Le museau de Kornog remuait le sol de la forêt avec insistance, cherchant avec application une trace fraîche d'un futur repas. Une odeur puissante, acre et bestiale parvint à ses narines. Qui plus est, elle était assez puissante pour lui indiquer que la proie n'avait pas foulée les lieux il y a peu, progressant avec la discrétion la plus appliquée, il tentait de suivre sa proie à l'odeur. Il se devait d'appuyer avec le plus de légèreté chacun de ses mouvements, ses pattes ne devait plus s'appuyer sur le sol, mais juste le frôler, il se devait d'imaginer de véritables braises sous ses pieds. Un parterre de flamme et de pique sur lequel il devait tout faire pour en limiter le contact. La moindre branche qui céderait sous son poids serait décisif quand à l’issu de cette chasse. Il ne lui fallait commettre aucune erreur. Le vent, la vue et l'odorat devaient être ses atouts mais ils pouvait très bien se retourner contre lui et servir sa proie.
C'est avec une certaine satisfaction et une excitation non dissimulé que Kornog découvrit l'animal qu'il allait ramener coûte que coûte au garde manger de sa meute. En vérité il n'avait pas affaire à une seule proie, mais à tout un groupe. En effet, outre le mâle alpha aux bois imposants, il y avait deux biches ainsi qu'un faon. C'était un bien maigre pour un harem, mais largement suffisant pour le canidé. Il ne comptait pas s'attaquer à la prise la plus facile, mais plutôt à celle qui lui rapporterait le plus d'estime et de viande. Le meilleur rapport qualité danger aurait sans doute été de s'attaquer à l'une des deux femelles mais il se sentait d'humeur gaillarde et désirait en découdre. Seulement il lui fallait attendre le bon moment, le moment adéquate dira-t-on. Jusqu'à présent il était resté tapis dans les fourrés, près à bondir. Le plus jeune se rapprocha ne se fiant pas à ses sens et se laissant guider par son estomac.
Kornog en profita alors pour passer à l'action sortant de son trou tous crocs dehors. D'abord pétrifié par la terreur il prit ses pattes à son cou dans la direction opposée. Alertés par la détresse de leur progéniture, les deux biches prirent la fuite, ne restait que le mâle qui se devait d'assurer les arrières de sa famille. Celui-ci chargea sans se poser de questions les bois bien en évidence pour faire craindre le pire au canidé. Un seul de ces piques pourrait lui percer la parois abdominale ainsi que son estomac. Ses sucs gastriques se répandraient entre ses organes et sa peau, le rongeant de l'intérieur le temps qu'il meurt de son hémorragie. Ou alors il en prendrait un dans l’œil, lui causant une souffrance immense tout en le privant de 50% de sa vue. Plongeant sur le côté le grand loup s'écarta de la trajectoire mortelle. Emporté par son élan et sa couronne démesurée, il semblait avoir du mal à ralentir et à tourner. Tel était son point faible, son tendon d’Achille, et la raison suffisante d'une mort certaine. Une nouvelle charge, pareille à la première, sans somation aucune. Mais cette fois il l'attendait, une fois qu'il eut bondit de côté, il s'élança à sa poursuite, lui plantant ses crocs juste au dessus de son sabot de façons à couper le nerf de sa patte. Il lâcha vite prise de sorte à ne pas se prendre l'autre sabot dans le crâne. À présent, sa proie était faible, elle ne pouvait se retourner, cependant ses coups de tête couvraient une vaste zone. S'approchant avec prudence, Kornog bondit en arrière, l'un des pics venait de dessiner une fine ligne rouge sur son museau. C'est donc avec toute l'agilité que ses pêches lui avaient apprises que Kornog contourna la couronne mortelle. Une fois dans le dos de sa proie il acheva ses souffrances en lui brisant, de ses mâchoires puissantes, la nuque.

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