La nuit touchait à sa fin, ou du moins Sageeth le pensait. A vrai dire, dans l'état actuel des choses, c'était toujours la nuit. Les loups étaient constamment dans l'obscurité, aussi bien physiquement que dans leurs cœurs. Confinés dans les entrailles de la terre, il tait devenu rare d'observer le moindre rayon de soleil. Les seules lumières qui scintillaient dans ces souterrains, c'étaient des faisceaux de lampes clignotants de manière alternative, ainsi que des torches de temps en temps. Mais le plus dur, c'était pour se nourrir. La moitié des chasseurs étaient affaiblis par cet isolement, et puis les proies étaient rares et difficiles à traquer. Pour couronner le tout, la principale source de nourriture étaient des rats, au sang acide et à la chaire avariée. Sageeth rêvait vraiment d'un bon gros cuisseau de biche, en ce moment.

Le Bras Droit était maintenant arrivé à destination : les souterrains du métro, son nouveau territoire de chasse. Cet endroit était vraiment intéressant à explorer, on ne savait jamais sur quoi on pouvait tomber dans les wagons désertés depuis longtemps. Bon, il avait eu quelques accrochages avec des humains dans les environs, mais ce n'étaient que des détails. Après tout il était encore vivant, et avait toujours sa peau sur son dos. C'est tout ce qui comptait, non ?

Et puis, entrant dans l'une des voitures, il avait trouvé sa proie du jour. Un écureuil se prélassait royalement sur l'une des banquettes. Son regard avait croisé celui du loup, et aussitôt une lueur de reconnaissance avait fait son apparition. Et à la connaissance du danger, le petit animal roux avait détallé sous les sièges. Sageeth s'était alors lancé à sa poursuite, sautant de banquette en banquette agilement, par les dossiers. Et un véritable numéro d'équilibriste avait débuté.

Il était maintenant arrivé au bout du wagon, entre l'écureuil et la sortie. La proie était bloquée, elle ne pouvait plus s'en tirer. Un sourire mauvais s'était dessiné sur ses babines, et il était passé à l'assaut. Le pauvre rongeur n'avait même pas pu réagir, il était enfermé dans une cage sombre, entre les quatre membres du loup d'ébène. Sa peur se sentait, et elle était justifiée.

Mais finalement, au moment de donner le coup fatal, au lieu de rencontrer la chaire tendre, sa mâchoire avait finalement trouvé le néant. Elle s'était refermée dans le vide. Surpris par le mouvement de la bestiole, il avait tenté de la rattraper, mais en vain. Les mouvements du petit animal étaient trop rapides et précis pour le loup, qui s'efforçait malgré tout de suivre l'écureuil. Jusqu'à ce qu'elle réussisse à s'en tirer, et qu'elle traverse la porte du véhicule métallique.

Sageeth était arrivé à la porte du wagon juste à temps pour voir une petite queue touffue disparaître sur le toit. Son visage se déforma dans un sourire, il ne comptait pas lâcher sa proie de si tôt. Prenant son élan, il avait d'abord sauté sur une pile de caisses, avant d'atteindre le toit du train. Il avait alors couru en direction de son objectif, dans l'espoir de refermer la distance entre eux. Et c'est effectivement ce qu'il avait fait.

Après avoir sauté de wagon en wagon, tel un batman dans une série animée, notre ami le loup était maintenant dangereusement proche de son prochain repas. Et lorsque des poils roux frôlaient sa truffe délicate, l'écureuil était finalement redescendu de l'armature d'acier, suivi de son chasseur. Le bruit du loup atterrissant était bien plus fort que celui de la petite bestiole, mais il avait tout de même conservé une certaine grâce dans son saut. Après tout, un stage en souterrain avait tendance à améliorer certaines qualités, à la longue. Et maintenant, les deux animaux étaient partis au fin fond des tunnels dans une course folle, l'un pour remplir son estomac, et l'autre pour sauver sa peau.

Finalement, Sageeth avait mis quelques minutes à attraper la bestiole. Il avait du le suivre dans des terrains assez difficiles d'accès pour un animal de sa posture, et s'accrocher à la course folle dans la quasi-totale noirceur, sans se soucier de la douleur dans ses pattes. Mais enfin il avait atteint sa proie, et avait réussi à lui briser la nuque en un claquement de dents. Et maintenant, il ne respirait plus. Il était mort, prêt à être consommé par une bande de loups affamés.

