande plume se trouvait au sol et était en bon état... Le loup la ramassa délicatement entre ses crocs et décida de rentrer avec dans sa tanière. Il pourrait crâner devant les autres en exhibant sa plume ou faire croire aux petits louveteaux qu'elle provenait d'un monstre aux milles yeux. Ça sonnait plutôt bien ça.

  « Aujourd'hui, c'est la bonne. Je ne rentre pas sans avoir quelque chose a ramener dans le garde manger.» grogna Echo alors qu'il marchait en direction du bois des pendus.
Cela faisait plusieurs jours qu'il rentrait bredouille de ses chasses et il se sentait un peu triste de voir que plusieurs loups de sa meute rentraient avec de nombreuses proies et lui se retrouvait à rapporter... Du rien du tout. Ce qui n'allait certainement pas nourrir la meute, malheureusement.

Cela dit, aujourd'hui même le temps était avec lui, de petits nuages gris venaient cacher un soleil timide, mais au moins il ne pleuvait pas. Cela motiverait certainement les habitants des bois à sortir et peut être qu'un de ces habitant finirait sous ses crocs... Cette perspective fit grogner l'estomac du loup qui laissa échapper un soupire. Sa grand mère le surnommait affectueusement 'ventre sur patte' et des fois, il trouvait ce surnom tout à fait adapté.

Echo se mit alors à parcourir la forêt en restant dans l'ombre des arbres, silencieux comme une ombre. Il commençait à mieux connaître la forêt des pendus et ne se perdait plus vraiment à présent. Ce qui lui manquait encore, c'était de savoir ou se regroupaient les troupeaux de biches qui pouvaient fournir de nombreuses prises assez faciles. Il avait failli en avoir une il y a deux jours.
Cependant, la ce qu'il flairait actuellement, ce n'était pas une odeur de biche ou de cerf, mais de lapin. Il n'en avait pas croisé beaucoup ces derniers temps, mais Echo était arrivé à un point ou il se satisferait de n'importe quelle proie.

Il avança dans les herbes hautes pour s'approcher de l'endroit ou la piste olfactive le conduisait.
La droit devant lui, il pouvait voir un terrier avec un lapin, ou plutôt un lièvre qui observait les alentours en mâchant des herbes. Le lapin était aux aguets et Echo pouvait le voir tourner sa tête dans plein de directions. S'il se faisait repérer, le lièvre filerait droit dans son trou, à l’abri des crocs et des griffes du loup. L'approche de la chasse allait être différente, pas de course pour fatiguer sa proie, un seul coup, vif et rapide pour en finir.

Echo changea sa trajectoire pour se placer face au vent afin de masquer son odeur et il louvoya entre les herbes en essayant de créer le moins de mouvement possible. Pour l'instant tout allait bien, la lièvre n'avait pas bougé et ne se rendait compte de rien. Le loup gris avança encore de quelques mètres... Lentement, doucement, ne se pressant pas et ralentissant peu a peu le rythme de sa respiration... Il était arrivé à quelques pas du lapin qui se penchait au sol pour renifler quelque chose. Le sang d'Echo se glaça, il était sûrement découvert. Il fallait frapper, maintenant.

D'un bond puissant il jaillit des fourrés et sauta sur le lièvre, tous crocs dehors et pattes en avant. La tornade de griffes et de crocs retomba sur sa proie mais cette dernière eu le temps de se réfugier dans son terrier dans un glapissement. Echo claqua sa mâchoire dans le vide et tourna la tête pour apercevoir les deux yeux brillants du lapin bien au fond de son terrier qui le fixait.

« T'as gagné cette fois lapin... Je pourrais pas te chercher la ou t'es, mais fait gaffe la prochaine fois ce sera pas pareil. » jappa Echo en rendant son regard au rongeur.

Ce n'était pas passé loin cette fois, la prochaine serait la bonne... Enfin, Echo l'espérait. Il fit demi tour pour rejoindre un groupe de fourrés et se mit en traque d'une autre proie.

 L'échec de la chasse du matin n'avait pas découragé le loup gris qui arpentait encore la forêt des pendus dans l'espoir de trouver de quoi sustenter un peu sa meute et aussi son estomac. Surtout son estomac en fait. Echo avait décidé de pousser plus loin son exploration de la forêt en allant au sud, une zone qu'il évitait soigneusement car bien plus lugubre. Les arbres la bas étaient beaucoup plus gros et grand et se trouvaient habillés d'une guirlande de multiples corps d'humains. En définitive, pas le plus chouette des lieux pour un rencard.

Mais cet endroit avait le mérite de n'avoir pas beaucoup de passage, cela pourrait être intéressant d'y jeter un œil... Ou les deux. Echo se mit en route vers cette direction et arriva après une quinzaine de minute au fond de la forêt des pendus. L'ambiance était telle qu'il le pensait, froide sinistre et lugubre. Ses poils de dos se hérissèrent et il hésita un instant avant de continuer.

« Aller Echo t'es un grand loup, ce n'est pas quelques toiles d'araignées et des corps morts qui pendouillent qui vont t'intimider non ?... » grogna t-il doucement en observant une grosse araignée manger une mouche sur sa toile.

Le loup ravala sa salive puis prit son courage à deux mains, ou pattes d'ailleurs, et avança dans la forêt sombre et silencieuse. Les oreilles dressées sur sa tête il était à l’affût de tout bruit. Il entendait quelques craquements qui le faisait sursauter malgré lui.

« C'est une idée fin bonne ça encore, pourquoi je suis allé la... » gémit-il en plaquant ses oreilles sur l'arrière de son crâne, absolument pas rassuré. Sa patta avant droite resta collée un instant au sol, il venait de marcher dans une grosse toile d'araignée gluante. Un frisson de dégoût parcouru l'échine du loup qui dégagea rapidement sa patte pour aller marcher autre part. Et c'est en s'avançant vers une clairière qu'il tomba nez à nez avec un marcassin. Oui, un petit marcassin, en pleine forêt. Cela faisait des mois qu'Echo n'avait pas croisé de sanglier... Et la...

Les deux animaux furent aussi surpris l'un que l'autre de se rencontrer car ils ne bougèrent pas pendant quelques secondes. Les yeux dorés du loup rencontrèrent les billes marrons du marcassin qui, passé sa stupeur, décida que de rester devant un loup n'était peut être pas la meilleure des perspective d'avenir. Il détala en poussant un couinement craintif et Echo lui emboîta le pas, courant aussi vite que ses pattes pouvait le porter. Un marcassin ! Il ne laisserait pas passer cette chance.

Le petit animal fonçait à travers la forêt comme une balle, ne ralentissant ni pour esquiver les toiles d’araignées ni pour éviter les feuillages. Echo essayait de faire pareil, sautant par dessus les obstacles qui arrivaient devant lui. Il esquiva une grosse bûche qui lui barrait la route en faisant un écart et continua sa traque. Le marcassin ne faiblissait pas et continuait sa course effrénée.
Le petit animal sauta dans un buisson et Echo le suivit de prêt, sautant à son tour dans les frondaisons.
Quelle ne fut pas sa surprise quand sa tête et le reste de son corps percuta de plein fouet une masse chaude et poilue. Sonné, il essayait de faire disparaître les chandelles qui tournaient autour de sa tête pour essayer de comprendre ce qui venait de se passer.
Devant lui, campé sur ses quatre pattes et le regard énervé, se trouvait un gros sanglier.

« Ah euh... Bonjour... Vous auriez pas vu les euh... Champignons que je chassais ? » dit-il avec un rire nerveux en déglutissant nerveusement.
Un piaffement énervé et de mauvaise augure répondit à la question du loup