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Je me demandais comment mes vieilles pattes avaient réussi à tenir le coup jusqu'à maintenant. J'avais traversé les terres d'AFF d'une traite, explorant, à la recherche de quelque chose. De quoi? Je n'en avais pas la moindre idée. D'une découverte, d'une nouvelle rencontre... D'une nouvelle rencontre? Si si. Vous avez bien entendu, ces temps-cis, l'envie de faire de nouvelles rencontres lupines me tenaille. Aussi asociaux soyez-vous, après des années à repousser tout contact avec vos congénères, on commence à se sentir légèrement seul. Et c'est lorsque tu te surprends à parler tout seul à haute voix, à parler à des roches, des cailloux, ou bien à un petit et rare brin d'herbe que tu te rends compte que tu as vraiment besoin de voir des gens, avant de totalement perdre la boule.

Mon estomac gargouillait de plus en plus fort, mais même dans cette longue traversée je n'avais rien trouvé à me mettre sous la dent. Rendus en été, les proies devraient être abondantes et bien grosses, les chasses devraient être fructueuses, mais tout ceci n'était qu'un vague souvenir dans ma vieille mémoire, et pour les plus jeunes, ce n'était qu'une blague, une vulgaire plaisanterie dont il ne fallait pas en rire.

Les paysages se ressemblaient tous. Les reliefs des montagnes au loin, hors des terres d'AFF, se transformaient ici en petites collines rondouillardes, sur lesquelles, il n'y avait que quelques semaines de cela, poussaient les derniers brins d'herbe. À présent, tout était recouvert de cendres grises, comme un manteau de neige toxique qui recouvraient à présent presque chaque parcelle des terres que j'avais traversées. Les odeurs étaient bousillées par la cendre qui nous détruisait le museau, les saveurs avaient tous le même arrière-gout fade quoiqu'un peu amer… Même l'eau était devenue encore plus imbuvable à cause de cette neige grisâtre. Et le pire à propos de ces minuscules flocons, c'était qu'ils n'avaient même pas la capacité de nous rafraîchir; à la place, ils nous plongeaient encore plus profond dans la chaleur étouffante de l'enfer qu'était devenu ces terres.
Je rentrai enfin sur mon territoire, celui des Verts. Je marchai lentement, toute ma concentration rivée sur mes pattes. Avancer patte avant droite, la poser. Avancer patte arrière gauche, la poser. Avancer patte avant gauche, la poser. Avancer patte arrière droite, la poser. Avancer… Toujours en encore la même chose. Mais si je ne me concentrais pas sur ces mouvements si anodins, je ne savais que trop bien que je finirais par m'écraser au sol. Ma vieille blessure à la patte arrière droite me retardait depuis longtemps, une douleur aiguë qui s'intensifiait au fur et à mesure que j'avançais. Saletés d'humains.

Marchant dans les collines escarpées, je me concentrai à ne pas tomber dans les trous causés par les bombes, je relevai la tête, apercevant les fondations de la cave soufflée. J'accélérai le pas, pressée de pouvoir enfin me reposer. J'entrai à l'intérieur de celle-ci, examinant. J'humai l'air, essayant d'analyser les odeurs, autres que celle de la cendre. Je sus reconnaitre un effluve de loup, plus précisément celle d'un Sekmet. Je grimaçai. Pas que je n'aimais pas les autres meutes, mais là, il était sur le territoire des Esobek. Je m'assieds restant sur mes gardes, fixant la tache sombre qui était couchée dans un coin. Ma voix douce et calme trancha le silence.

-"Qui êtes-vous?

Assise dans un coin des fondations de la cave sombre, je fixai ce point sombre, qui, en fait, s'avérait à être une louve blanche. Pas aussi blanche que moi, certes, mais elle était... Blanche. Mes yeux commencent à me jouer des tours , pensai-je. Mon odorat était brouillé par la cendre, mon goût lui aussi brouillé par la même m*erde chose, et ma vue commençait à perdre de son efficacité. Au prochain de mes cinq sens qui était affaibli, je ne donnerais pas cher de ma peau.

Je l'observai calmement. Elle m'avait l'air plutôt massive et musclée sous son épais pelage blanc, mais pas plus grande que moi. Je vis deux billes marron me scruter dans la noirceur. Me scruter comme si elle attendait quelque chose de moi. Puis je me souvins de ce qu'elle m'avait demandé quelques instants auparavant : -" Atom. Et toi?

-" Oh euh… Edernya. Je me nomme Edernya Exil d'Incertitude. Tu… ne dois pas avoir beaucoup entendu parler de moi, je te l'avoue…

Malgré ce petit moment de maladresse, il ne semblait pas y avoir de malaise entre moi et elle. Nous nous regardions, sans rien dire. Elle ne m'avait pas l'air menaçante, malgré le fait qu'elle soit une Sekmet, et, selon sa taille et sa musculature, ni plus ni moins qu'une guerrière. Quoi? Ce n'est pas de ma faute si j'aime bien rire des gens en me basant sur des stéréotypes! Je me couchai lentement, mes vieux membres me faisant souffrir, mais gardai la tête relevée, l'observant un moment, avant de finalement m'affaisser, la tête appuyée sur mes antérieurs croisés.

-" Si ton but était de me provoquer en te balladant librement sur le territoire de ma meute, saches que j'en ai rien à faire de ces affaires de meute ou de territoire.

Il vallait mieux clarifier les choses tout de suite. Suceptible, moi? Non. Disons juste que je m'étais habituée au caractère de l'autre meute.