Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Tu es une grande maintenant, et presque prête à soigner seule. Ton défis sera de créer ta tanière et d'y recevoir ton premier patient. Trouve le lieu, installe toi, classe tes plantes et voit soudainement arriver prêt de toi un loup solitaire blessé gravement. Guéris-le, et ceci en 2 000 mots s'il te plait ! ♥
Hel s'assied quelques minutes face à son chiot qui désormais a atteint la même taille que la jeune louvarde. Hel ne s'est pas rendu compte de son évolution, mais il a déjà plusieurs mois et cela fait de lui un animal plus fort, mais aussi beaucoup plus voyant pour les autres loups qui représentent un danger mortel pour lui. Hel soupire. Hel aimerait le garder à ses côtés, mais parfois elle se demande si elle ne ferait pas mieux de le rapporter aux hommes où il a certainement sa place quelque part. Mais dans un sens, si Hel l'emmène là-bas, il sera dressé pour la tuer ... Elle et tous ses proches. Et puis aussi, Hel s'est attaché à cet animal immaculé qui la suit partout avec une loyauté sans faille ... Hel lui renvoie la balle qu'il n'a de cesse de lui rapporter des dizaines de fois par jour. Hel sourit en le fixant, puis elle entreprend de ranger ses plantes qui ont besoin d'un sacré tri aujourd'hui. Hel s'est éparpillé avec les nombreux soins qu'elle a effectué, elle ne s'y retrouve nulle part ! Avec beaucoup de précaution, la louvarde entreprend de trier à nouveau chaque type de plante pour les séparer et les rassembler selon leurs prédispositions. Hel est fière de sa collection, elle l'a agrandie seule et sait utiliser chacune des plantes qui orne sa cachette. Hel dépose une plante près d'une autre.
Avec nostalgie, Hel repense à l'endroit où elle a grandi aux côtés de son père. Hel se rappelle de ses premières recherches, de ses premières trouvailles et des combats qu'elle a menés avec vaillance pour protéger ce qu'elle découvrait seule. Hel se souvient des rives du styx comme si elle les avait quittées hier, pourtant cela fait bien longtemps maintenant qu'elle n'a pas remis les pattes là-bas. Hel se revoit encore sortant minutieusement ses pattes de la tanière, comme si chaque pas dehors était la pire infraction au monde. Hel s'entend encore gémir alors que son père s'en allait chasser pour la nourrir. Hel sait, Hel sent encore l'odeur de l'eau tout près, et celle des plantes si passionnante, et celle des arbres qui la forçaient a fourrer sa truffe dehors malgré l'interdiction formelle de son père. Il a toujours veiller sur Hel, et Hel a très tôt commencé à trahir sa parole pour découvrir le monde. Peut-être qu'elle ne méritait que ça, finalement, qu'il l'abandonne dans une meute pour y prendre d'autres responsabilités et oublier l'ingrate louvarde qu'il avait pourtant sauvé sans rien attendre en retour. Peut-être qu'elle méritait d'être laissée à son triste sort au milieu de loups inconnus et tous potentiellement dangereux. Nocturne en a peut-être eu marre de la mettre en garde contre le monde entier alors que Hel persistait à vouloir faire des découvertes toujours plus farfelues.
Nocturne lui manque. Les grognements intempestifs de son père lui manquent. Sa chaleur, son odeur musquée et sanglante lui manquent. Hel pense encore souvent à son père, se demandant ce qu'il fait maintenant de ses journées, s'il a trouvé une autre petite à qui sauver la vie et s'il la préfère à Hel. Hel se demande si elle est plus docile, plus loyale, plus sage. Si elle obéit davantage. Hel regrette amèrement ses instincts curieux et son innocence de louveteau. Si elle avait obéit dès lors, peut-être que son père et Hel ne seraient pas ici aujourd'hui. Peut-être qu'ils auraient pu rester l'un avec l'autre encore de nombreuses années, loin des meutes et de leurs affaires diplomatiques, loin de leurs mariages arrangés et de leurs distances inter-meutes. Hel aimerait simplement remonter le temps et revenir à cette époque où elle était le centre de son monde. Le point d'ancrage du loup sombre qui ne voyait qu'elle. Le seul qu'elle désirait regarder, qu'elle ne craignait pas et surtout, le seul au monde que Hel ait jamais aimé. Aujourd'hui encore, même quand Hel pense à ces amis qu'elle s'est fait en découvrant le monde, Hel n'a de cesse de n'aimer que Nocturne. Il est et demeurera le seul auquel Hel tienne réellement et plus que tout. Hel soupire, cesse de triturer ses plantes. Il est temps de grandir, pour Hel. Temps de faire enfin ses preuves.
