Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Je suis cette piste depuis des jours mais je ne perds pas espoir. Je sais qu'un jour nos regards se recroiseront au bonheur de mon cœur. Je n'ai jamais voulu autant une chose depuis que je suis né. Tu resteras mon élixir de vie. Je sais pas au combien je t'aime depuis que nous avons été arraché l'un à l'autre. Depuis que le jour de notre séparation mon cœur te crie de revenir auprès de moi. Je suis déterminée à te retrouver. Car tu es à moi comme je suis à toi. Rien et personne ne peut te toucher je t'en fais le serment.
C'est alors qu'au détour d'une ruelle ton odeur me vint. C'est toi. Je le sais. C'est au loin que je vois ton pelage, tes yeux bleus. Que j'ai su que c'était toi. Tu avais bien changé oui, tu étais devenue une louve forte. Bien plus forte que le simple louveteau que je suis. Peut être que c'est toi qui va me protéger enfin de compte. Te souviens-tu de ton frère ? Te souviens-tu de notre amour fraternel ? As-tu changé ? Suite à mon entraînement je ne suis plus le même. On peut dire que j'étais fou à l'époque. J'étais devenu le chiot battu, sanguinaire qui pouvait tuer chient et chiot. J'étais devenue une future arme. Je m'approche de toi en silence, je ressens ta présence et je me rends enfin de compte que c'est bien toi. Que ce n'est pas un mirage. Tu es bien et bien là. Je suis toujours plus grand que toi même sans armure. Tu restes ma petite sœur. Un sourire arqua mon visage.
Cela faisait quelques heures que je fuyais à présent, me camouflant quand les loups étaient trop loin pour mieux partir dans l'autre sens. Je savais qu'ils étaient loin maintenant, mais je ne comprennais pas pourquoi ils m'avaient suivi tant de temps. Après tout, j'avais pas fait grand chose ! J'avais simplement pillé leur garde manger et à moitié tué une de leurs sentinelles. A part ca tout va bien, je ne comprends vraiment pourquoi ils se sont acharnés à essayer de m'attraper. Et surtout, pourquoi ils avaient parlé de mon frère. Ils avaient dit qu'il était chez eux. Ils l'avaient enlevé, ces scélérats, ces larves... Je les écraserai comme j'écrase une mouche. Je les tuerai tous, un par un, si jamais ils avaient eu le malheur de toucher ne serait-ce qu'un seul poil de lui. Surtout ce grand loup noir. Je viendrai au bout de lui. Je le tuerai. Je l'étriperai. C'est lui qui a parlé de mon frère. Je ne sais pas qui il est. Je le saurai bien un jour, je veux toujours connaitre le nom de mes victimes, et ce, depuis le premier loup que j'ai tué, dans cette arène, sous les cris d'encouragement de mon maitre, James.
Il fallait que je me remette à courir, au cas où le taré noir venait quand même à me rattraper. Je commençais donc à courir, courir le plus vite que je le pouvais. Je passais entre les arbres, courais sur les rochers, foulant de mes pattes bien plus fines que les autres loups, l'herbe fraiche au sol. Je courais si vite que je semblais presque voler. Je courais encore et encore, sans relâche, alors que je sentais le souffle frais de l'air me taper le visage. Lorsque j'arrivais vers des infrastructures, je filais à l'intérieur en poussant un soupir de soulagement. Enfin quelque chose de familier. Enfin quelque chose que j'aimais dans ce monde nouveau fait d'arbres et d'animaux dans lequel je ne voulais pas vivre. Je n'avais jamais voulu m'enfuir. J'aimais vivre là où j'étais, dans la tente de mon maitre. Je n'étais plus attachée depuis plusieurs semaines. J'aimais mon maitre, il le savait, et il ne lui venait même pas à l'esprit que je puisse partir, et moi non plus.
