C'est fou de voir la confiance que me laisse ce pauvre loup, ce pauvre fou. Il se contente de se relever, me faisant comme signe de partir devant. Et si je le voulais, je pourrais m'éloigner et lui trancher la gorge impunément. Mais il me faut une bonne réputation dans la meute Sekmet, sinon c'est pas drôle après.

Je me contente donc de grogner d'un coup sec et de passer en tête. Cela ne me gêne pas spécialement de le soigner (Encore que, j'étais bien moi, couchée à l'ombre, posée.). Mais bon voilà. Ouais, j'ai pas d'excuses.

Bientôt, nous arrivons à la Blessure. Comme je m'y attendais, le chemin s'est fait en silence, à peine en échangeant quelques "à gauche", "par là". Faire descendre l'autre moche ne nous demande pas trop d'efforts. Et nous voilà à l'entrée de ma tanière. Ça m'aurait énervée de devoir rechercher des plantes, et puis ces plantes-là vont finir par pourrir au fond d'une grotte. Avant d'y entrer, mon regard se dirige sans le vouloir vers l'entrée du Bunker, ainsi que la Faille. Dire qu'il y a à peine quelques temps, nous vivions tous ici.

Je m'enfonce dans les ténèbres sans dire un mot. Le tunnel m'est familier. Soudain, je m'arrête. Là, en plein milieu du tunnel. Et si l'autre Sekmet me suivait ? Bon, ça serait marrant qu'il essaie et qu'il se prenne le mauvais embranchement. Puis qu'il finisse cramé dans un filet de lave. M'enfin, j'aurais fait tout ce chemin pour rien. Et ... Ok, hypocrisie, je sais. M'en fous.

« Eh toi là, reste à l'entrée. »
De toutes manières, avec sa plaie bien vilaine, il a déjà du s'allonger en plein milieu et m'attendre patiemment. S'en fiche. Je tends l'oreille un instant, et comme je ne reçois pas de réponse, je reprends mon avancée. J'arrive bientôt là où j'ai déposé mes remèdes. L'odeur du sapin m'emplit les sens. En fermant les yeux (Les filets de laves éclairent la scène d'un bel éclat orangé, feu.) on pourrait se croire en pleine forêt. Je saisis le branchage de conifère sur lequel est collée la sève. Elle n'a encore trop séchée, par chance. Je sors à reculons et reprends mon avancée.

Je sors donc nonchalamment du tunnel et le soleil manque de m'éblouir. Je garde les yeux à demi-fermés, tels deux fentes. Comme je m'y attendais, l'autre s'est déjà assis et m'observe patiemment. Soudain, la réalité me frappe comme un coup de vent. Il faut de l'eau, sinon la sève ne sera pas effective ...
« Attends une minute, je vais chercher de l'eau. »

Vieille taupe. Je me cramponne à ma branche comme à une bouée et m'en vais vers la Nappe Fumante. Elle n'est pas loin, une minute ou deux de marche seulement. Cette idée ne fait que conforter mon choix d'avoir choisi cet endroit pour tanière. Je ne tarde pas à arriver au point d'eau et y plonge la branche enrobée de sève sans attendre. J'y vais petit à petit, l'eau est brûlante.

Quand j'estime qu'elle est assez humide, je repars dans l'autre sens et reviens près du Sekmet. De temps en temps, mon regard s'enfuit vers le Bunker, comme si je m'attendais à ce que Doyle en émerge d'une minute à l'autre et que je puisse lui refourguer l'autre moche. Évidemment, Soupir du Printemps ne sortira jamais alors je m’attelle bien vite à ma tâche. Le guerrier se laisse faire tandis que j'extrais la sève mouillée au bout de ma patte (Eurk.) et que je l'étale sur la plaie.

| Court, sawry. |

Le loup se laisse faire, bon, en même temps, il n'a pas vraiment le choix. Je continue d'étaler ce mélange sève/eau sur sa plaie, et son pelage ne ressemble plus à rien. En remarque, maintenant, le pelage est assorti au loup. Eh ben. Un moment, la sensation collante me pousse à entreprendre une toilette rapide de ma patte. Le goût de la sève est ... Horrible, on peut le dire, et j'abandonne bien vite. Une fois fini et l'autre bouffon parti, j'irai à la Nappe Fumante la nettoyer.

Je vois bien que le loup serre les dents, et ça me rappelle non sans quelque souvenir amer l'attitude d'Isha. Ah, ces mâles. Ça souffre, mais en silence au moins, c'est bien. J'en connais d'autres qui auraient chouiné avant même que je sois sortie du tunnel.
« Hm, au fait, tu ne m'as toujours pas dit ton nom. »
En vrai j'en ai juste rien à faire, mais j'aime pas l'immense silence qui s'installe, et depuis qu'on est là, il n'a pas prononcé un seul mot. Je continue d'étaler proprement la mixture sur sa plaie béante. Comme s'est-il fait ça, sérieusement ... ?

Il hésite un instant, durant lequel je n'ose pas scruter ses prunelles. Il finit tout de même par répondre.
« Hige, chasseur de la meute. »
J'hoche la tête imperceptiblement. Inutile de me présenter en retour, d'un je pense qu'il n'en a rien à faire, et de deux, je crois qu'il le sait déjà. Oui, il m'a appelé par mon nom au camp Sekmet, tout à l'heure. Je soupire.

Une dernière fois, j'examine sa plaie, qui me paraît déjà moins vilaine recouverte d'eau et de sève. Ça ne sent plus l'infection, et du pus commence déjà à suinter. Oui, c'est dégueulasse, je sais.

Alors, devrais-je le laisser rentrer au camp tout seul ou l'accompagner ? Son silence m'exaspère. Et je le vois songeur.
« Bon, ça devrait cicatriser doucement, mais dans une semaine, tout au plus, tu seras sur pattes. »
Je ramasse ma branche de sapin et commence déjà à m'éloigner. Oui, il va se débrouiller. Je fais halte en marchant lentement, attendant un éventuel "merci" ou "au revoir". Ça m'étonnerait, de la part de ces bouffeurs d'ordures, mais j'ai le droit de rêver. Sinon, tant pis, il n'aura qu'à se retourner sans un mot et rentrer au camp. Je m'en fiche.

HRP: