Accélérant le pas, je vis se dessiner à l'horizon les bâtiments vers lesquels je m'étais dirigé par instinct. Je savais qu'ils pourraient nous offrir suffisamment d'abri pour qu'on puisse se réchauffer mutuellement et, surtout, sécher. La pluie nous avait trempée jusqu'aux os et nos duvets volumineux n'étaient plus que réduits à zéro, collés contre notre peau. Durant le trajet, Alkaïne s'était pressée derrière moi, certainement de peur de me perdre. Son attitude me faisait doucement sourire. J'avais beau être très affectueux, elle me touchait énormément. Et pas que dans mon estime. Je l'appréciais beaucoup plus que je l'imaginais et, parole de louveteau, je veillerai sur elle les prochains mois, peut-être même années si elle ne trouve pas mieux que moi. C'est vrai, nous sommes jeunes tout les deux, si ça s'trouve, elle va tomber amoureuse du prochain mâle qui lui fera les beaux yeux.

Remontant doucement le menton, j'humai l'air pour vérifier qu'il n'y est que nous avant de pénétrer dans une usine encore intacte. Je fis rapidement signe à la femelle de me suivre, jugeant que nous étions en sécurité. Une fois à l'intérieur, je m'empressai de me blottir contre elle pour lui faire profiter de la chaleur qu'émanait de mon corps pour la réchauffer. Non, non, je ne comptais pas en profiter. Quoi que... Si ça pouvait nous servir aussi...

« Tu ne crains rien, je te le promet. »

Voilà que je jouais les protecteurs. Mine de rien, notre rapprochement m'avait fait un peu grandir et dévoiler une facette de moi que je ne connaissais pas encore. Ou que je n'avais pas eu l'occasion d'emprunter. Il était loin désormais l'Echo des Âmes naïf qu'on traîne comme on veut à ses pieds hein !

Mes yeux ne cessèrent d'observer les alentours. Il ne fallait pas qu'un de ses maudits bipèdes nous tombe dessus. Je ne voulais plus être séparé d'Alkaïne. Ce serait trop rapide. À peine avions nous eu le temps de nous connaître et d'avoir des attachements réciproques que le hasard viendrait s'en mêler. Je secouai ma tête, chassant ses idées sombres. Je devais me concentrer sur la petite louve qui était blotti contre moi. Elle était plus fragile et jeune que moi, j'avais presque un rôle de grand frère, même si c'était plus celui de l'amoureux protecteur. Tout en lui posant un regard doux, je répondis à son sourire par un autre, plus enjoué. Je sentais qu'elle avait peur, mais je ne devais pas le prendre en compte. Si nous succombions tout les deux à ce que nous ressentions, on ne serait jamais entrer dans cette usine pour nous abriter, nous aurions préférés fuir à toutes allures. Je gonflai mon poitrail, essayant de tempérer l'angoisse qui rythmait les battements de mon cœur.

« Dis-moi, tu as des parents, des frères et sœurs ? »

J'optai pour la meilleure des solutions à notre panique : la discussion. Je savais qu'en parlant, on arriverait à penser à autre chose, l'espace de quelques minutes. Et ça nous permettrait d'en apprendre plus sur l'autre. Doucement, je me mis à souffler sur ses poils, attendant sa réponse. Nous n'avions pas encore abordés les réelles questions sur nos vies, c'était peut-être l'occasion aujourd'hui.

Son affolement ne m'échappa pas ni même les battements brutaux de son cœur. Nous étions tout les deux dans la même situation, même si ma fierté m'empêchait de le montrer. Je lui donnai un faible coup de museau près de son épaule, lui apportant mon réconfort. Le lieu semblait la traumatiser, mais nous n'avions pas d'autres options. Je ne pouvais pas me permettre de risquer nos vies à l'extérieur juste parce que là où nous nous trouvions, nous risquions quelque chose.

D'un coup, elle me fit de nouveau face avec sur sa joue, une trace désormais sèche. Ma question l'avait-elle, elle aussi, déroutée ? Alkaïne semblait être quelqu'un de particulier, incompréhensive. J'avais déjà remarquer son fort tempérament, mais je ne m'avais pas imaginer qu'elle soit si complexe.