J'arrêtai de courir, mais je restai collée aux mur des restes des maisons, marchant de temps en temps sur des briques, sautant par dessus des tuyaux éclatés. Lorsque je longeai une de ces maisons, que j'allais tourner à l'angle, je percutais soudain violemment quelque chose qui me projeta au sol. Je sentais que l'autre aussi avait été projeté.
"Je crois que ça va être le pire quart d'heure de ta vie toi "grognais-je.
Je me relevais en secouant la tête, un peu sonnée, puis relevait durement la tête, lorsque j'écarquillais les yeux en murmurant :
Mon rythme cardiaque s'accélère. C'est bien toi c'est on odeur. C'est tes yeux. Ton armure et la mienne sont identiques. Souvenir d'un passé commun. Tu sembles surprise. Mais je le suis autant que toi. Et je n'ai qu'une envie ses te sentir contre moi. Je me retiens. Es-tu différente ? Car moi je le suis. Je n'ai pensé qu'à toi depuis notre séparation. Mon maître m'a transformé en une arme de destruction. Je le sais car quand j'étais avec lui ce n'était plus moi au contrôle. C'était une bête avide de sang. Quand je reprenais connaissance le carnage que j'avais produit me hanter. Ce n'était pas moi. C'était un autre moi dont j'ai honte. C'était un autre qui prenait possession de mes moyens dès que la colère, l'envie meurtrière et la violence me surpassaient.
Tu es face à moi. Mais comment te parler. Comment faire. Je me relève en titubant et commence à te tourner autour pour bien vérifier que ce n'est pas un rêve. Que la réalité est bien vrai. Que nous sommes enfin réunis. Ma soeur.
"C'est moi Crow...ton frère."
Mes mots étaient calmes et je ne mettais aucune agressivité. Elle était chère à mes yeux comme je le suis pour les siens. Nous avons tellement vécu. Notre histoire. Je me stoppe enfin face à elle de mon regard remplit de joie. Je n'avais qu'une envie la prendre dans mes bras. Toucher la réalité.
Vous croyez quoi ? Que j'avais envie de tout ça ? Que je me plais et me complais dans ce que je suis devenue ? Que je n'ai qu'une envie c'est de continuer la vie de massacre que je menais ? Si c'est ce que vous croyez, laissez moi vous dire une chose : Vous avez entièrement et absolument raison. J'aime ce que je suis. J'aime ce que j'ai en moi, cette flamme de vengeance éternelle, de combat épique, cette brûlure immense qui me bouffe les entrailles à chaque fois que je sens l'excitation du combat, l'odeur d'un autre animal, particulièrement celle d'un loup. Oui. Je sens en moi cette fureur monter quand je sens la moindre odeur non humaine. Même pour les chiens accompagnant les Hommes. Seule une personne pourrait échapper à ce feu de rage qui m'habite : Crow, mon frère. Il n'y a que lui qui puisse m'échapper. Personne d'autre. Parce que lui, je l'aime comme je n'aimerai jamais personne.
Je m'étais relevée, un peu sonnée, la tête bourdonnant comme un essai d'abeilles. J'avais failli lui sauter à la gorge quand je l'ai reconnu, juste attend. S'il n'y avait pas ses yeux et son odeur si familière, je ne l'aurai peut être pas reconnu. Il avait tant changé. Il était devenu plus grand et mince, mais si à seulement sept mois nous n'avions pas encore atteint notre taille adulte. Nous n'étions encore, finalement, que des enfants. En apparence. Pourtant la vie avait fait que nous avions grandi trop vite. A mon avis, c'était bien mieux comme ça. Je n'aurai voulu avoir mené aucune autre vie que celle que j'ai vécu avec mon maître, James.
Le louvard face à moi était dubitatif, il avait prononcé mon nom, un peu sonné lui aussi, semblant se demander s'il avait reçu un coup sur le crâne assez fort pour lui donner des hallucinations. Alors. Je lachais comme une sentence :
"Oui. C'est moi."