Hel regarde ses pattes. Les griffes de ses doigts se sont développé. Ses doigts eux-mêmes ont pris en largeur et en force. Hel sait les bouger indépendament les uns des autres, quand autrefois elle tombait chaque fois qu'elle mettait une patte devant l'autre. Hel a changé. Hel a grandi. Est-ce cela qui a poussé Nocturne à s'éloigner d'elle ? A l'oublier ? Hel réfléchit de longues secondes en silence alors que son chiot la détaille avec des étoiles plein les yeux. Hel aime qu'il la regarde ainsi, elle se sent importante pour un autre, vivante enfin. Hel soupire doucement, prend la balle doucement dans sa gueule et la pose par terre pour mettre un gros coup de sa grosse patte. Hel devient grande, elle le réalise désormais. Hel sort de sa cachette, s'avance près du cours d'eau qui longe la tanière d'Altaïr bien plus haut, et regarde son reflet à la surface de l'eau. Hel a changé. Son visage est plus large, plus long, plus mûr. Ses yeux bruns reflètent ses handicaps mais aussi toute la folie qui sommeille en elle, tous les doutes qui font d'elle ce qu'elle est. Hel fronce le regard, Hel hésite pendant longtemps devant ce reflet de son être. Hel ne s'était jamais regardée, mais elle sait que quelque chose est différent. Hel n'avait jamais pris conscience de son être avant aujourd'hui. Hel réalise en fait, qu'elle existe vraiment.
Hel inspire profondément. Après quelques minutes d'un silence pesant entre la louvarde et son ami domestique, la décision est prise : il est grand temps de partir. Hel lance à son chiot un regard déterminé, faisant comprendre à ce dernier que le moment est venu et qu'il est plus temps de plaisanter. Ils ont de la route à faire, d'autant que la jeune femelle n'a encore aucune idée de l'endroit où installer sa tanière. Hel emballe ses plantes dans une sacoche de tissu trouvée lors de ses longues journées de recherche. Hel invite son chiot a y déposer sa précieuse balle, ce qu'il fait sans broncher. Il est prêt à partir, comme un sage petit chien qu'on emmènerait en promenade. Et c'est le cas. Une longue, longue balade les attend. Sans réfléchir, Hel prend le sentier qui mène au sud. Peut-être trouvera-t-elle l'endroit idéal où s'installer en parcourant seule les terres qui l'ont vue naître. Peut-être son instinct sauvage de louve marginale le poussera-t-elle vers le lieu qui lui est destiné. Hel sert les dents quelques secondes en regardant droit devant elle, puis elle inspire une nouvelle fois pour gonfler ses poumons à bloc et son premier pas la mène déjà vers son avenir. Son chiot à ses côtés, gambade gaiement autour de la jeune femelle. Bientôt il sera trop fatigué pour courir, il marchera sagement tout près de son épaule sombre qui guidera son allure jusqu'au bout.
