Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Cela fait quelques semaines que j'ai quitté la meute des Navnik, et ce de mon plein gré. En fait, j'ai l'impression que ça n'a rien changé à mon quotidien, preuve que la vie de meute n'était pas faite pour moi, elle ne m'apportait rien si ce n'est le devoir de protéger de parfaits inconnus alors que j'ai déjà bien à faire en m'occupant de moi-même. Mais si ma vie est libéré du poids de la meute, mon esprit est toujours hanté par les fantômes de mon passé. Parce que non, du haut de mes trois années d'existence, je n'ai pas oublié tous ceux qui ont fait partie de ma vie. Qu'est devenue celle qui m'a oublié, abandonné pour me remplacer par un autre ? Que sont devenus ceux qui auraient dû pleurer ma disparition et me chercher partout, pauvre louveteau que j'étais à l'époque ? Aujourd'hui je suis un loup d'une force qu'ils n'auraient pas imaginé, et le louveteau abandonné est devenu un adulte indépendant et brave. Je n'ai plus besoin d'une meute pour me nourrir ou pour me sentir exister, je n'ai besoin que de moi et de bouffe. Pour l'heure, je n'ai besoin de rien. Alors pourquoi suis-je ici, sur les terres d'une meute qui m'a vu naître et qui m'a regardé mourir ? Eh bien, peut-être chaque loup a-t-il besoin, à un moment dans sa vie, de faire table rase du passé pour mieux avancer. Peut-être que je viens chercher des réponses à des questions que j'ignore, ou peut-être ai-je seulement besoin de m'assurer qu'ils ont tous oublié mon existence pour pouvoir enfin oublier la leur et bannir de ma tête cette haine qui me ronge et m'épuise. Pourtant, alors que je erre sur leurs terres, leurs effluves nauséabonds me prennent aux tripes et me fichent déjà d'une humeur de chien ...