J'avais plongé mon regard bleu vif dans le sien. Nul doute. Nous nous étions retrouvés. Je ne savais pas tellement comment réagir. Les seules émotions et sentiments que j'avais eus depuis notre séparation étaient toutes liées à mon maître, quand je me sentais fière et heureuse, collée à sa jambe, le suivant comme un animal fidèle, déchiquetant la gorge de quiconque lui voudrait du mal. C'était déjà arrivé. Plusieurs fois.
Tout mon corps était tendu, comme près à toute éventualité, et ce depuis que je fuyais les larves qui m'avaient chassées. Je poussais un long soupir, mes épaules se relâchèrent d'un coup, alors que ma voix, plus douce cette fois, lâcha comme une prière :
"Crow..."
Je m'avancais d'un pas lent vers lui et enfonçait ma tête dans les poils de son encolure en respirant à pleins poumons cette odeur qui m'avait tant manquée. Mon frère était de retour.
Mon cœur s'enveloppa d'une coquille nouvelle. Je l'avais retrouvé. Et maintenant je désire plus que tout la sentir contre moi, de sentir encore son odeur, encore son doux pelage s’entremêlait avec le mien. Au moins une dernière fois. Mon plus chère désire : la retrouver c'est enfin réalisé. Ses yeux...tout chez elle me donne la chaleur dont j'ai toujours besoin. Dont je ne peux me passer. J'ai besoin d'elle. J'ai besoin de ma sœur.
"Crow..."
Je releva la tête en sa direction. Elle s'approcha de moi titubant légèrement. Elle finit par enfonçait sa tête dans mon encolure. Je resta figé un moment ne sachant quoi faire. Était-ce le démon éphémère qui me jouait un mauvais tour ? Un mirage au milieu du désert qui s'offrait à moi comme signe d'une mort prochaine ? Et pis merde. J'enfonça moi aussi ma tête dans son cou. Ma vue se troubla, j'étais ému. Mais je ne pleurais pas. Son odeur emplit mes narines. Quel doux rêve. Un bonheur nouveau et une nostalgie lointaine s'installa profondément en moi. Je ne la laisserai plus jamais partir.
"Ambre..."
Ma voix était roque et chaude.
"Je ne te laisserai plus jamais partir, tu m'as tellement manqué."
J'enfonça encore plus ma tête dans son poils chauds. Ce moment restera en suspend jusqu'à temps que la réalité nous rattrape. Pour le moment, je ne pense à rien qu'à toi. Et je tiendrai encore ma promesse de rester à tes côtés et de te protéger. Ma chère petite sœur. À Jamais.
Je ne voulais plus bouger, blottis l'un contre l'autre, nous reformions autour de nous le cocon protecteur que nous avions toujours formé, cette bulle autour de nous, ce monde dans lequel nous étions les seuls à compter, et au diable les autres. Au diable les chiens des enfers, au diable Crakos notre gardien, au diable toutes ces créatures infectes, ces loups, ces chiens, ces proies, ces prédateurs, au diable ce monde qui ne veut pas de nous et qui ne veut qu'anéantir ce qu'il fait de meilleur. Il n'y a que nous. Il n'y aura jamais d'autre que nous.
Je soupirais longuement, d'un loup soupir las, las de tout ce que nous avions vécu depuis notre séparation. Je n'avais pas été malheureuse avec mon maitre, non, je vivais pour lui, je l'aimais du plus profond de mon être, je lui donnerai ma vie sans une once d'hésitation. Mais simplement, j'avais eu tant de mal à accepter notre séparation. Mon maitre avait été doux avec moi, il savait que j'étais triste, il ne m'avait forcé en rien à faire disparaître toute pensée de mon frère. Parfois, il faisait exprès de me faire passer près du camp d'entrainement alors que Crow y était avec son maitre, alors, pendant quelques secondes, je me sentais vibrer alors que je pouvais le voir, enfin. J'aimais mon maitre pour ces cadeaux inestimables qu'il me donnait. Je pouvais voir Crow se battre, je me souviens d'une fois où il avait été mis face à un vieux loup rachitique, j'avais été là, je l'observais au loin, à la fin du combat, trop loin pour entendre le son de la nuque craquer quand Crow lui asséna un coup mortel, mais j'avais senti ce craquement jusqu'au plus profond de mon être, comme si c'était moi qui avait tué ce loup. Crow et moi, nous ne formions qu'un, finalement. Est-ce qu'il m'avait vu ce jour là? Comment pouvais je le savoir? On pouvait être amenés à s'apercevoir, mais les maitres s'arraigeaient pour que nous ne puissions pas être approchés assez pour pouvoir bien nous parler ou nous entendre. Mais parfois, je sentais comme un regard me frôler et j'avais la certitude qu'il me voyait, quelque part, que lui aussi passait sans le savoir près de moi, derrière la toile d'une tente, derrière un mur d'entrainement... Nous ne nous voyions pas, mais nous n'étions jamais loin, jamais vraiment séparés.
