Certes, après la chasse qu'il avait fait la dernière fois, ses chances de réussir une telle prise étaient amoindris, aussi devrait il peut être se rabattre sur des proies plus petites et agiles, peut être même d'autres carnivores. Peu importe par quel chemin il passait, ce qui comptait pour lui n'était que le résultat, et par résultat il entend une proie de plus dans le garde manger.

A défaut de chercher un élan il trouva avec une étrange facilité la piste de quelques daims. Ces petits cervidés étaient moins dangereux, plus peureux, mais plus rapides et agiles. Il ne pourrait certainement pas les coincer comme il l'avait fait avec l'élan. Mais cette fois-ci il aurait la possibilité d'utiliser toute sa puissance physique. Plus question de ruser, il n'avait plus rien à craindre. Rôdant autour du harem du mâle en restant bien sous le vent, il réduisait petit à petit son étau autour de ses proies. Il les observait, ces herbivores qui broutaient avec indolence. Contrairement à eux, Kornog dépendait de ce qu'il trouvait mais aussi de sa performance lors de la chasse. En certains point il les jalousait oui. Le grand loup se rapprocha doucement de ces proies et comme à son habitude il bondit hors des fourrés en direction des cervidés. A présent il n'avait plus que quelques secondes pour savoir à qui il s'attaquerait. L'une des femelles semblait un peu moins en forme, en deux grandes foulées il était derrière elle. Sans attendre il plongea sur son arrière train, lui bloquant les pattes arrières et l'entraînant dans sa chute. Une fois au sol et bien qu'un peu sonné elle tenta de prendre la fuite mais Kornog ne l'entendait pas de la même oreille, plongeant ses canines dans son encolure il lui brisa sèchement la nuque.

Kornog s'était montré assez chanceux ses derniers jours, il avait réussis à attraper des proies, qui plus est, ces dernière avaient été d'une taille assez importante et il pouvait se féliciter de participer ainsi à la vie de sa meute d'une façon aussi cruciale.

Kornog flaira rapidement l'odeur d'un cervidé, encore fallait il savoir de quel espèce il s'agissait. En cette saison les très gros cervidés se faisaient assez rares, il aurait certainement plus de chances de tomber sur des daims ou des chevreuil. Le grand loup ne voulait pas s'éterniser, il comptait expédier cette chasse. Le petit troupeau de chevreuil broutait paisiblement dans une clairière, ne se doutant pas de la présence du loup.
Kornog poussa un long hurlement, les têtes des cervidés sortirent de leur pâture et cherchèrent la source du bruit qui se répercutait partout contre les arbres. Réagissant naturellement à l'idée de la présence d'un grand carnivore, ils prirent la fuite. Cependant, désorganisé par le son omniprésent, les herbivores s'enfuirent dans toutes les directions. Le canidé, qui ne s'était pas encore montré, sortit de sa cachette, utilisant toute la puissance que la nature lui avait confiée, il se propulsa en direction des poursuivis. L'un des mâles ne comprit pas ce qui lui arriva quand les cinquante kilos de Kornog lui rentrèrent dedans et l'envoyèrent rouler quelques mètres plus loin. Le grand loup se rapprocha de sa proie et lui brisa sèchement la nuque.

Kornog n'avait pas lâché la piste du précédent groupe de proie. N'ayant pas pris le temps de ramener le mâle, il l'avait enterré pour pouvoir le récupérer plus tard. Kornog faisait plein usage de la force brute que lui avait conféré dame nature, battant le sol de ses pattes aux muscles développés, il se propulsait avec toute la puissance qu'il avait en stock. Il ne devait pas se laisser distancer par le groupe en fuite, heureusement pour lui ses poumons s'étaient développés et ses muscles aussi, ce qui lui permettait de déplacer son imposante silhouette avec rapidité. L'odeur qui planait dans l'air se faisait de plus en plus forte, il se rapprochait. Les silhouettes se dessinaient derrière les arbres, galopant à toute jambes. Soudain le grand loup changea de direction, allant aussi vite que ses muscles le lui permettait, il fonçait droit sur sa proie, s'élançant d'un bon... il la percuta de plein fouet. Se relevant au plus vit il se tourna vers sa cible. Cette dernière avait l'encolure brisé sur une grosse racine.

Cela faisait un petit bout de temps que Kornog n'était pas allé chasser. Aussi, en se levant de bon matin il avait décidé de prendre la route de son terrain de chasse favoris. Foulant le sol aux couleurs de l'automne, le grand loup commença d'une façon qui était presque devenue traditionnelle, par renfiler les odeurs qui lui étaient offerte

