Une pluie battante était tombée durant bonne partie de la journée. Le sol était devenu glissant, meuble. Véga avait dormi à l’abri d'une carcasse d'oiseau de fer, avec pour tout compagnon le squelette décomposé de ce qui semblait avoir été un humain. Elle n’était pas vraiment à l'aise lorsqu'elle se retrouvait près de ce types de constructions, mais l'habitude de venir ici lui avait passé le gout de la méfiance. Cette forêt dévastée n'était guère plus habitée que par des fantômes. La pluie avait cessé vers la tombée de la nuit. Les nuages s’étaient écartes pour laisser place à un ciel bleu étoile. Elle était sortie à ce moment là. La truffe pointée vers le ciel, Véga les contemplait avec calme, oubliant presque le chemin qui défilait sous ses pattes. Depuis que sa mère lui avait appris à reconnaitre les constellations, la mercenaire adorait les observer. Cela lui rappelait beaucoup de bons souvenirs. Et puis, elles étaient une des rares choses à êtres restées belles sur cette terre.
Il y avait la constellation du voyageur, celle du renegat, celle du solitaire. Véga essayait de s'en souvenir régulièrement, pour ne pas oublier le savoir que sa mère lui avait transmis.

Soudain, ses pattes glissèrent et le sol se déroba sous ses pattes. Véga tomba. Sa hanche droite glissa le long d'une paroi boueuse. Dans un souffle, elle se retrouva aplatie dans une marre de boue.
La mercenaire se redressa d'un geste vif, secouant son pelage avec vigueur. Haletante, elle redressa la tête vers le ciel. Les étoiles étaient toujours là, mais elles paraissaient bien plus hautes qu'il y'a un instant. Son regard parcouru les lieux. Elle était tombée dans une sorte de cuve, de deux ou trois mètres de hauteur.

- Eh merde... Fit t-elle en posant ses pattes le long de la paroi. Debout, Véga parvenait presque à atteindre la moitié de la distance qui la séparait de la sortie , mais la terre était glissante et ses pattes ne trouvaient pas prise.

- Qui est l'abrutit qui à creusé ce trou ? Gronda t-elle tout haut. Ce n'était pas un piège humain. C'était plutôt une tanière, à en juger par le long couloir étroit qui se détachait sur le côté. Véga l'inspecta : son occupant ne devait pas être bien loin. Ce genre de terrier avait souvent une deuxième sortie. Peut être qu'en passant par ce tunnel, elle parviendrait à retourner en haut sans problèmes. Véga s’avança.

Un grondement la stoppa.

- Ah... Elle jeta un œil sur son nouveau "compagnon" C'est donc toi, l'abrutit.
Les petits yeux brillants du blaireau qui venait de surgir la scrutèrent avec méchanceté. Il tentait de l'intimider.

- Laisse moi sortir. Elle fit. Sa queue se dressa au dessus de son dos. Elle montra les crocs, le fixant d'un regard déterminé. Le blaireau n'en démordit pas. C'était un mâle, et il empestait le marécage.

Il bondit vers elle avec ses petits crocs pointus. Véga l'évita, heurtant de l'épaule une des paroi. La louve vacilla. Cet endroit n'était vraiment pas fait pour se battre. Elle bondit à son tour, saisissant l'animal hostile à la nuque. Il glapit. Elle serra. Il se débattit. Elle serra. Finalement, il cessa de bouger après plusieurs secondes. Véga le relâcha.

- J’espère qu'il n'y à pas d'autres créatures dans ton genre, la dedans, fit t-elle avant de se glisser dans l'étroit tunnel. Pour avancer, la louve était obligée de se baisser. Elle sentait de l’air frais lui arriver depuis l’extérieur. Véga finit par sortir, recouverte de boue. Ses oreilles tiquèrent. Elle allait devoir trouver un point d'eau afin de se débarrasser de tout ça. Son pelage en avait pris un sacré coup, mais au moins, le blaireau ne l'avait pas mordue. Aucun risque que la plaie s'infecte, ni de tomber malade.

Fiche réalisée par @Joy

L'odeur infecte de la boue lui emplissait tellement les narines que Véga ne remarqua pas la présence de la nouvelle venue. Elle commençait à reprendre sa route à la recherche d'un point d'eau lorsque cette dernière l'interpella.

- Excuse-moi.