Nous sommes fusionnels. Rien n'est plus fort que nous.
Je rouvris les yeux, la tête toujours enfoncée dans son pelage? Depuis combien de temps étions nous ainsi? Quelques secondes, quelques minutes? Je ne savais pas, nous étions hors du temps. Je me décollais doucement de lui pour lui faire face, plongeant mon regard dans le sien :
"Enfin."
Je me ressaisissais plutôt vite, plus vite que je ne l'aurai cru. Un petit sourire en coin apparu sur mon visage, le même sourire que j'avais quand j'étais petite, même si finalement je ne suis pas beaucoup plus grande. Ce petit sourire que Crow connaissait si bien, je le savais.
"Depuis quand es-tu dehors? Quand ton maitre t'a-t-il perdu? Le mien m'a demandé de finir de ramener les mines au camps pendant qu'ils embarquaient sur les navires, mais quand je suis revenue, ma tâche accomplie, plus personne n'était là. Je crois qu'il est parti me chercher alors les autres ne l'ont pas attendus. Nous devons le retrouver. Mais d'abord nous devons faire des tas des choses... "
Je lui lançais un sourire enjoleur. Oh, oui, j'avais plein d'idées. Des certains loups à me venger, une canaille à libérer, une larve noire à la gueule arrachée à croquer... Et puis, profiter, profiter de mon frère qu'on m'avait arraché.
"Oui, plein de choses." Ajoutais-je avec un sourire malicieux plus prononcé.
Je sais pas combien de temps nous sommes restés enlacés. L'un contre l'autre. Elle se retira pour me faire face. Son regard brillait d'une lueur nouvelle. Une flamme de vie brûlait dans son regard.
"Enfin."
Elle resta émue pendant un petit moment mais se reprit bien vite. Je fis de même reprenant mon air fier et sérieux. Laissant tout de même échapper un sourire en coin.
"Depuis quand es-tu dehors? Quand ton maitre t'a-t-il perdu? Le mien m'a demandé de finir de ramener les mines au camps pendant qu'ils embarquaient sur les navires, mais quand je suis revenue, ma tâche accomplie, plus personne n'était là. Je crois qu'il est parti me chercher alors les autres ne l'ont pas attendus. Nous devons le retrouver. Mais d'abord nous devons faire des tas des choses... "
Comment ? Comment ! Me demander de retrouver ce con. Celui qui m'a maltraité et transformé en celui que je suis pas. Tuer. Il ne voulait que ça de moi. Je n'étais qu'un objet sans importance. Une vulgaire chose à frapper jusqu'à en avoir les os brisaient. Maintenant je suis libre. Je ne troquerait plus jamais ma vie pour un animal aussi stupide. Plus jamais.
"Oui, plein de choses."
Je ne pouvais pas remarquer son petit sous entendu tellement la colère et l’incompréhension sur mon visage. Je recula d'un pas.
"Tu me demandes de retrouver mon maître. De retrouver ce con. Celui qui m'a battu à morte. Qui m'a transformé en une arme à jeter si elle ne faisait pas le sale boulot. Je ne veux plus de cette vie, Ambre. Plus jamais je me rabaisserai à être l'objet de quelqu'un. Ne me demandes pas de faire confiance à celui qui à voulu ma mort."
