Tu poses une patte sur le sol froid. Puis la seconde. Tu souffles bruyamment, continuant ta marche monotone, sans fin, sans but. Tes yeux se dirigent vers le ciel, brumeux, nuageux. Tu n'aimes pas cette vision du monde, délabré, dévasté. Tu aimerais crier ta rancœur, mais depuis longtemps tu te retiens. Ton seul espoir, c'est de devenir une espionne. Une grande espionne. Ta curiosité te pousse à vouloir toujours tout connaître, tout explorer. C'est une des raisons pour lesquelles tu as choisis cette voie. Aujourd'hui, tu as décidé de sortir un petit peu, découvrir le monde. Pourtant, ton humeur n'est pas là. Ton cœur se serre par intervalle réguliers. Non pas pour pomper ton sang jusqu'à tes autres organes, non, ça ton cœur le fait depuis longtemps, si longtemps que tu serais incapable de le sentir. Cette petite pique de douleur, elle vient de tes pensées, celles qui se tournent bien trop souvent vers la tristesse d'une perte. Depuis qu'il a disparu, tu es triste, et vide de toute émotion. Vous étiez fusionnels, inséparables, joueurs. Tu étais câline, aimante, aimable et adorable. Ce temps est révolu. Toute cette bonté est partie avec lui. Tu soupires doucement, tes yeux gris fixant toujours le ciel.

« J'ai besoin de toi ici. Pourquoi m'as-tu abandonnée ? Je ne sais plus quoi choisir, quoi penser, que faire. Ma vie n'a nul but. Nous avions des projets des envies ! Comment devenir espionne, qui était ton souhait, lorsque le mien était sentinelle ? Moona-Sô, où que tu sois, j'ai besoin de toi. »

Chaque pensé pour ton défunt frère est une blessure qui s'ouvre, sans cicatriser. Tu ne voulais pas choisir cette formation, non. Tu es curieuse, oui, alors tu t'accroche à ça. Mais la réalité, c'est que ton frère rêvait nuit et jour d'explorer les territoires lointain, de suivre les meutes adverses sans jamais se faire voir. Lui, il aurait été formidable pour cette formation. Toi, tu as peur ne pas réussir. Peur de ne pas être à la hauteur. Tu n'as ni sa force, ni son courage. Seulement de belles paroles en répartie. Oui, tu es endurante, et agile, mais ça ne fait pas tout. Un louveteau de cinq mois pourrait te mettre à terre en combat de force. Tu soupires à nouveau, et t'assois sur le sol froid, baissant tes yeux vers tes pattes. Tu as grandis, tu n'es plus celle d'avant, celle qui vivait avec son frère et sa mère. Tu n'es plus cette petite, non. Tu grandis. Bientôt tu auras passé tes un an, tu n'auras plus le droit de te laisser submerger par ce chagrin.
Un bruit au loin t'arrache avec difficulté de tes sombres pensées. Tu relèves la tête lentement, et tu aperçois une silhouette. Le vent ne va pas dans ton sens, et tu ne peux reconnaître cette ombre de par son odeur. Tu ne bouges pas, tes sens en arrêt, laissant la silhouette s'avancer à pas lent.