Cette odeur, il l'avait déjà sentie, elle était puissante et musquée. Elle vous prenait à la gorge et vous remontait les tripes, elle agressait les muqueuses nasales, c'était un mélange de terre et de sueur. Une odeur tellement animale, tellement bestiale. Il laissait des petites marques dans la terre sèche de l'automne, la piste n'était pas simple à suivre malgré sa puanteur. Les feuilles sur la quelle s'était déposée l'odeur s'étaient parfois envolées et les traces avaient été recouvertes. Mais Kornog réussie tout de même à retrouver sa proie. C'était la seconde fois qu'il avait affaire à ces porcidés sauvages. La femelle gardait sous sa protection des marcassins qui, terrorisés poussaient des petits couinements apeurés. La mère sanglier quant à elle semblait hors d'elle, grattant le sol sec de la forêt avec ses sabots en signe d'avertissement. Ne se laissant pas impressionner, le grand loup se campa fermement sur ses membres attendant la charge de l'omnivore. Voyant l'absence de réaction de la part de son adversaire, la génitrice s'attaqua à la menace de sa progéniture avec tout son cœur. Le nouveau général lui répondit de la manière la plus brutale possible, plongeant à sa rencontre, tous crocs dehors. Il planta ses derniers dans l'encolure courte mais massive de sa proie. Quel spectacle que ces deux forces de la nature qui s'affrontait dans la plus grande des brutalités. Plantant ses griffes arrières dans le sol pour stopper la course du porc poilu, Kornog déchirait le cuir de l'animal avec tout l'énergie qu'il avait dans le ventre. Les coups de tête se firent de moins en moins puissant. Et bout de plusieurs minutes, de luttes au corps à corps, acharnées, l'Esobek arracha la victoire avec l'une des artères principales du cerveau. Tout son pelage blanc s'était transformé en une robe de sang. Mais la chasse n'était pas finie.

Kornog se releva, encore couvert du sang de son adversaire. Enterrant avec hâte son défunt adversaire, il lécha sa truffe pour la débarrasser de l'odeur de sang dans laquelle elle avait été plongée. Déjà, une nouvelle piste, cette fois-ci il s'agissait d'un cervidé. Faisant juste usage de sa puissance physique, le grand loup suivit la piste fraîche, il avançait à une allure modérée, utilisant avec sagesse ses poumons de plus en plus développés. Le cerf était là, imposant, majestueux. Pressé d'en finir, le grand loup se jeta sur son adversaire. Il avait couru pendant un petit bout de temps et ne pouvait donc compter que sur sa capacité à accélérer une seule fois, car il n'aurait pas le temps de récupérer. Il avait agit avec une rapidité foudroyante, obligeant le mâle à le traîner sur quelques mètres avec des crocs plantés dans la croupe. Il s'était finalement débarrassé d'un coup de sabot dans le thorax. Mais Kornog était poussé par une rage destructrice qui le poussa à repartir de face. Une nouvelle fois il se lança de tout son poids contre l'herbivore. Mais cette fois c'est sur sa tête et ses bois qu'il s’abattit. Sous le poids de son adversaire, le cerf ne parvint pas à redresser son immense couronne. Le lieutenant en profita pour planter ses crocs dans sa nuque et la broyer comme il en avait broyé tant d'autres.

Kornog releva la tête à la recherche d'une nouvelle proie, mais le silence fut aussi auditif qu'olfactif. La forêt n'avait plus rien à lui donner pour aujourd'hui. Comprenant le message, le grand loup attrapa sa proie par une patte et commença à la tirer jusqu'au garde manger, la route serait longue et la proie était lourde. Qui plus est il avait aussi ce sanglier à transporter.

Quel drôle d'endroit. Je ne suis jamais venu ici. Du moins de ce que je me souviens. De quoi je me souviens d'ailleurs ? Qu'est ce que c'est que ce bordel ? Où est ce que je suis ? Comment je suis venu là ? Qui est ce je ? Est-ce un rêve ? La confusion s'emparait de mon cerveau tout comme la peur. Toutes ces questions restaient sans aucune réponse. Il me fallait retrouver mon calme, retrouver mon sang froid, retrouver ma capacité d'analyse. Lentement j’inspirais, calment mon pouls et ma respiration. La nuit la plus noir précède l'aube. Mes idées s’éclaircissaient petit à petit, mes yeux clignaient pour s'habituer à la lumière ambiante. Tout n'était que lumière, le soleil se reflétait sur le sable brûlant et sur les falaises de craies. Et Quelle chaleur, une chaleur étouffante, suffocante, elle empêchait tout simplement de respirer. La moindre bouffée d'air plongeait mes poumons dans une fournaise. De l'eau, j'avais soif, terriblement soif. Et ce sable qui m'arrachait des grimaces en me brûlant les coussinets. Où diable étais-je ? Il fallait prendre une décision, tout en sachant que la question de "qui je suis" pouvait attendre, non ce qui importait réellement c'était de rester en vie. Quels sont les dangers dans un désert ? La chaleur, le manque d'eau et de nourriture, quoi d'autres ? Mon esprit fouillait irrésistiblement ma mémoire sans réussir à dégager la moindre parcelle de souvenir, comme si j'étais de nouveau un louveteau. Me relevant je jetais un regard, les yeux plissés vers l'horizon, à l'abris du soleil qui semblait abattre partout de façon impitoyable. Je m'ébrouais afin de retirer tout le sable qui me grattait et qui s'accrochait à mon pelage.
Malgré l'écrasante chaleur j'avançais, ne prêtant pas attention au paysage de désolation qui s'offrait à perte de vue. Mon pelage qui était une source de survie habituellement, était devenu un fardeau et une couverture de plus. Tirant la langue, je la sentait se sécher petit à petit. Mes parties du corps qui me permettaient de réguler ma température corporelle étant limiter je connaissais des difficultés à me refroidir. Si j'arrivais à atteindre ces grandes falaises éblouissantes j'arriverai peut être à trouver une grotte ou une cavité ombragée, peut être même qu'un peu d'humidité suintera de cet abris de fortune et me permettra d'attendre la nuit.
Je m'en sortirai. J'y arriverai.

Kornog décida de repartir pour une chasse de bon matin, il était en forme et contait bien mettre cette énergie à profit. Et quoi de mieux que de prendre la vie de quelques proies pour bien commencer la journée ? Sans plus de cérémonie il commença à trier les pistes qui s'offraient à lui.