Tel un lapin, la blancheur détale dans la forêt avec peine et misère. Je prends mon temps, museau en l'air et laissant un grognement plaintif, mais excité, rouler dans l'air. Une langue rapide sur mes crocs acérés et, dans un bon calculé, je me lance à sa poursuite. Rapidement haletante mais tout en contrôle de l'effort que je mets, je tente de doubler par la gauche. La brise traverse mon pelage telle une caresse contre la peau nue de mon corps. Pattes complètement étirées, en suspens dans les airs, mes paupières se ferment sur mes iris foncés et j'en apprécie la sensation. Ma queue bien droite, suivant le mouvement de mon être pour contenir mon équilibre au maximum, je me laisse aller à la gravité de mes gestes. Une fois mes pattes au sol, se rejoignant sous mon ventre, je me laisse aller à un grognement de plaisir et un vicieux claquement de crocs qui la fait hurler de peur devant moi. Je rigole, sous l'extase d'avoir le choix d'en finir quand je veux.
Nous bifurquons toutes les deux vers la droite. Son odeur immonde m'envahit et je me souviens n'avoir couru ainsi depuis la dernière année. Chasser, rapporter de la viande et faire saliver tous les petits sur la gloire d'être ainsi vaillant et courageux, c'est faire parti de notre quotidien. Mais pour le plaisir, pour la mort, pour cette vague vision de tuer et de faire mal. Pour toute cette violence que je contiens en moi, en mon ventre et en ma chair. Je regardais Atom le faire avec son compagnon autrefois. Je m'émerveillais devant tant de grâce, de puissance dans la façon dont ses muscles se contractaient et son pelage flottait au vent. J'étais si jeune et impressionnable. Pourtant, je me souviens avoir vu cette même lueur en mon Vyserion. Cette gueule satisfaite lorsqu'il m'a vu me déplacer dans les bois pour la première fois. Nous savions que nous étions marqués par l'autre. Vyserion...
Où es-tu...
Je me suis arrêtée. J'ai été distraite, je ne me le pardonnerai pas. Par vengeance et par désir de faire goûter à cette humaine la soif des loups dans cette guerre acharnée, je me lance à sa suite avec autant de ferveur que lorsque j'ai pris le même chemin d'Atom en quittant la meute. La fille trébucha et je cambre mes cuisses pour me donner une poussée. Le temps d'un souffle, d'une longue et intense inspiration, j'expire en sautant bien haut. Griffes sorties, langue entre les crocs, je me laisser atterrir sur ma victime qui glousse sous mon poids. C'est au moment où ma mâchoire claque devant son visage que je le sens. Je le perçois. Je ne connais cet odeur, je dois choisir mon combat. Je suis ainsi vulnérable à me concentrer sur cet humain inoffensif. Je fais volte face, en grognant. La bave coule contre mon museau et, babines retroussées, oreilles plaquées sur la tête, je le cherche.
« Tu me suis? »
On m'a déjà connu beaucoup plus douce, mais depuis que les deux réelles personnes qui comptent pour moi sont parties, je n'arrive plus très bien à me gérer. Impulsive de nature, je me sais dangereuse pour moi-même. Je cherche de mon regard vert l'intrus qui s'est immiscé dans ma chasse. J'entend l'humaine ramper derrière moi et je claque les dents vers elle. Elle prend la meilleure décision en fuyant, puisque moi j'ai autre chose à m'occuper. Je glisse ma langue contre ma truffe tout en grognant, le dos courbé. Vas-y, je suis prête, je t'attends.