Je fis une pause. Et la fixa de mon regard qui repris une couleur flamme.
"Ils nous ont abandonné. Mon maître m'a attaché pour que je crève au soleil. Ton maître est venu me libérer et m'a demandé de ne pas bouger pendant que le miens était là. Il est ensuite parti sur le bateau avec MON maître. Ils sont partis Ambre. Ils ne reviendront pas. Père est vivant. Il n'est pas une pourriture comme d'autres loups. Il est fort et bien plus fort que nous. Et il a essayé de nous sauver."
Je fermais les yeux puis les réouvris avant de reprendre d'une voix plus claire.
"Je te demande pas de vivre avec mon père ou un groupe de loup. Vivons ensemble. Vivons une vie que nous avons mérité. Je veux être à tes côtés que ce soit en solitaire ou en meute. Je veux être avec toi. Maintenant et à jamais."
Je restais un peu perplexe sur ce que venait de dire mon frère. A vrai dire je ne m'attendais pas le moins du monde à ce retournement de situation. Comment étais ce possible ? Comment avait on pu lui retourner la tête à ce point ? En vérité cela ne m'étonnait pas vraiment. Si le loup noir que j'avais voulu tuer avait dit vrai, Crow avait été abusé par ces larves de loups, qui voulaient le faire changer de camp. Un jeune loup surentraîné Hellhound était une véritable aubaine pour eux ! Histoire de mater les quelques renégats qui restaient sur les terres éparses. Alors ils l'avaient influencé. Mon pauvre frère. Il était si fragile. Il avait toujours été un pilier pour moi, surtout lorsque nous étions ensemble dans les cages, et même après. Quand je me disais que je devais le revoir, quand j'attendais chaque instant où l'on passait par le camp d'entraînement pour l'apercevoir ne serait ce qu'une fraction de seconde. Mais en vérité, c'est moi à présent qui devait le protéger de ce nouveau monde qui s'étalait devant nous comme un gigantesque marécage empli de sables mouvants. Je ne devais pas le laisser s'enfoncer, se laisser prendre au piège. J'étais devenue plus forte. Le pilier c'était moi maintenant, aussi bien psychologiquement que physiquement. Et j'étais heureuse de l'être. Heureuse d'être à nouveau avec la seule personne qui compte vraiment.
Je le regardais, puis finis par esquisser un sourire :
" Tu as raison mon frère. Nous avons vécu sur le dos des Hommes comme ça. Je ne peux pas te demander de retrouver ton maitre car c'était un homme mauvais, je le crains. Mais le mien était quelqu'un de fondamentalement bien. Il m'a tout appris, il a été un support, un mentor, un père, une cuisse sur laquelle je pouvais poser ma tête pour m'endormir. Il m'a appris à me battre, il m'a appris à me faire respecter de n'importe lequel de ces cabots qui nous surveillaient, aucun d'entre eux, alors que je faisais la moitié de leur taille, n'a jamais osé ni me mordre ni même m'agresser d'une quelconque façon. Crow. Si aujourd'hui je suis en vie, si aujourd'hui tu retrouve ta soeur, c'est grâce à cet Homme et à aucun autre d'aucune espèce. Quand le loup est venu un jour nous dire qu'on viendrait nous chercher. Est-ce que quelqu'un est venu? Est-ce que quelqu'un a ne serait-ce qu'essayé de lever la patte pour venir nous chercher? Non Crow. Nous n'avions pas de valeur pour eux, parce que nous sommes nés dans une cage et pour ces larves là, nous ne valons pas mieux que Crakos. Ils n'ont rien fait. Ils n'ont même pas essayé, puisque nous n'avons jamais subi d'assaut, ni de vol, ni de tentative d'intrusion. Jamais d'odeur de loup dans les parages, jamais. Ils ont abandonné parce que ce sont des bêtes hideuses qui ne pensent qu'à se sauver eux même. Nous ne pouvons compter que sur nous même Crow, sur toi et sur moi. Nul autre n'en vaut la peine. "
