JAUGES :
Force : 9
Agilité : 6
Endurance : 8

Si Athos chassait souvent pour les autres, il chassait rarement pour lui même. Ce jour là,  le loup avait anormalement faim, et espérait ne pas couver quelque maladie qui lui trouait  le ventre. Il marcha un peu, fit ses quelques tours de course pour s'échauffer comme à son habitude, et revint à son point de départ en trottinant. Il entendit son ventre rugir.  Oui, décidément, il avait faim ! Pressé; il  commença à faire des rondes par ci par là pour trouver de quoi se mettre sous la dent.

Quelques minutes plus tard, il tomba sur une piste. Cela ressemblait à un blaireau. De plus, la nouvelle était d'autant plus réjouissante que la piste était fraiche ! Il esperait trouver cette belle proie, car un blaireau n'est pas une petite bête et a un goût particulièrement poivré et succulent. Restant calme mais un sourire presque sadique aux lèvres, il suivit la piste. Il sentait déjà quelque chose au bout, mais il espérait qu'elle ne s'arrêterait pas en plein milieu d'un passage,  ou d'un tunnel. Car tout le monde savait ça : une fois terré dans leurs tunnels, les blaireaux sont imprenables, voire dangereux puisqu'il peuvent attaquer sans être vus.

Athos continua sa piste,  mais son esprit altruiste le rattrapa. Il ne put s'empêcher de se dire : " Si j'en ai trop, je peux toujours le rapporter pour le partager avec quelqu'un !"

Il s'avança, tout doucement. Une grosse boule noire et blanche sembla se distingua d'un tas de buisson. Comme toujours, son flair ne l'avait pas trompé. Jamais le flair d'Athos ne l'avait induit en erreur. Athos avait toujours eu un bon flair et il en était fier.

Un petit pas. Deux petits pas et ... Mince! Une autre bestiole ! Il renifla. Un loup. Solitaire peut-être. Il ne reconnaissait pas l'odeur de sa meute. Une femelle aussi, ça il le sentait bien. Elle avait également vu le blaireau. Il aperçut la louve au dessus du taillis. Elle avait l'air blessée. Même si le blaireau était loin d'être aussi grand qu'elle, c'était une bête e, pleine forme, vive et surtout ayant la réputation d'être très agressive. Il en déduisit donc qu'elle ne comptait pas la chasser. Pas toute seule. Elle semblait le retenir. Un autre loup dans les parages? Non. Elle semblait reniflait l'air. Le vent avait tourné, transportant l'odeur du grand loup, elle l'avait senti. Le blaireau avait vu la louve et même si elle représentait une menace, il savait qu'elle ne pouvait le tuer. Mais l'odeur lui parvint lui aussi et c'est en baissant les oreilles et laissant échapper un bruit nerveux et sourd qu'il se retourna.
C'était maintenant. Après s'être avancer pour que la proie le voit de tout son long, Athos s'éleva et se grandit autant qu'il le pouvait, s'imposant de toute sa carrure et tous ses muscles. La peur du blaireau grandissait à vue d'oeil.

D'un grognement féroce, Athos lui envoya un coup de patte qui le sonna. Il tenta de résister mais fut trop sonné pour éviter les crocs du grand loup brun. Il lui attrapa la nuque et la serra d'un mouvement sec. Un craquement sourd, la nuque se brisa, l’asphyxiant. En quelques fragments de seconde, c'était fini.

La bête dans sa gueule, il se retournait lentement vers la louve, serein, en la regardant droit dans les yeux. Elle ne semblait pas effrayée, ne s'était pas enfui en sentant son odeur; au contraire, elle l'avait aidé. Intrigué, il restait planté là sans un mot.

Le loup écouta ce que dit la louve. Alors c'était bien une solidaire comme il l'avait senti. Bien. Au moins il n'y avait pas conflit de territoire entre deux meutes. Il évitait donc un incident diplomatique si jamais ça tournait mal avec le solitaire. Il resta un moment silencieuse. Rajaa. Cela ne lui disait rien, elle n'était donc pas une ennemie des Sekmets. Ou du moins pas encore. Cependant, la louve n'éveillait aucune animosité chez lui. Le regard dur et sévère il la fixa.

"Tu n'es pas chez toi ici."

Il baissa les yeux sur les pattes de la louve noire. Il n'était pas du genre à poser des questions et de ce fait, il ne dirait rien. Mais il devait avouer que ceci l'intriguait : malformation, blessure ancienne ou récente? La curiosité lui dictait de demande ce qui lui était arrivé. Il fixait longtemps les pattes blessées de la louve. Non, son caractère distant et dur le rattrapa. Il ne demanderait rien à l'inconnue. Le regard dur, chargé de reproches, car ce territoire n'était pas celui du solitaire, il la fixa. Même si son handicap ne lui permettait pas d'aller bien loin et même si elle ne représentait, au premier abord, aucun danger pour la meute, ici n'était pas sa place.

