Alors qu'elle était partie, petite flèche blanche dans les ténèbres du monde, son rire cristallin tinta comme une musique aux oreilles du jeune alpha. Auraient-ils imaginé ça, un jour, être chef de cette meute? Comment auraient-ils pu l'imaginer d'ailleurs? Athos avait toujours été fustigé par les anciens, l'éternel petit fripon, le jeune arrogant, bagarreur, celui qui s'interposait entre le fort et le faible au risque de recevoir lui même la sanction ou la blessure. Il avait toujours fait les quatre cents coups, à vouloir trouver une solution à tout au risque de faire des bêtises. A 8 mois, il avait déjà dépassé la taille d'un loup adulte moyen. Il avait toujours fait plus vieux que son âge, il était impétueux, imprévisible, fougueux, et les Anciens s'était évertués à le rabaisser, lui rappeler son rang, lui, le loup venu de nulle part, adopté par un ancien guérisseur qui avait bien voulu de lui dans sa famille. Mais Athos avait grandi. Il s'était battu pour rabattre le caquet de ces vieillards qui aujourd'hui courbent l'échine et le couvrent de louanges. Il s'était éloigné des jeunes avec qui il jouait, il s'était isolé pendant un temps, vagabondant, croisant des jolies femelles par-ci par-là, et surtout, il s'était entrainé dur, parfois des nuits et des jours sans dormir, jusqu'à devenir celui qui était invaincu jusqu'à aujourd'hui. Ô Athos n'avait pas que des qualités, il en était lui-même conscient et ne prétendait pas être parfait. Il connaissait ses défauts, mais il se disait qu'il était comme cela et puis c'était tout. Il était bien ainsi, avec ses petits côtés mégalos sur les bords, coureurs de ces dames, ou encore guerrier à en mourir. Il était comme ça, et les loups l'avaient choisi comme ça, pour devenir alpha.

Il s'était élancé derrière sa jeune sœur qui courait le plus vite qu'elle pouvait. Mais le jeu était devenu déséquilibré. Ils n'étaient plus l'ange et le fripon. L'ange n'avait perdu aucune de ses plumes, mais le fripon avait grandi, le fripon était devenu fort. Mais cela ne l'empêchait pas de vouloir, à l'abri des regards indiscrets, s'amuser aussi fort qu'il le pouvait. Ces moments étaient devenus si rares.

Athos rattrapa bientôt la blanche, il la dépassa comme une flèche alors qu'elle riait et, un éclat de compétition dans les yeux, donnait tout ce qu'elle avait pour rabattre gentiment le caquet de son frère ainé. Athos était maintenant bien devant, puis dans un tournant, il dérapa pour faire demi tour et se campa, les pattes fermement tenues au sol, pour faire face à la jeune louve.

Aaricia arrivait tellement vite, il savait qu'elle n'aurait pas le temps de freiner. Elle allait lui foncer dessus. Et ce qui devait arriver arriva, elle se projeta contre lui et ils roulèrent dans la poussière, fous de rires à en avoir mal au ventre. Essoufflés, après leur chute, ils restèrent un moment allongés au sol, alétant, la langue pendante. Athos se remit debout, alors que Aaricia resta couchée. Il la regardait. Il avait toujours été fier de sa sœur, et il avait toujours surtout été fier d'être son frère. Il l'aimait comme telle. Un sourire s'esquissa sur son visage, petit indice de tendresse dans ce cœur rempli par les préoccupations qui l'accablaient désormais. Il s'assit à côté d'elle, et regarda lui aussi les nuages.

"Tu aurais imaginé toi, qu'on en serait ici un jour?" lâcha-t-il, avec un léger ton malicieux indescriptible.