Ma vérité. La vérité. C'était vrai et il le savait. Nous aurions pu avoir des doutes, j'aurai pu avoir des doutes si un jour des loups avaient fait des intrusions pour tenter de nous sauver. Même essayer! Mais non. Nul n'était venu. Une fois un loup était venu, il n'était que messager. Il aurait peut être pu nous libérer mais non, il n'a fait que venir et fuir à toutes jambes alors même que nous n'avions pas sonné l'alarme. Nous aurions dû le faire. J'y avais souvent repensé. Ce Belphégor aurait dû mourir sous les crocs de Crakos, ce n'était qu'une larve doublé d'un lâche. J'enfonçais ma tête doucement dans le cou de Crow, remontait ma tête sous la sienne comme nous faisions quand nous étions petits. Il souffrait d'avoir perdu notre vie parce qu'il n'en connaissait aucune autre. Il souffrait de découvrir ce nouveau monde qu'on lui avait caché, comme à moi. Il n'avait jamais été satisfait de notre vie parce qu'il n'était pas heureux. J'avais été heureuse. J'avais beaucoup souffert de notre séparation, certes, énormément même tellement j'aimais Crow. Mais mon maitre avait été là pour moi, il m'avait aimé. Alors je l'avais aimé, et j'avais survécu. Je sais très bien que sinon, je serai morte. Mon frère était destabilisé, c'est vrai. Mais ensemble, nous sommes capable de survivre à tout et à tous.
" Je ne savais pas pour ton maitre, je ne savais pas qu'il t'avait attaché. Je n'étais jamais attachée, pas depuis des semaines et des semaines. Tu le dis toi même, mon maitre est quelqu'un de bien. "
Je n'abandonnerai jamais mes recherches. C'était certain, mais ce n'était pas le moment de parler de cela. Crow allait trop mal, je devais être là pour lui parce que moi j'allais bien, parce que moi j'étais certaine que tout allait rentrer dans l'ordre, que nous allions un jour retrouver mon maitre, qu'il nous prendrait Crow et moi et nous sauverait de tout danger. Mes convictions étaient faites, bien arrêtées, j'étais sûre de moi, sûre de lui, sûr de notre avenir.
Je me souvins de ce qu'il avait dit sur un prétendu père. Je ne savais même pas que nous avions un père, mort ou en vie.
" Nous ne pouvons être sûrs de rien Crow, nous n'avons jamais vu que notre mère. Il n'est peut-être pas celui qu'il dit. Il n'est peut-être pas celui que tu cherches mon frère. Je sais que tu veux te rattacher à quelqu'un. Mais tu ne dois pas être aveugle. Fais moi confiance. Nous serons toujours ensemble, toute la vie. "
Je lui faisais à présent face, avec mon petit sourire angélique d'enfant.
" Mais il nous faut décider d'un avenir. Il faut que nous soyons forts, il faut que, devant nous deux, personne ne puisse jamais rivaliser. Il faut être craints. Et pour cela... Nous devons être forts. "
Les paroles de ma soeur était vrai. Mais je ne fais ni confiance aux loups ni aux humains ni aux chiens. Je ne fais confiance qu'à elle plus que tout au monde. Je la regarde dans les yeux avec douceur et régale. Je lui lécha affectueusement la joue et replongea mon regard ambre dans le sien.
"Trouvons nous une tanière et vivons ensemble. Soyons à deux. C'est tout ce que je souhaite."
Je posa mon front contre elle. J'ai peur. Je suis pas celui qu'elle pense que je suis. J'ai trop tuer. Je suis trop incontrôlable..si..si je la blesse..je ne pourrais jamais m'en remettre. Mais le fait de la quitter me tue encore plus. Je veux la garder avec moi. Je veux l'aimer encore et encore. Elle est ma soeur. Et elle restera malgré les épreuves. Car nous sommes un.