D'un mouvement rapide, la mercenaire fit face à la louve noire qui venait d'apparaitre sous ses yeux. Depuis quand est t-elle la ? S'interrogea t-elle, les muscles encore crispés de son récent combat.

- Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer toute la boue que tu as sur ton pelage. Ajouta celle-ci. Je connais une source d'eau si tu veux.

Véga resta immobile. Elle était surprise de croiser quelqu'un par ici. C'était étrange, mais il y avait peu de raisons d'être méfiante envers cette louve. Leurs forces paraissaient égales, et quel intérêt y aurait t-il à s'attaquer à elle ? De plus, si ç’avait été son intention, elle aurait pu le faire depuis longtemps.

- Je m'appelle Rajaa, et toi ?

- Véga, répondit la louve brune en lui retournant son sourire. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas croisé quelqu'un. Cette rencontre n'était pas pour lui déplaire. Elle commençait à s'ennuyer de la compagnie de ses semblables.

- J’espérais que ça ne se remarque pas tant que ça, ajouta t-elle sur un ton dérisoire, c'est toujours quand je suis la moins présentable que je fais une nouvelle rencontre... Elle fit mine de déplorer son allure crasseuse. Je te rassure, ma fourrure n'est pas toujours dans cet état. Enchantée de te connaitre Rajaa. J’apprécierais beaucoup que tu m’emmène à ce point d'eau ! Elle s'approcha. Tu vis dans les environs ?

Véga était d'humeur sociable en ce moment. Pourtant, elle n'avait croisé personne depuis un long moment.

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- D'accord, alors suis-moi, l'invita la louve noire en empruntant un chemin. Véga n'avait pas d'autres choix que de lui faire confiance si elle voulait retrouver son pelage d'origine. La boue s'était tellement imprégnée dans sa fourrure qu'elle commençait à sécher ses poils en petits paquets collants.

- Et non, je ne vis plus ici, ajouta sa guide. Avant, lorsque j’étais petite je venais souvent avec mon père. Alors j'ai appris à connaitre cette forêt.

- Je vois, répondit la mercenaire en continuant de la suivre. Ainsi, la dénommée Rajaa avait elle aussi vagabondé dans les terres libres avec l'un de ses parents. Pourtant, elle n'était pas ou plus une solitaire. Elle sentait l'odeur d'une meute que Véga ne parvenait tout à fait pas à identifier.

- C'est toi qui parlait tout à l'heure. Il y avait quelqu'un qui espérait qu'il n'y avait pas d'autres créatures quelque part.

La louve aux yeux verts acquiesça d'un mouvement bref.

- Ah, tu m'as entendue ! Ses oreilles tiquèrent. Je suis tombée dans le terrier d'un blaireau tout à l'heure. Autant de dire que l'occupant n'était pas enchanté de me voir.

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- C'est sûr, approuva Rajaa, les blaireaux et leur mauvais caractère... si un jour tu trouves un blaireau qui n'est pas comme les autres, appelles-moi, j'aimerais bien voir ça !

Trouver un blaireau doté d'un bon caractère avait tout d'une mission impossible, mais l'idée la fit bien rire. Véga songea au nombre de blaireaux agressifs qu'elle avait rencontré jusqu’à présent. Une bonne douzaine ? Difficile de croire que l'un d'entre eux puisse être sympathique. Si jamais elle trouvait une telle rareté, elle se promettait d'aller directement en parler à Rajaa.

Elles arrivèrent rapidement à une petite marre d'eau claire.

– Et voilà ! Fit sa guide. Ce n'est pas un petit coin de paradis, mais c'est toujours utile !

Véga s'en approcha pour humer la surface de l'eau. Elle avait l'air potable et sentait bon, qui plus est.

- C'est parfait, merci ! Lui lança t-elle avant d'entrer dans l'eau. La louve fauve avait tellement hâte de se débarrasser de toute cette boue qu'elle se mit à se secouer frénétiquement dans l'eau, voyant la crasse qui lui collait au corps se dissiper peu à peu au fur et à mesure que son pelage s’allégeait. Après plusieurs minutes, elle jugea qu'elle était assez propre pour sortir.

Le poil tout ébouriffé et humide, la louve retourna auprès de sa camarade en souriant.

- Je me sens mieux, fit t-elle, heureusement que tu étais la.

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- Ce n'est pas tous les jours qu'on me dit ça ! Déclara Rajaa en lui souriant.