Il l'examina. Plantant ses pattes bien dans la terre, le regard toujours aussi autoritaire et froid, il grommela :

"Je suis Athos."

Là s'arrêtait toutes les informations qu'il donnait de lui. Athos. Pas de nom de lune, pas de rang, pas de meute. Il était Athos et la louve n'avait pas besoin d'en savoir plus. Par ailleurs, il trouvait que son nom de lune donnait bien trop d'indication sur sa personnalité, visait trop juste.

Il remarqua que la louve n'avait pas l'air très en forme. Elle n'était certes pas maigre à en voir ses os, mais au regard de son poil et de sa stature, il lui semblait qu'elle n'avait pas dû manger depuis longtemps.
Athos posa le blaireau au sol. Puis, il tourna des talons, mais lentement. Il se doutait bien que cela n'allait pas se finir comme ça. Dans le bon sens ou le mauvais sens du terme.

Légèrement énervé. Non en fait carrément énervé ; le loup fit un quart de tour et regarda la louve droit dans les yeux d'un regard dur. C'est vrai. Il lui avait donné le blaireau. Il lui avait donné le blaireau pas parce qu'il avait eu pitié, pas parce qu'il avait voulu qu'on l'admire ou qu'on dise qu'il a le coeur sur la main. Non; il lui avait donné le blaireau à cause de cette maudite patte cassée, cette injustice que cette louve soit blessée quand les autres peuvent courir à leur guise. Il avait vu que ceci n'était pas de naissance, que quelqu'un avait du faire cela. Et c'était de l'injustice pure, qu'elle soit condamnée par la faute d'un autre. Ou d'une autre. Peu importe.

Il ne savait pas pourquoi il était comme ça, mais l'injustice le répugnait et il voulait la combattre à tous prix. Peu importait les risques. Et ceci était une injustice à ses yeux. Cet acte de donner le blaireau n'était donc en aucun cas, pour lui, un signe de gentillesse. Ou même de générosité. C'était pour réparer l'injustice. C'était ce pourquoi il se battait tous les jours. Alors, il esquissa un sourire mesquin; comme pour montrer à la louve qu'il n'avait pas fait sa pour elle mais pour rendre ce monde moins injuste. Il y avait pour lui une différence, même si beaucoup ne la feraient pas. C'était peut être psychologique.

" Je n'ai pas fait ça pour vous. "

Il marqua une pause et regarda la dite patte.

" C'était pour la justice. "

Aussi loin qu'il se rappelle, il avait été un enfant difficile, infernal et ingérable qui; enfant ; refusait de se soumettre à quiconque, même si on en venait parfois à lui mordre la peau du cou. Mais ce qu'il avait toujours déteste était l'injustice. L'être insociable et incontrôlable se serait jeté à la gorge d' un loup qui volait de la nourriture à un enfant. Et ce sentiment s'était même accru avec le temps. Il y avait trouvé sa raison de vivre.
Il le sentait; il le savait qu'il était fait pour cela. Peut être etait-ce dans ses gènes mais il ne pouvait l'affirmer. Il ne se souvenait que très vaguement de ses parents depuis l'accident.

  Il sourit. La jeune louve lui faisait étrangement penser à quelqu'un.  Mais il avait du mal à se souvenir de qui. Quelqu'un  de son enfance, une grande louve de son passé. Brune-noire elle aussi. Il voyait cette image. Une des seules images qui lui restait de son passé. Il ne se souvenait plus du reste. Il se souvient de la voix qui était certainement celle de son père.  Un tête dans la poussière qui le prend par la peau du cou et qui le jette au loin,  évitant au jeune Athos de se faire écraser par un énorme rocher tombé du ciel. Un voix qui lui crie " Cours bon sang cours !! "  il se souvient de la douleur dans sa pattes; lorsqu'il avait couru pendant des heures., sans oser se retourner. Le loup lui avait dit de ne pas s'arrêter. .. Mais il s'était évanoui en pleine course. Et le guérisseur Sekmet l'avait trouvé là,  au pied d'un arbre,  certainement tombé de fatigue.  Le guérisseur avait été une sorte de tuteur pour l'aider à survivre. C'est grâce à ce guérisseur que le jeune Athos avait pu se faire reconnaître en tant que Sekmet. Grâce à lui.

Il écouta attentivement la louve.  Bien qu'elle ait une maigre carrure, elle semblait être tenace.

" D'où viens tu ? "

Il ne savait pas pourquoi il lui demandait ça. Il voulait le demander. C'est tout.