« Eh bien, j'ai un frère, du même âge que moi, et je l'adore, vraiment, même si il m'énerve des fois. Ensuite bah j'ai un père, fils de Empress, donc prince. Et en dernier, j'ai une mère...mais...elle a été capturé par les...chasseurs.... Et toi? De la famille? »

Je compris alors pourquoi elle était aussi chamboulée. Sa mère était retenue captive, quelque part, sur nos terres. Instinctivement, mon menton se posa à nouveau sur elle, l'obligeant à se serrer contre moi. Je pouvais comprendre ce qu'elle ressentait à cet instant.

« J'ai une mère et un père. Pendant longtemps, j'ai cru les avoir perdus, mais la Guerre m'a permis de les retrouver. »

Certains diront que c'est un mal pour un bien. Sauf que j'aurai préféré tout de même les retrouver sur un autre terrain plus neutre.

Une petite lèche vint mouiller mon front que je lui rendis. Je tenais à elle bien plus que je l'imaginais, bien plus que je ne pouvais le définir. Elle m'apaisait et me rendait meilleur. J'avais l'impression d'être un bon loup avec elle, soucieux et bienveillant. Loin du visage enjoué que je portai la plupart du temps avec les autres. Elle me donnait un sentiment de maturité que je n'avais jamais eu jusqu'à lors, elle me faisait évoluer. Je commençais à devenir un adulte, même si cela faisait quelques mois que j'arpentais les terres où je passerais ma vie toute entière. Peut-être que c'était ça, le but de la vie. Peut-être devrions-nous grandir et vivre à notre rythme au fil des jours et saisons, avec ceux que nous aimons. Je portai à nouveau mon attention sur ma louve, un léger sourire aux coins des lèvres.

« Dis-moi, tu le vois comment ton futur. »

Sur le coup, sa question m'étonna. Puis, je ne mis pas longtemps à réfléchir, ayant déjà la réponse. Je ne portai à aucun instant mon regard vers l'extérieur, trop occupé à fixer les yeux particuliers de la femelle.

« Lorsque je serai grand, je deviendrai une sentinelle. J'essaierai d'être le meilleur en optimisant mes sens et ma connaissance de nos terres. Je veillerai sur les nôtres, surtout sur toi. J'espère qu'on ne s'arrêtera pas là et que nous évoluerons ensemble au sein de notre meute. Je suis quelqu'un de fidèle, Alka, et même si je suis encore jeune, je ne pense pas que j'irai voir les autres femelles temps que tu seras là. Notre avenir nous appartient, mais tu es la seule à avoir les clefs en main pour nous. Je te suivrai où tu iras. »

Je ne m'étalai pas plus et n'envisageai aucun "mais". Notre relation était à son début, mais je savais déjà comment je réagirai, m'étant préparer depuis longtemps déjà. Mais peut-être était-ce que des rêves enfantins et que je tiendrai pas parole. L'avenir nous le dira ainsi que l'âge.

Message effacé suite à une fausse manip.

S'apercevant que nos corps n'étaient plus mouillés, une idée me vint tout de suite en tête. Je me décalai un peu de l'étreinte corporel d'Alka pour diriger mon regard vers la sortie de l'Usine dans laquelle nous nous trouvions. Fallait pas qu'on reste planter ici avec un pareil danger. Qui sait, les hommes étaient peut-être entrain de nous surveiller dans la pénombre du bâtiment sans que nous le sachions...

« On devrait profiter de l'accalmie pour sortir. »

Maintenant que nous savions ce que nous ressentions l'un envers l'autre, il était peut-être temps de nous accorder un moment pour nous concentrer sur notre meute. J'appréciais sa compagnie, mais j'aimais également ma liberté. Lui donnant une petite lèche sur son visage, je me dirigeai vers la sortie. Je savais que nous nous reverrons bien assez tôt. Je lui en faisais la promesse.