Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
La dune de sable. Ce territoire, premier conquis d'une liste qui reste ouverte à ce jour. Je m'avance, les pattes glissant dans ce sol meuble et malhabile, tandis que mes yeux fixent l'horizon avec amertume. Mon fils, dernier né de tous et survivant de notre famille. Un fils dont j'ai été privé de la croissance, de l'enfance, alors qu'il était là. Seul au milieu de sa meute, ignoré par un père disparu et une mère enlevée cruellement. Je soupire doucement l'air chaud qui brûle mes poumons. Si je pouvais revenir en arrière ... Oui, si je pouvais remonter le temps pour rattraper mes erreurs passées ... Mes petits ne paieraient pas le prix de mes erreurs. Je le vois, au loin, dont la silhouette se profile dans mes yeux saphir. Le reconnais-je seulement ? Est-ce lui qui approche d'un pas si lent, le pelage au vent, la mine indéchiffrable ? Est-il mon fils, ou n'est-il qu'un loup parmi tous les autres, qui ne me considère pas davantage en père, qu'en mentor ? Je l'attend patiemment, j'ignore jusqu'à la couleur de son pelage, jusqu'à l'odeur qu'il porte, jusqu'au timbre unique de sa voix. Il est mon fils, mais jusqu'à quel point ? Me reconnaîtra-t-il seulement ? Je reste silencieux, empli de doutes et d'incertitudes alors que je ne montre qu'assurance et fierté au dehors. Je ne saurais me montrer faible face aux miens. Un jour viendra où je mériterais de les avoir rassemblés. Ce jour-là, je veux avoir à leurs yeux la dignité d'un Roi.