Les territoires sont vastes, les chemins plus nombreux que les membres de son espèce et pourtant, la jeune louve n'a jamais vu autant d'individus recentrés au même endroit. Hel croise de nombreux lieux susceptibles de convenir mais chaque fois, quelque chose l'empêche de s'arrêter pour installer sa tanière. L'acte lui semble d'une importance capitale. Hel sent qu'elle ne le fera qu'une fois, qu'elle se doit de trouver le seul et unique endroit où elle se sentira véritablement chez elle. Déjà autour d'elle, la cadence de son chiot ralentit. Il lui semble que des heures se sont déjà écoulées, mais elle doute d'avoir encore atteint son but. Hel est partie à l'aube avec son chiot, bien décidée à trouver aujourd'hui le lieu où elle passera le reste de sa vie. Hel réfléchit aux endroits les plus adéquat, cherchant chaque fois les avantages et les inconvénients, pesant le pour et le contre sans cesser de réfléchir. Y aura-t-il assez d'espace pour que son chiot s'ébatte en sécurité ? Y aura-t-ilassez de plantes pour que Hel puisse remplir régulièrement ses stocks qui se vident à une vitesse fulgurante ? L'endroit sera-t-il assez visible des loups sans la mettre en danger, elle ou son chiot ? Un cours d'eau. Hel doit trouver un cours d'eau, comme Altaïr avant elle. Son mentor a toujours pris de sages décisions, Hel doit s'assurer de suivre toujours son enseignement.
Soudain, c'est comme une évidence. Les sons se portent à Hel avec une logique implacable, les odeurs viennent à ses narines comme si le lieu était tout proche. Hel accélère l'allure malgré la fatigue qui se fait sentir. Elle s'éloigne de son lieu de départ, s'enfonce dans les terres du monde et longe les territoires habités par les meutes sans même voir la moindre Sentinelle. Coup de chance pour la louvarde ou bien caprice du Destin peut importe, mais la jeune louve sombre sait où elle doit aller. Ses pas la guident sans qu'elle les contrôle réellement, son chiot lui lance des regards intrigué sans même recevoir le moindre intérêt en retour, et il suit avec loyauté la louvarde qui continue d'avancer pas après pas, heure après heure. C'est à la fin d'une journée pénible que les deux acolytes semblent enfin arriver au terme de leur long périple. Là devant eux se dresse comme des falaises en moins impressionnant et plus accessible. Hel observe les lieux, écoute le son de l'eau qui s'écoule à torrent mais dont l'écho ici est réduit à un doux murmure. Hel s'avance vers une cavité dans les roches, en hauteur à l'abris des crues et des inondations. Difficile d'accès pour des loups blessés, mais Hel préfère de loin les soigner en bas plutôt que de mettre en péril des semaines et des semaines d'un dur labeur quotidien. Hel a trouvé.
Hel a enfin trouvé sa maison, son chez elle. Et lorsqu'elle quitte le doux couvert de la grotte de granit, qu'elle contourne la petite falaise et qu'elle tourne le dos à l'entrée de sa tanière, Hel découvre le Styx en contrebas, ses torrents d'eau et ses courants violents. Hel aurait dû le deviner plus tôt, c'était comme une évidence. S'ensuit alors une partie de jeu pleine de bonheur entre la louvarde et son chiot, les éclats de leurs rires résonnants dans la grottes encore vide. Les minutes s'écoulent, la clarté du jour diminue et les deux jeunes s'en donnent malgré tout à coeur joie. Mais bientôt, Hel est forcée de mettre fin à leur échange : le chiot est épuisé, et Hel doit encore ranger toutes les plantes qu'elle a amassé au fil de son apprentissage auprès d'Altaïr, son mentor qu'elle n'oubliera jamais. Hel ira le trouver bientôt, pour lui faire découvrir l'emplacement de sa nouvelle tanière. En attendant, voilà la louvarde qui regarde son chiot sombrer dans le sommeil tandis qu'elle range ses plantes. Mais alors qu'elle termine juste son tri, un loup boiteux approche dans la pénombre. Hel se précipite à son chevet, l'aidant à marcher jusqu'à la tanière pour l'installer sur une paillasse. Rapidement, Hel sort ses plantes pour lui faire avaler des feuilles de chêne séchées avant de nettoyer les plaies profondes à l'eau pour ensuite poser dessus des toiles d'araignées afin de refermer les plaies béantes. L'animal sombre s'écroule finalement, sombrant dans un sommeil profond, inaltérable.
Ressources utilisées - x 1 Feuille de chêne séchée - x 4 Toiles d'araignées