Et en revenant de sa chasse à succès, le destin lui avait une fois de plus tendu les bras. Sans même chercher, le loup d'ébène avais trouvé un raton laveur, assis sur son chemin. D'abord bouche-bée devant l'incrédulité de la scène, il avait finalement planqué son écureuil dans une pile de décombres proches de lui, pour revenir le chercher en temps voulu. Il s'était donc lancé à la poursuite de l'animal, qui avait entre temps décampé. Pas stupide non plus, le raton ! Mais sa trace était encore très odorante, et le chasseur n'avait pas eu de mal à retrouver sa piste. Courant à toute vitesse, et reniflant à tout va, il se laissait guider par ses sens. Ou du moins, ceux qui lui étaient accessibles, et pas ceux qu'il privilégiait d'ordinaire : l'ouïe et l'odorat. C'était vraiment déstabilisant d'être privé de sa vue, en fait. Et à cet instant, son admiration pour la louve aveugle de la meute, Helya, avait grandi.

Lorsqu'il avait retrouvé sa proie, elle était planquée sous une locomotive. Sageeth avait alors essayé de la déloger à coups de pattes, mais il n'avait récolté qu'une morsure qui l'avait fait gémir. Et puis, la bête avait changé de cachette, sous le regard attentif du loup. Slalomant entre les voitures, ce dernier suivait avec intérêt tous les déplacements de sa proie. Mais sans pouvoir l'attraper. Il était toujours retenu par un quelconque obstacle.

Et puis, il avait eu cette idée. Se maudissant mentalement pour ne pas y avoir pensé plus tôt, il avait bondi sur le toit du train. Et d'ici, il avait été en mesure de suivre tous les pas du raton laveur, complètement à l'oreille. Sa respiration était forte, ses pas lourds et son coeur affolé. Tout le contraire du loup de charbon. Et se déplaçant en hauteur, en veillant à ne pas émettre le moindre son trahissant sa position, Sageeth avait enfin pu sauter sur son objectif, alors qu'il ne s'y attendait pas. Et de cet effet de surprise, il avait réussi à se saisir de son cou, et lui trancher la jugulaire.

Retournant à l'endroit où il avait caché son écureuil, le Bras Droit avait finalement pu regagner fièrement son camp, avec deux proies à ajouter au garde manger.

Pas à pas, tu te diriges vers ton nouveau territoire de chasse. Ton allure est lente, tu rumines intérieurement. Mais quelles sont ces idées noires, ancrées bien profondément dans ta tête de mule, que tu rumines avec tant de passion ? Bien sûr, c'était pourtant évident. C'est Skull, qui est à l'origine de ces sombres pensées. Qui d'autre sinon ? Le traitement qu'elle vous a infligé te met hors de toi, même si tu t'efforces de rester digne et calme auprès des tiens. Tu tentes de faire bonne figure, de ne pas montrer ton anéantissement aux autres. Mais surtout, tu souhaites essayer de manipuler la femelle, dans le but de sauver ton alpha déchue. Mais seulement, y arriveras-tu ? Seras-tu capable de résister aussi longtemps qu'il le faudra ? ... Auras-tu les épaules assez larges pour soutenir tout ce poids qui semble s'être effondré sur toi si brutalement ?

Mais ton cheminement de pensées est stoppé à la seconde où tu entends une respiration saccadée. Tu t'arrête immédiatement, te transformant soudainement en un fantôme : ta fourure noire se fond dans l'obscurité envoûtante, ta respiration ralentit au maximum, et même ton coeur semble battre au ralentit. Et puis, tu tends l'oreille, à l'affût de la moindre piste. Il est là, tu l'entends. Un battement de coeur. Quelque chose vit ici, en dehors de toi, et sa peur n'est qu'à peine dissimulée par l'air pollué des environs. Truffe au sol, tu traques la bête inconnue jusqu'à une paire de rails défoncés, où tu trouves -caché derrière une pile de caisses de bois- un blaireau. Et vos regards se croisent. Pour la discrétion, Colosse, et bien c'est loupé ! Il ne te reste plus qu'à courir après l'animal qui a déjà pris la fuite !

Réagissant au quart de tour, tu es maintenant lancé à une allure rapide, dans les traces de l'animal. Il est rapide, mais tu l'est bien plus, et tu ne tarderas pas à être sur lui. A pas de géant, tu courses le blaireau, tes yeux couverts par un voile sombre : celui de la faim, de la soif de sang. Tu imagines déjà la saveur qu'aura son hémoglobine lorsque tu enfonceras tes crocs d'acier dans sa chaire tendre. Tes foulées sont de plus en plus rapides, parce que tu sais que tu gagnes du terrain sur l'animal, dans les entrailles des tunnels désaffectés. Ton coeur commence à s'emballer de l'effort, mais tu ne ralentis pas pour autant.

