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Le sol ondule, sous mes pattes, et rien ne semble enclin à laisser la vie s'épanouir par ici. Depuis longtemps, le monde semble avoir oublié cet endroit, comme s'il était parmi les souvenirs de la terre et non parmi ses entités propres. J'observe les lieux en silence, me disant avec ironie qu'il est à l'image de la meute qui le possède. Sombre et inutile. Je laisse le silence s'étendre autour de moi, rompu seulement par les grognements du sol qui laissent entendre tout autour la vie qui s'y épanouit tant bien que mal. Voilà longtemps pourtant, que les proies ne m'impressionnent plus. Je pense au passé, imagine ces moments que j'aurais pu passer ici en tant que louveteau Sekmet. Tout ceci fait parti d'un monde révolu, disparu, presque oublié. J'inspire profondément, je ne peux encore m'empêcher de penser à ma mère. Après tout, même si elle a abandonné un louveteau, elle demeure celle qui m'a donné la vie. Elle sera à jamais ma génitrice, que je le veuille ou non. J'aurais peut-être préféré qu'elle soit morte entre temps. Alors j'aurais eu le loisir de m'imaginer des millions de versions, d'une triste déchirure familiale qu'à l'époque j'ai vécu comme la fin de mon propre monde. Au lieu de ça, me voilà obligé de faire face à mon passé et à ma mère, cette louve sombre qui a fait de moi un solitaire aigri. Je m'apprête à rebrousser chemin, quand l'ombre d'un ventre-à-terre obstrue ma rétine. Un sourire carnassier étire mes babines et je l'observe plusieurs minutes, qui rampe ici et là en tâchant de ne pas attirer l'attention. Il ne me faut pas longtemps pour me rappeler, pour comprendre. L'oméga. Je me souviens de celui de l'époque, lorsque j'étais encore le petit casse-cou infatigable. D'où sort celui-là ? Est-ce le même qu'il y a trois ans ? Je commence à trotter, la tête et la queue haute, une attitude assurée hérissant mon pelage et étirant mes membres. Je m'approche rapidement de lui, par derrière, et lui flanque un violent coup de patte dans l'épaule, l'envoyant presque au sol. J'affiche un sourire narquois en le fixant, cherchant son regard fuyant de mes yeux émeraude.
- Bah alors, on s'planque ?