Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Et voilà comment se termine ma vie de guerrier chez les Navnik. Tant d'efforts donnés, tant d'énergie gratuitement offerte et tout ça pour quoi ? Pour me faire virer comme un lâche, un répugnant animal de foire qui ne serait plus assez impressionnant. Eh bien soit. Si la louve handicapée a vu un moi un tel danger qu'elle a préféré m'écarter des siens, alors je continueraient ma vie de carnages ailleurs, loin des siens, et peut-être même deviendront-ils mes victimes de choix à l'avenir. Peu m'importe ce qu'elle pense. Après tout je n'ai jamais eu aucune attache dans ses rangs, et ce n'est pas aujourd'hui que je n'en suis plus, que je me ferais davantage d'amis. Je trotte jusqu'à la frontière, quitte les terres de ma meute et rejoins les territoires neutres où je chercher frénétiquement la piste fraiche de ma soeur. Si je n'avais pas d'alliés chez les Navnik, je n'ai pourtant jamais été seul. Ni hier, ni aujourd'hui, ni jamais. Parce que pour ma soeur, j'ai toujours été là comme elle a toujours été présente à mes côtés. Et ce n'est pas la distance qui nous séparera. Jamais. Je déniche finalement son odeur musquée et sauvage, suivant alors sa piste sans attendre. Je ne suis pas surpris de la découvrir là, au milieu du cimetière, dépeçant une proie avec acharnement. La rage et la puissance de ma soeur m'extasient. Je les aime, elle et sa fureur. Je m'avance en silence, et finalement me râcle la gorge pour signaler ma présence. Qu'elle ne me saute pas brutalement à la gorge en pensant surprendre un intrus : nous le regretterions tous les deux amèrement.