Et là, il est à porté de pattes. Le blaireau est devant toi, tu n'as qu'à bondir en avant, et tu l'auras. Mais lorsque tu t'élances et que tu es censé atterrir sur la masse fragile du blaireau, tu te trouves atterrissant sur ... Rien. Seuls les grains de poussières passent entre tes griffes acérées. La bestiole a viré dur la droite au dernier moment, franchissant une palissade que tu n'avais pas vue, par un petit recoin. Maudissant intérieurement la vermine, tu vires toi aussi à gauche.

Bon, il est inutile de réfléchir pendant quatre heures, il paraît logique que tu ne passeras certainement pas par le petit trou qu'a emprunté le blaireau. Tu es bien trop gros, bien trop grand. Bien trop musclé. Oui, des muscles : c'est ça qu'il te faudra utiliser, en plus de ta "grâce" naturelle, si on peut dire. Ton regard se lève sur la palissade, jaugeant l'obstacle. Et bien, tu sais maintenant ce qu'il te reste à faire pour attraper ton festin.

Tu recules de quelques pas, afin de prendre de l'élan. Et entre deux battements de coeur, tu t'élances à vive allure, en direction de l'immense planche de bois. La première fois que tu sautes, le haut de l'obstacle t'échappe de peu, et tu retombes douloureusement d'où tu viens. Mais tu n'abandonnes pas. Et effectivement, la seconde fois où tu sautes, tu parviens à t'agripper en haut de la palissade avec tes pattes avant. Accroche-toi, Colosse, tu n'es plus qu'à quelques mètres de ton objectif ! Et utilisant tes pattes arrières, tu parviens après quelques minutes à retomber de l'autre côté du mur de bois. Atterrissant, ton souffle se coupe dans l'effort passé. Mais tu relèves très vite la tête, un sourire narquois déformant tes traits. Le blaireau est en face de toi, et sa surprise ne t'échappe pas. Cette fois, tu ne lui laisses aucun répit, et lui bondis dessus en une fraction de seconde, t'emparant de son cou délicat avant d'y enfoncer tes crocs.

Ta chasse a porté ses fruits, tu as un nouveau repas à apporter aux Sekmets ... Et à la Horde.

Aujourd'hui, Sageeth était de bonne humeur. Oui oui, il était content, ce n'était pas un mensonge ! Pourquoi ? Et bien, faut-il vraiment une raison pour rendre son personnage content ? Pour qu'un loup ressente un peu de joie ? Bon, je vous accorde un point : quand le loup en question est aussi buté que Sageeth, aussi ronchon que le Colosse Hurlant et aussi dramatique que le Bras Droit, cela peut porter à confusion. Et bien, la vraie raison à sa joie, c'est qu'il n'y en a pas. J'avais simplement envie de changer pour une fois, et vous surprendre ... Bah ... TADAHH ! Mais pour le bien de la suite de cette histoire, nous allons supposer que le loup d'ébène était pour une fois dans sa misérable vie content, et ce pour une raison inconnue. Sa bonne étoile, autrement dit moi, lui aurait finalement donné un peu de réconfort.

Marchant à pas dansants, il s'était dirigé vers les souterrains du métro, comme à chaque fois qu'il voulait chasser en intérieur. La météo disons ... désastreuse l'empêchait de chasser dehors, et de toute façon il n'y avait plus de proies. Mais ici, on pouvait sans difficultés lui donner le titre de dératiseur. Oh, mais ne riez pas, ce n'était pas à prendre à la légère : chasser un rat peut s'avérer bien plus casse-sabots qu'on ne le pense ! D'accord, c'est carrément emmerdant, ces sales petites bestioles dégueulasses à manger et qui se faufilent dans tous les recoins lorsqu'on veut les chasser. Je ne parle pas de mon expérience personnelle, ne vous en faites pas, simplement de l'expérience de mon personnage. Parce que je peux vous jurer qu'avec les rats, je lui en fais baver !

Et en parlant de rat, il venait justement de tomber sur l'un d'eux. Bon, pas physiquement, mais métaphoriquement parlant, sinon ça serait trop facile. Le rat aurait été étouffé sur le coup, et je n'aurais plus rien à raconter. Ah, mais ne serait-ce pas mieux ? Bref, ne nous écartons pas du sujet, si Sageeth sent qu'il n'est plus le centre de l'attention, il risque de piquer une crise.

