f.10 — a.9 — e.14 Le jour tant attendu, le jour tant craint. Je connais toutes sortes de peurs, mais pas celle-ci. Je suis très nerveux car je ne sais si on va m'accepter ou pas en tant qu'intendant. Un refus ne serait pas fatal, dans tous les cas je resterai humble et heureux puisque c'est pour le bien de la meute. Si une personne est mieux qualifiée que moi, pourquoi lui en voudrais-je? Après tout, je suis presque nouveau, c'est probable que quelqu'un ait plus sa place que moi dans ce domaine.

Pourtant, ma conscience me soufflait que je m'y sentirais parfaitement bien. J'aime veiller sur les autres, effectuer mon travail de guérisseur pour protéger chacun, m'assurer que la meute est en bonne santé. Être intendant serait pour moi un plus. Ce n'est pas une question de supériorité, puisque malgré le rang que l'on m'attribue, je resterai toujours le même loup. C'est plus par rapport à mon devoir que je dois exercer, faire moi-même cette tâche me rassurait car je sais que si on me la donne, je ferai de mon mieux.

Sauf que l'angoisse me tenaillait le ventre, voilà à peine quelques temps que j'ai fait mon entrée ici, pourquoi serais-je choisi? Cette élection, c'est aussi un test pour moi. Pour savoir si on me fait confiance. Et puis, je ne peux le cacher, avoir ce rang me permettrait de passer du temps avec Plume Rousse. Je ne peux nier les choses, ça me ferait du bien d'entendre sa voix, de sentir son odeur et sa présence auprès de moi.

Lorsque je me rends à l'entrée de la cave, Nymeria et Freux étaient postés à cet endroit, attendant les candidats. D'ailleurs, une louve dont la venue dans la meute est aussi récente que la mienne est déjà présente, Aponyria si mes souvenirs sont bons. Je m'avance avec assurance cette fois vers les trois loups et leur adresse à chacun un regard bienveillant. Je ne peux m'en empêcher, ce sont dans mes habitudes.

Néanmoins, mon regard reste suspendu sur l'Alpha, un goût amer dans la bouche. Il a volé le cœur de ma sœur, il est à la place qui m'était réservée. Pas celle de dominant, mais celle à côté de Plume Rousse, quelle ironie du sort ! Je secoue la tête, Plume est heureuse, elle. Je n'en veux à personne, ce n'est pas de leur faute. La rousse a perdu sa mémoire, et qui peut résister à son charme malgré tout? Il est tombé amoureux d'elle, comme moi je n'ai pu l'éviter.

Je remarque qu'il possède aussi des yeux vairons, à croire que Plume a choisi quelqu'un qui me ressemblait involontairement, cette idée me réchauffe le cœur, peut-être que ce mâle n'est pas si différent que moi? Que donc, quelque part dans un coin de la tête de ma sœur, elle se souvient de moi. Cela m'arrache un sourire, finalement je ne suis pas tellement en colère et garde mon attitude posée. Au contraire, je suis content d'avoir pu constater cela.

Enfin, je ne suis pas ici pour penser à tout ceci, nous sommes là dans un but précis : élire un nouvel intendant. Après ces réflexions, je leur lance à tous les trois :

- Quel beau temps nous avons là, bonjour à vous, je suis heureux de me trouver en votre agréable compagnie.

f.10 — a.9 — e.14 Lorsque Tungstene arrive enfin après un trajet qui semble épuisant, Freux décide de prendre la parole, d'un ton solennel. Nous l'écoutons tous attentivement, j'hoche la tête pour approuver ses dires. Son discours est juste, précis. Je souris. Vient le tour de Nymeria qui nous explique comment ces élections vont se dérouler puis nous pose une question :

- En cas d'attaque, que faites-vous ?
- Moi, répondit en première Aponyria, j'irais dans la tanières des louveteaux, et tenter de les mettre à l'abris, après j'irais aider à combattre, je pense que si nous gardons nos descendant, la meute perdura plus longtemps.

Je prends une profonde inspiration avant de m'engouffrer dans de longues explications. Ce que dit la combattante est vrai, court, droit au but. Mais j'ai toujours eu cette manie de rentrer dans les détails. J'aime la précision, et ne m'en priverai pas. J'expire, j'inspire, je m'élance dans mon discours :

- Tout d'abord, je tenterais de rassembler un maximum de loups présents sur le territoire afin de protéger les terres. L'union fait la force, affronter un danger à plusieurs est moins risqué. Le mieux serait de trouver le général -s'il est élu- afin qu'il dirige les opérations. Je marque une pause, les observe tour à tour, puis enchaîne. Je veillerais à la sécurité des plus jeunes, c'est-à-dire que je chargerais les nourrices de leur responsabilité et les préviendrais d'un probable combat. J'essayerais de ramener au moins un ou deux guerriers compétents pour qu'ils s'assurent de leur protection.

Je pose un regard appuyé sur chacun. Aponyria est une guerrière, tandis que Tungstene est une espionne, et moi je suis guérisseur. Tous ces loups si différents qui veulent protéger les membres de notre meute que nous chérissons tant.

- Pour finir, il faudrait que j'aille à la recherche de Reaven afin qu'il soigne les blessés, s'il y en a. Etant moi-même guérisseur, j'irais sur le terrain de combat pour m'occuper des loups en piètre état. Et s'il le faut, rajouté-je, je combattrais à vos côtés.