Véga s'ébroua, arquant ses oreilles en direction de la louve. Que voulait t-elle dire par la ? Soit elle n'avait pas l'habitude d'être serviable, soit elle s'était fait beaucoup d'ennemis. A moins qu'elle ne soit entourée de loups peu reconnaissants... Dans tous les cas, Véga avait du mal à s'imaginer que sa sauveuse du jour ne reçoive pas souvent de remerciements.

- Ah oui ? Fit t-elle en s'asseyant. Elle sourit avant d'ajouter : Tu n'es pas toujours aussi amicale, c'est ça ?

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- Ce n'est pas vraiment ça. Répondit Rajaa en l'imitant. Bon, j'avoue, je fait des efforts et tu a un peu raison. Non, pas mal... Mais disons que mes rencontres ne sont pas toujours dans de très bonnes conditions.

Véga lui fit signe qu'elle avait compris en penchant la tête vers l'avant. Elle voyait parfaitement ce dont la louve noire était en train de parler. Parfois, les rencontres ne se passaient pas toujours aussi bien qu'on l'aurait souhaité, en tant que solitaire, elle était plutôt bien placée pour le savoir. La plupart des loups de meute l’accueillaient plutôt mal lorsqu'elle se retrouvait sur leur territoire, quand aux solitaires, ils étaient souvent agressifs ou asociaux. Trouvez quelqu'un avec qui discuter simplement n'était pas une chose facile. Véga profitait de ces moment là au maximum.

- Çà m'arrive aussi, répondit t-elle, heureusement que toutes mes rencontres ne se passent pas comme ça... Elle sourit en étirant la nuque vers sa nouvelle camarade. Je suis contente d'avoir fait ta connaissance Rajaa. Ça faisait longtemps que je n'avais croisé personne d'aussi sympathique que toi.

Souvent, lorsqu'elle se retrouvait seule durant de longues périodes, Véga se prenait à vouloir entrer sur le territoire des meutes afin de faire quelques rencontres. C'était évidemment très risqué, mais elle n'avait pas peur de se faire attaquer. La peur était ce qui empêchait bien des solitaires de faire de nouvelles connaissances, et elle ne voulait pas devenir comme eux.

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- Merci. Répondit Rajaa en souriant. Et si on parlait d'autre chose ?

Véga pencha la tête en avant. Bien sûre ! de quoi est-ce que tu veux parler ?

Elle n'était pas vraiment sûre de savoir si l'autre louve était méfiante ou tout simplement discrète, mais cela l'importait peu. Rajaa n'avait aucune raisons de lui en révéler beaucoup à son sujet, après tout. Tant qu'elles pouvaient continuer à discuter, la louve fauve ne s'en plaignait pas.

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La louve noire eut un sourire amusé.

- Aucune idée, et toi ?

Véga avait penché la tête vers le ciel, observant les étoiles tout en réfléchissant à un sujet de conversation. Finalement, elle abaissa la tête en direction de sa camarade, déclarant :

- Moi non plus. Son regard se posa sur les prunelles jaunes de l'autre louve. Si cette dernière n'avait pas envie de dévoiler beaucoup d'informations à son sujet, Véga ne voyait pas d'inconvénients à alimenter la discussion en parlant d'elle même.

- Tiens, fit t-elle. Est-ce que tu as deviné le groupe dont je fais partie ?

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Au sourire qu'elle avait fait, Véga crut comprendre que sa camarade avait bel et bien trouvé la réponse à sa question.

- Bien sûr, affirma Rajaa, les meutes ont chacune leur odeur, et toi, tu ne ressemble a aucune d'entre elles. Tu es donc une solitaire. Puis, avec moins de certitude, elle ajouta :

- Mercenaire ?

L’intéressée sourit, les oreilles droites. Les déductions de la louve noire étaient exactes.

- C'est ça, bien joué ! Répondit t-elle. D’ailleurs si tu as besoin d'aide un jour, tu sais à qui t'adresser.

Ses oreilles s'étaient dressées en direction de Rajaa. Oui, si cette dernière avait besoin d'aide, elle serait heureuse de la lui apporter.

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- D'accord, merci ! Répondit la louve noire sans perdre son sourire. Et moi, je suis ?

Véga plissa légèrement les yeux, plongée dans ses pensées. Rajaa portait l'odeur d'une meute qu'elle n'avait encore jamais rencontré jusqu’à présent, aussi, elle se trouvait incapable d'en dire le nom...

- Je ne reconnais pas l'odeur de ta meute, finit t-elle par avouer d'un air amusé.

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