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Cela faisait plusieurs jours que Palladium ne s’était pas remis à la chasse en solitaire. Après le pillage fructueux chez ses ennemis humains, il se sentait plus fort et plus grand que jamais. Il s’était donc octroyé une pause de quelques jours, se reposant sur ses congénères et sur les réserves qu’il avait rapportées à la meute pour subsister. Mais Palladium n’aimait pas rester trop longtemps inactif, et il avait finit par se lasser de se prélasser des heures durant dans la faille de grenat, sanctuaire des Sekmets. N’ayant aucune idée de l’heure qu’il pouvait bien être, il s’était éclipsé et était retourné presque instinctivement vers les chemins d’aération, qu’il savait riches en proies ces temps-ci, et où la chance lui avait toujours plus ou moins sourit.
C’était bien pire que la fois précédente. Les Larmes de Foudre avaient décimé les bouches d’aération qui étaient plus ouvertes que jamais, laissant glisser un filet liquide brûlant et ininterrompu sur le sol devenu boueux. Palladium slalomait entre ces coulées dangereuses. Il allait bientôt falloir changer de terrain de chasse, s’il ne voulait pas finir avec les coussinets carbonisés. Il n’était visiblement pas le seul à chasser en ce jour, dans ce boyau-ci. Dans une crevasse, il aperçut un éclat de fourrure rousse. Immédiatement, le loup se mit en position de traque, et se camoufla dans l’ombre de la paroi. C’était une renarde, concentrée et appliquée sur ce qui semblait être un rat. Palladium freina son attaque. Pourquoi ne pas rapporter deux proies au lieu d’une au garde-manger ? Il suffirait de laisser cette renarde faire son travail, et ensuite de la pourchasser. Palladium avait parfois cette fâcheuse manie d’en vouloir toujours plus. Non content d’une seule belle proie, il préférait prendre le risque de la perdre pour en avoir deux. Stupidité. Comme prévu, la renarde attrapa le rat en quelques secondes et, alors que Palladium se ruait sur elle, elle prit même le temps d’émettre un petit couinement moqueur dans sa direction. A quelques mètres d’elle seulement, le loup brun fut contraint de rebrousser chemin, gémissant sous la vive brûlure qui mordait ses coussinets. La renarde l’avait visiblement repéré depuis un bon moment mais, se sachant protégée par une frontière de terre ayant absorbé les Larmes de Foudre, elle ne s’était pas plus préoccupée du loup que cela. Palladium n’avait pu voir la ruse, puisque la terre était d’apparence sèche devant la rouquine. Quant à elle, la chasse avait été bonne, elle s’en fut par un autre boyau, trottinant tranquillement.
La frustration étrangla Palladium.

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S’il était frustré, le loup brun n’était pas encore découragé. Mais pour éviter ce genre de déconvenue liée aux intempéries, il décida de descendre plus bas dans la galerie, ce qui diminuerait considérablement le nombre d’aération et donc, la présence de Larmes de Foudre dans ce tunnel. Palladium trottina le long du chemin, ne perdant pas de vue son objectif premier toutefois. Pour au moins une fois dans sa vie, il restait concentré sur la tâche à accomplir. Ses problèmes de concentration et de divagations récurrents lui coûtaient nombre de proies. Dans la paroi à sa gauche, soudain, il entrevit quelques brefs mouvements et des projections de terre. Encore un de ces animaux fouisseurs qui ne fait pas attention à ce qu’il fait. Silencieusement, le loup brun s’approcha de la source de son intérêt. Allez savoir, le lièvre qui se trouvait là, sans doute muni d’un instinct de survie hors pair, l’avait en quelque sorte pressenti. Il fusa hors de sa cachette, vif comme l’éclair. Les mâchoires de Palladium claquèrent dans le vide, arrachant à peine quelques poils à la petite queue ronde du rongeur. Le loup brun pesta, et s’élança à la suite du lièvre. L’animal bondissait devant lui, galopant à vivre allure sur la terre meuble. Palladium se demandait toujours comment ces animaux faisaient pour courir aussi vite. Son seul espoir était de tomber sur un cul-de-sac qui bloquerait la course du rongeur. Ses pattes foulaient le sol à grand bruit, et sa respiration devenait haletante. Quand est-ce que ce stupide animal se fatiguerait-il ? Le lièvre semblait encore plein de vigueur, là où Palladium commençait à faiblir. La course s’éternisait. Les poumons du loup brun criaient grâce, et son cœur tambourinait contre ses côtes. Mais il ne pouvait abandonner… Le lapin gagnait du terrain, inexorablement, et c’eût été une folie de croire que le loup pouvait encore rattraper sa proie. Il ralentit progressivement l’allure, jusqu’à s’arrêter totalement. L’abandon ouvrait en lui cette blessure d’amour-propre qu’il ne voulait jamais plus ressentir. Le souffle court, haletant, il tentait tant bien que mal de redonner un rythme normal aux battements violents dont le punissait son cœur. Il s’assit quelques instants pour récupérer.
Décidément, ce n’était visiblement pas la bonne journée pour se mettre en chasse. Palladium s’ébroua et reprit la direction de la faille de grenat. Tant pis, il était fourbu.