Je cavalais sans réel but depuis plusieurs jours. Je sentais mes pattes perdre leur vigueur et mon s’affaiblir à force de galoper sans ma nourrir. Le soir tomba peu à peu sur la terre, plongeant les bois dans une pénombre rassurante. Je filais ventre-à-terre en me confondant avec la nuit. Seuls mes yeux d’un bleu translucide trahissaient ma présence en scintillant dans l’obscurité. Maintenant, je courais vers la rivière noire, comme j’aimais l’appeler. Ces temps-ci, j’avais repéré l’odeur particulière d’une vagabonde qui passait beaucoup par ici. Mon flair entraîné avait décelé un fumet intriguant mêlé à celui de la louve et, ma curiosité piquée à vif, je m’étais mis en tête de la rencontrer. Les minutes s’écoulaient et je me rapprochais de la rivière noire. Je modérais l’allure en passant en mode discret, louvoyant entre les buissons et m’arrêtant régulièrement pour lever la truffe aux vents. La brise fraîche du soir m’apporta bientôt son parfum. Je trottinais dans sa direction et stoppais net à la lisière des bois. De là où j’étais tapi, j’avais une vue d’ensemble sur le fleuve figé. Au centre de celui-ci, assise sur une carcasse de monstre d’acier, elle était là. Une fine louve blanche au poil brillant fixait le ciel en palabrant toute seule. Ne prêtant pas attention à son discours, mon ouïe experte capta plusieurs fois le mot « maman » et je le mis dans un coin de ma tête. Je n’eus pas le temps de penser d’avantage car la louve au pelage immaculé bondit gracieusement au pieds de son promontoire et s’éloigna au petit trot en longeant la route. Je devais l’interpeller. Soudain, pris par une subite envie je me jetais vers elle et traversais le chemin éventré en rasant le sol. Mon attaque fut si rapide qu’en quelques secondes je la renversais par terre et la dominais en appuyant mes antérieurs sur sa poitrine. J’avais un air curieux et je la scrutais sans animosité.

« Ton odeur est vraiment étrange, déclarais-je sans détour. »