Une fois que le rat s'était échappé, à la menace tout sauf discrète du grand méchant loup qui rôde, Sageeth s'était lancé à sa poursuite -bah oui, il va pas rester planté là tout de même !-. Slalomant dans un premier temps entre les décombres du sol, les roches qui dépassent et les locomotives arrêtées, ça c'est pour l'agilité, la course contre le rat l'avait conduit dans une voiture. Le rat pensait s'y cacher, mais c'était sans compter sur les sens ultra-développés du ténébreux. Bon, il avait une truffe, n'en faisons pas tout un plat. Bondissant gracieusement dans le wagon, toujours pour l'agilité, le loup avait alors sondé le contenu de l’habitacle à la recherche de sa petite victime. Il l'avait trouvée assez rapidement, sous la première rangée de sièges. Sautant en avant, il n'avait pourtant pas été assez rapide pour chopper le rongeur ... mais assez rapide pour se coincer -touche comique du récit-. Maudissant intérieurement sa situation -et sa créatrice-, il s'était rapidement retiré du piège, pour franchir la banquette par le dossier. Retrouvant le rat un peu plus loin, il s'était de nouveau lancé à sa poursuite. Mais cette fois, il avait réfléchit, et c'est sa patte qui était passée sous les sièges, à la place de sa tête ... Pour en récolter une morsure. ET puis, le rat avait pensé, avait espéré plutôt, lui échaper en changeant rapidement d'abris. Mais non, l'agilité du loup d'ébène était sans limite, et il avait réussi in extremis à lui attraper la queue. Il était maintenant à sa portée, il ne pouvait plus fuir, et ce malgré ses multiples -et vaines- tentatives. Et sans attendre son reste, les blancs crocs du noble animal -ça c'est la touche poétique- avaient fondu dans la chaire du rat. Notre ami Sageeth avait un nouveau rat à ajouter à sa collection.

Un doux ronronnement remplit mon environnement. Mais ce ronronnement n'a rien d'inquiétant, au contraire. Il est apaisant quelque part pour moi, avec la familiarité qu'il a acquis dans mon coeur durant ce dernier mois. C'est le bruit qui berce mes pas à chaque fois que je viens chasser dans les vieux tunnels abandonnés.

Cette fois, je suis sur les traces d'un animal depuis un moment, tentant au maximum de dissimuler ma présence. Mon coeur tourne au ralentit, et ma respiration est plus calme que jamais. L'animal que je piste depuis des lieues, c'est une sorte de rongeur j'en suis persuadé. Oh, pas un rat non, quelque chose de bien plus frais, plus appétissant, si bien que j'en salive déjà. Un lapin peut-être, ou bien même un lièvre, je ne sais pas encore. Je sais simplement que dès que je le trouverai, il ne sautera pas plus longtemps.

Et effectivement, c'est un lapin que je finis par trouver, au bout de ma piste. Il ne semble pas encore m'avoir vu, à en juger par sa sérénité que je sais éphémère. Me réjouissant de mon pelage de charbon, je me cache derrière une voiture, assez proche de ma proie mais pas assez pour me faire repérer. Et bien, voilà enfin un animal comme j'avais l'habitude de chasser, lorsque nous étions encore à la surface ! M'assurant être dans le dos de l'animal, je décide enfin à m'approcher, à pas de velours, tel un félin. Un gros félin. Je rampe ventre à terre, je progresse doucement dans l'ombre. J'y suis presque, bientôt je pourrai enfoncer mes crocs dans sa chaire si appétissante.

Mais au dernier moment, il tourne la tête, et se trouve noyé dans mon regard de sang. Je réagis rapidement en lui sautant dessus avant qu'il ne s'échappe, mais il est déjà trop tard. Ce n'est pas pour autant que j'abandonne. Je ne suis pas un lâche. Et alors, la course poursuite entre le loup et le lapin est engagée.

Mes foulées sont grandes, mais visiblement pas assez pour rattraper ma proie. Je cours, bien conscient de mon environnement. Ma vue se trouve entravée par l'obscurité, si bien que je dois me concentrer sur mes autres sens. C'est quelque chose que j'ai plutôt bien développé au fur et à mesure de mes chasses en souterrain. Jamais je n'aurais pu acquérir de telles qualités à la surface, si bien que cela me surprend toujours. Mais là n'est pas la question. Je continue à courir, aussi vite que je le peux. Mes pattes commencent à me tirer, mais je ne veux pas lâcher prise, oh que non ! Pas si près du but ! Et alors, au même instant que cette pensée traverse mon esprit, une réserve d'adrénaline semble se relâcher en moi, et réaliser son chemin dans tous mes muscles, se propageant rapidement dans mon sang. Et c'est ainsi que mon allure augmente considérablement d'un coup, et que j'atteins mon objectif. Et en un saut, j'arrive finalement à attraper le lapin, aussi surpris que terrifié. Mais cette fois, il ne peut plus partir, et je décide d'abréger ses souffrances au plus vite.

Une nouvelle proie vient de s'ajouter à notre garde manger.