J'arbore toujours cet air de bienveillance, mais aussi de fierté. Je suis chanceux d'avoir pu connaitre cette meute extraordinaire, et tellement content d'être ainsi accepter au sein de tous. Je les aime, je les aime profondément. Tous. Et je veux qu'ils vivent heureux.

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Lorsque j'ai terminé, Freux et Nymeria restent impassibles. Je pense qu'ils essaient de garder leur opinions pour plus tard, car une seule question n'est pas suffisante pour être choisi ! Il faut aussi la motivation de prendre un tel rôle, de la responsabilité, sans aucun doute de la sagesse et une bonne entente avec la meute évidemment. Je pense avoir ces qualités.

Motivé, je le suis énormément, et pour diverses raisons : Protéger ma meute, rendre service, voir plus souvent ma soeur.

Quant à être responsable, il n'y a pas de doute là dessus. Je suis devenu un adulte, et j'ai acquis assez de maturité pour agir en tant que tel, du moins, j'essaie un maximum de le prouver. Je réfléchis un instant. Je pense que je suis irresponsable lorsqu'on exploite mes faiblesses, je ne sais plus où donner de la tête. Je suis perdu, sans repère, sans moyen de défense; vulnérable. Je fais allusion à ma soeur qui est à la fois celle qui me donne la force de vivre, mais la peur de la perdre constamment. Mon visage se contracte, elle est surchargée. J'aimerais l'aider, mais je n'ai plus cette si belle relation que nous avions avant.

Pour ce qui est de la sagesse, elle ne finit jamais de s'accroître, chaque année nous rend plus sage. Je crois que même si j'essaie de l'être, de le montrer, au fond de chaque loup se trouve une part de folie, une partie noire. Je sais que je dois combattre certains de mes démons, j'essaie aussi de combattre mon douloureux passé en devenant meilleur au fil des jours. J'essaie de combattre la tristesse qui m'habite quand je vois la rousse que j'aime mais qui m'a oublié. Je combats la vie. Et c'est là, que je trouve ma sagesse.

Pour ce qui est de l'entente avec la meute, c'est là que j'ai un doute. Je suis nouveau ici, quelqu'un peut très facilement prendre ma place. Au niveau du respect, cela ne changera pas en fonction de mon grade, je ne crois pas que certains loups changeront leur attitude avec moi si j'ai un rôle différent. Mais peut-être n'auront-ils pas assez confiance en moi? Aller Astral ! Ne dis pas de bêtise, tu feras tes preuves, voilà tout.

Thungstene prend la parole et m'extirpe de mes pensées, elle répond à son tour à la question qu'a posée le Bras Droit :

- Eh bien, j'irais sûrement essayer de discuter, pour voir si on ne peut pas éviter l'attaque. Et si jamais, et bien je prendrais place avec les guerriers. Je pense que si on peut éviter une attaque, c'est mieux que d'envoyer ses guerriers au combat...

Après toutes ces réponses, les hauts-gradés hochent la tête. Je remarque Aponyria qui m'adresse discrètement un sourire, tandis que je lui réponds par un regard amical. Par la suite, Nymeria enchaine :

- Passons à la question suivante. Un conflit éclate au sein de la meute, que faites-vous ? nous interroge-t-elle.
- J'irais défendre ma famille ou mes amis, si il est impliquer, sinon je laisse faire, ce n'est pas mes oignions. Répond la louve blanche du tac au tac. Je sait que ce n'est pas une bonne réponse mais moi j'agirais comme ca.

Je suis surpris par sa réponse, mais je ne sais pas comment le prendre. En voilà une autre qualité, l'honnêteté. Aponyria a été loyale a ses idées, elle a avoué clairement ce qu'elle ferait elle, peu importe si c'était ou non le rôle que devait effectuer l'intendant. Je trouve cela brave d'être fidèle à soi-même, et Aponyria mérite d'être admirée par cela. C'est à moi de répondre, je me lance après un moment de réflexion pour ne pas bafouiller.

- Pour ma part, je pense que la meute est notre famille, donc il est évident que j'interviendrais dans la mesure du possible. Aussi, cela dépend de l'ampleur du conflit. Si ce n'est qu'une simple chamaillerie, parfois il faut laisser les loups régler leurs problèmes afin qu'ils soient autonomes et grandissent. Je marque une pause, les regarde tour à tour, et ajoute : Par contre, si cela va trop loin, un rappel à l'ordre n'est jamais de trop. Parfois, des mots bien choisis et bien placés peuvent arranger une dispute. Je privilégierais le dialogue, je ne juge pas cela nécessaire d'utiliser la violence inutilement envers un membre de sa propre meute, nous devons vivre dans le respect et la confiance mutuels, pas dans la tension. J'appuie bien ma dernière phrase, et encore insatisfait de ma réponse, je complète par quelques mots. Si le calme ne règne plus, je pense qu'il faudrait séparer les fautifs afin que rien ne s'envenime, et qu'une fois les alphas prévenus, ils prennent une décision sur le sort qui sera réservé aux créateurs du conflit.

J'adresse un regard à la louve noire pour l'inviter à prendre la parole puisque j'ai enfin terminé. Je pense avoir été juste et avoir employé de bons mots, une qualité qui me manquait indéniablement était celle d'être court et précis. Je ne sais être clair sans m'éterniser, mais je ne sais faire autrement, c'est dans ma façon d'être.