Reaven se retrouvait encore une fois obligé d’échanger son métier de sauveur de vie pour celui de Chasseur.

Mais cette fois-ci, l’activité serait plus difficile qu’à l’accoutumée. Après leur déménagement forcé par les pluies, le voilà obligé de chasser sur des terres qui lui sont peu familières, et bien hostiles à la vie, qui plus est.

Le Chasseur éphémère sortit lentement de la crypte Esobek, assailli par la chaleur étouffante de la brume evironnante. S’il voulait chasser correctement, il devrait quitter la Ville en Ruines.

Il suivit la route principale. Chaque inhalation de la brume consumait sa trachée et ses poumons, chaque mouvement brûlait un peu plus ses muscles. Mais il continuait. La Meute avait besoin de lui, besoin de nourriture, et il n’allait pas laisser tomber. Reaven s’évertuait à continuer, haletant pour tenter de se refroidir, ne serait-ce qu’un petit peu.

La brume finit par s’amincir petit à petit, et Reaven pu respirer de nouveau à plein poumons. Une fois totalement sorti de la brume, il prit un moment pour se rafraîchir et savourer l’air frais, jusqu’à-ce que la brûlure de sa trachée se soit calmée. Il se retourna alors et contempla la Ville plongée dans l’énorme nuage orangeâtre, qui l’empêchait de voir à plus de quelques mètres. Il devrait par la suite faire le trajet en sens inverse, fatigué, et avec une proie à transporter qui plus est.

Il soupira et regarda de nouveau devant lui. En face de lui s’étendait l’autoroute éventrée, vaste étendue de goudron sur laquelle serpentaient des failles et se creusaient des cratères de taille variable. A sa connaissance, peu d’animaux vivaient normalement dans les environs, si ce n’étaient quelques reptiles. Mais les charognards étaient au rendez-vous ces jours-ci, se délectant des animaux affaiblis ayant fui la Ville alors qu’il était déjà trop tard. Avec un peu de chance, Reaven pourrait en attraper l’un ou l’autre.

Il grimpa sur le flanc d’une voiture renversée et examina les alentours, sens en alerte.

Les minutes passèrent lentement, mais le paysage restait inerte. Aucune odeur de nourriture ne venait chatouiller les narines de Reaven, et ses yeux ne captaient aucun mouvement. Tout semblait mort par ici.
Après encore quelques dizaines de minutes silencieuses, Reaven décida de changer de poste d’observation. Il descendit de la voiture et s’avança sur l’autoroute, jusqu’à une plaque de bitume soulevée en pic par des bombardements. Le loup escalada la plaque et se tint en équilibre sur le bord, de nouveau aux aguets, scrutant l’horizon de ses yeux d’émeraude.

Cette fois-ci, il eut plus de chance. De là où il se trouvait, il pouvait voir au loin des taches noires tourner en cercles dans le ciel : des vautours, ou d’autres oiseaux charognards. Ils tournaient certainement autour d’une carcasse.

Reaven sauta de son promontoire et trottina rapidement dans la direction des charognards. Les taches prirent bientôt la forme de vautours, puis il put distinguer leurs couleurs. Deux vautours plongèrent vers le sol et disparurent derrière un amas de rochers.

Le loup finit par arriver à hauteur des rocs et grimpa tout en haut de la formation rocheuse. Il put alors voir, quelques dizaines de mètres plus loin, une dizaine d’oiseaux différents se disputer avec un couple de coyotes pour une carcasse presque vide.
Reaven se fit la réflexion qu’il n’avait jamais mangé de coyote. En même temps, ces petits canidés avaient un odorat presque aussi poussé que celui des loups. Il n’avait aucune chance d’en attraper.

Il observa un moment la scène. Un coyote bondit soudain, fatigué de ces visiteurs qui n’avaient de cesse d’essayer de leur voler leur repas, et mordit un vautour à la cuisse, qui lança un cri effroyable avant de s’envoler. Reaven eut alors une idée pour attraper quelque chose à se mettre sous la dent.

Les coyotes allaient l’aider sans le savoir.

Le Chasseur provisoire descendit agilement de l’amas rocheux et s’approcha prudemment, face au vent, caché dans un tas de broussailles, de la réunion de charognards. Il s’approcha jusqu’à arriver au bord du champ de broussailles, et se figea alors. Tous ses muscles étaient bandés et il était prêt à réagir à n’importe quel instant.
Ce qu’il attendait arriva alors : un coyote s’écarta de la carcasse pour chasser un corbeau trop insistant, qui sautillant alors dans la direction de Reaven en battant des ailes dans un effort de s’envoler. Le loup bondit alors de sa cachette et agrippa le corbeau de ses crocs alors que le volatile venait de quitter le sol. Surpris, les charognards massés autour de la carcasse firent un bond en arrière et les corbeaux restants lancèrent des croassements d’indignation.

Les oiseaux noirs s’élancèrent alors dans les airs et fondirent vers Reaven, qui les esquiva de peu. Il sécurisa rapidement sa proie dans ses crocs et commença à courir aussi vite qu’il le pouvait. Le loup rejoignit vite l’autoroute, les corbeaux toujours à ses trousses, et continua sa course plusieurs dizaines de mètres avant que les volatiles n’abandonnent et ne fassent demi-tour. Reaven déposa alors son trophée au sol et prit un moment pour reprendre sa respiration.

Il lança un dernier regard aux oiseaux qui s’éloignèrent jusqu’à ne devenir que des taches noires à l’horizon, reprit sa proie, et se dirigea au petit trot vers la Ville en Ruines.