Le grand loup s'était étonné lui même.  Jamais il n'avait posé une question aussi personnelle à quelqu'un. En fait, jamais il ne s'était intéressé aux autres à ce point ! Il n'en avait que faire de leurs petites histoires personnelles à ces pauvres égoïstes ! Mais pourquoi alors la et maintenant il s'en était soucié ? A cause du blaireau qu'il lui avait donné ? Certainement pas. A cause de sa patte cassée ? Mais quel rapport ! Non, bien sûr. C'était à cause de l'odeur.  De son odeur.  De l'odeur de la grand louve brune de son souvenir. De sa voix enchanteresse; à cette grande louve brune du souvenir. Cette louve l'avait marqué à jamais; mais il ne saurait dire pourquoi. Il pensait au plus profond de lui que ça aurait été sa mère.  Ses parents étant morts dans l'accident.  Enfin c'était ce qu'il en avait déduit.  L'accident. Il en revoyait encore des bribes en rêve.  C'était étrange.  Le seul souvenir de son passé était le dernier de ses souvenirs.

Il n'osa pas parler de son passé. Alors sur les paroles de la louve , il resta muet. Il réfléchit.  Sa mère était morte , elle aussi. Et son père l'était certainement, elle aussi.  Une chose l'attirait vers la louve.  Il ne savait pas pourquoi. Elle l'intéressait au plus haut point. Il voulait en savoir plus sur elle. C'était son instinct qui lui dictait d'aller vers elle. C'était comme ça. Il avait l'impression qu'elle était une part de son passé. Elle ressemblait vraiment à la louve de son rêve. ..

Il se souvenait d'elle par bribes. Un mot. Une voix.  Un sourire. Puis un cri lorsque les rochers et les bombes tombèrent du ciel. Il avait entendu dans ses rêves  les os de ses frères craquer. Il ne savait pas si tout ceci était le fruit de son imagination ou si c'était vraiment des souvenirs qui lui revenaient petit à petit. Des souvenirs qui le tour mentait,  qui lui arrachaient le coeur à chaque cri. C'était terrible pour lui de ne pas savoir. 


 

Les yeux dans le vague, le loup songeait. Il était encore plongé dans ses souvenirs lorsque la louve lui posa une question pour le moins étonnante. 

" Est ce qu'on se connaît ? "

A ces mots, le grand loup brun se mit à rire amèrement. Il était certain de n'avoir jamais vu cette louve. Mais il n'avait aucune idée de ce qu'il avait vu avant sa perte de mémoire.  Peut être la connaissait il d'avant l'accident ? Ce trou noir auquel il était confronté était la source de ce rire pour le moins dégoûté et amer. Il ne saurait dire qui il connaissait. Il n'avait aucun nom en tête.  En fait, si. Il avait un nom. Le problème est qu'il ne savait pas avec certitude qui le portait. Plusieurs fois, en songes, il avait entendu le nom "Érendil ". Il l'avait entendu lorsqu il ne rêvait de rien. Lorsque son rêve était fait de bulles de couleurs ou tout simplement d'un grand fond noir. Mais il l'avait aussi entendu sortant dans la bouche de son père, juste avant que celui-ci ne crie à Athos de s'enfuir. Il avait entendu quelque chose comme "Erendil, trouve les enfants !" Ou "sauve les enfants". Des bribes de phrases arrachées au son chaotiques des pierres en éboulement et des os qui se brisent. Jusque là, il n'y avait jamais vraiment réfléchi.  Mais à cet instant précis,  il s'était dit que peut être,  ce nom était celui de sa mère; écrasée par l'eboulement.

La louve semblait intriguée et inquiète à la fois. Les manières du grand loup brun étaient loin d'être communes. Mais Athos n'avait jamais suivi ce qui était commun ou non. Il ne savait pas comment répondre à la louve. Il devait pourtant bien dire quelque chose. Il fallait peut être peser ses mots. Et puis non.  Il parla tout simplement, sans rien planifier. Ce si fut contraire à ses habitudes. 

" J'en doute."

Il fit une pause et ricana, le regard dans le vague:

" Ma mémoire débute à mes huit mois. Je ne pourrais pas vous répondre avec exactitude.  Les seules personnes que je pense avoir en mémoire, ne serait ce qu'un peu, sont mes parents. J'avais des frères de portée il me semble. Mais peut importe.  Erendil et sa famille se sont fait écrasés dans un éboulement causés pas des bombes  dont je suis le seul rescapé. Il y a de cela plus de deux ans.  Donc je pense que vous n'étiez pas encore née. 

Il marqua une petite pause. 


 -Finalement non. Nous ne nous connaissons pas. "

Il avait eu du mal à prononcer le nom qu il supposait être celui de sa mère.  Il s'en voulait d'avoir parlé de son passé. Il détestait cela.  Il s'était laissé emporté.