La maladie était fulgurante. Djall n'était insomniaque que depuis peu et déjà d'autres symptômes telle que la fièvre apparaissaient. Elle était soudainement prise de migraines atroces et allait mieux la minute d'après. Voilà la raison pour laquelle la louve se retrouva à suivre le guérisseur qui s'appelait Emarok en direction de la tanière des malades. Ils arrivèrent en fin d'après-midi devant l'antre improvisée dans un coin des ruines. Heureusement pour les Navniks, Djall était la seule de sa meute à passer un petit séjour chez Emarok pour le moment mais d'autres étaient présents. La générale en savait très peu sur cette épidémie ravageuse qui sévissait depuis quelques temps dans la région. Elle espérait que Emarok saurait éclairer sa méconnaissance. Elle franchit une voûte dans un mur de pierre qui était le seul accès qui existait à sa connaissance pour entrer dans la pièce où Emarok exerçait ses talents. L'endroit était reculé des lieux de rassemblement de leur meute. De ce fait, il était tranquille et silencieux de quoi permettre au guérisseur une pleine concentration.

« J'en déduis que tu sais soigner cette maladie ? questionna la femelle à la fourrure argentée en laissant pointer une note d'inquiétude dans sa voix, pas que ça me dérange de mourir mais dans l'immédiat ce serait cool si t'avais un remède. »

Elle s'installa confortablement dans un coin de l'espace rectangulaire en laissant planer le poids de ses paroles anxieuses. Si la louve faisait de l'humour, c'était juste pour cacher son angoisse. Elle se mit à toiletter sa robe grise pour s'occuper l'esprit dans l'attente de la sentence d'Emarok. A force de réfléchir à cette maladie, des inquiétudes naissaient dans la tête de la guerrière qui faute de patience décida d'éclaircir les choses :

« Je suis le premier cas que tu rencontres ou as-tu déjà eu à faire à un malade ? Que sais-tu sur cette épidémie ? Y a-t-il, d'après toi, de réelles raisons de s'inquiéter de cette épidémie pour les meutes ? Je dois te paraître agaçante à jacter ainsi, excuse-moi. »

Elle se tut, honteuse de montrer de cette façon à quel point elle n'avait pas la situation entre les pattes et comme elle avait peur. La femelle observa la distance qui la séparait d'Emarok et se positionna délibérément au coin opposé à celui où il se trouvait. Elle refusait de contaminer quiconque, et encore moins un loup qui vivait pour la passion de s'occuper d'autrui. Elle remua quelque peu sur son séant, ne tenant pas en place. Elle se concentra sur la seule source de chaleur et de vie présente non-loin d'elle : Emarok. Elle remarqua de nouveau comme il dégageait une impression de bien-être et de calme et se sentit envahie par l'humeur du beau loup brun et roux. Un peu apaisée, elle s'allongea sur le ventre, les postérieurs repliés sous son corps et les antérieurs étendus devant elle. Elle laissa tomber son museau sur ses pattes avants en poussant un soupir de fatigue, les oreilles pendantes. A force de passer d'interminables nuits blanches, l'épuisement se faisait difficile à supporter.

« Tu sembles avoir beaucoup de travail ? demanda la générale sur un ton ensommeillé comme si elle posait une simple question de routine, je veux dire, cette pièce empeste des odeurs très différentes ? »

Djall ouvrit et referma la bouche en faisant claquer sa langue rose contre son palais à plusieurs reprises pour chasser le goût âpre de la maladie. Elle pourlécha ses babines noires en frottant machinalement son museau gris sur ses antérieurs. Entre deux coups de langue râpeux sur son nez, elle pétrissait la terre meuble qui apparaissait partout où les dalles manquaient et qui sévissait sous ses coussinets.

« J'espère que je vais guérir rapidement, gronda bas la guerrière en fronçant le museau d'agacement. »

Djall vit rapidement ses craintes confirmées. Autour du guérisseur aguerri, attendaient au moins deux loups à sa connaissance. Il est vrai que son épuisement empêchait la louve d'établir des raisonnements très clairs, même ses sens pouvaient lui faire défaut. Néanmoins, la présence d'un tel nombre d'animaux signifiait de manière limpide que cette épidémie, sans être dramatique, restait considérable. Malgré la somme faramineuse de travail qui attendait Emarok, le loup tricolore répondit patiemment à ses questions et Djall ne put que lui en être reconnaissante. Il amena à la générale un paquet de plantes qui avaient une odeur puissantes et un goût amère. Elle ne se plaignit pas et avala le remède tout rond, sans grimaces. A peine eut-elle terminé de prendre ses soins, qu'un énième loup débarqua. Même si la lucidité de Djall était incertaine à cause de la maladie qui avait affaibli la louve, celle-ci crut reconnaître le parfum d'Helya, son alpha. Ses doutes furent balayés lorsque le nouvel arrivant pris la parole. En ce discours bref, elle ne put que comprendre que c'était en effet sa cheftaine qui venait d'arriver, de part sa voix et son éloquence. Par soucis de respect, elle plaqua ses oreilles poilues sur son crâne en se recouchant de manière plus confortable. La brise s'engouffra dans sa fourrure argentée en l'ébouriffant alors que le sommeil venait peu à peu embrouiller l'esprit de Djall. Le craquement d'une brindille proche de son oreille la tira brusquement de ses rêveries. Elle se leva tant bien que mal et décida de partir pour ne pas importuner le guérisseur davantage, du repos finirait de la guérir. En prenant le chemin du retour, elle lança à Emarok d'un air remerciant :

« Vous m'avez peut-être sauvé la vie, bonne continuation, je saurais me souvenir de votre geste. »