Il avait bien chassé ce jour là, mais beaucoup chassé, plus qu'il ne l'aurait dû. Après tout, la meute n'était pas en famine, mais à chaque fois Athos avait cette boule au ventre, il ressentait tellement cette responsabilité de nourrir toute sa meute. Combien de proies ramenait-il chaque jour? Quatre? Cinq? Plus? Il ne comptait pas. Tant que les siens pouvaient manger à leur faim, tant qu'ils étaient heureux, tant qu'ils se sentaient bien, alors tout allait bien. Il s'était battu pour eux toute sa vie. Il avait tout sacrifié pour les siens, jusqu'à sa famille, sa sœur, son fils, sa petite fille... Tous d'autres meutes. Mais jamais il n'avait voulu partir les rejoindre, il tenait à sa meute, il l'aimait, il voulait être là pour elle. Ses enfants ne vivaient pas dans le besoin, sa sœur non plus. Tous vivaient bien. Alors Athos n'avait pas de mal à se faire à ce sujet.

Alors qu'il marchait toujours, pris dans ses pensées, il entendit un murmure dans le vent. Il tourna la tête , chercha d'où pouvait provenir le son. Il était encore loin de sa source. Il ferma un instant les yeux pourmieux entendre et situer le son. Alors, à son grand étonnement, il se sentit obligé de lever la tête. Il ouvrit les yeux, et aperçut plus loin, à quelques dizaines de mètres, une louve, allongée sur une branche, un peu en équilibre, elle tenait plutôt bien, sans que la branche ne ploie de trop. Athos, intrigué, s'avança pour savoir qui pouvait bien avoir l'idée de faire ça.

Avant même d'être en mesure d'identifier son visage, il sentit son odeur. Kandra. Une jeune louve, une espionne. Pas étonnant qu'elle soit capable de se mettre ainsi sur les branches! A vrai dire, un autre loup aurait été plus étonné qu'Athos. En effet, le jeune loup à l'apparence franche et presque militaire, avait lui aussi, lorsqu'il commençait ses entrainements, aimé tenter un peu toutes les expériences, dont celle de grimper sur les arbres, comme un félin. Il sourit alors à la jaune louve. Celle ci, lorsque le loup brun s'était approché; avait parlé et posé une question. Elle voulait discuter avec lui de choses sérieuses. Il hocha la tête et regarda autour de lui. Inutile de la faire descendre hein ! Et puis, mösieur, sans l'avouer, avait très envie de refaire cet exercice, il n'avait que très peu de temps pour lui en ce moment.


Celle-ci n'avait pas l'air mal. Il bondit alors sur une première branche, peu épaisse mais très large, assez pour qu'il tienne debout sans mal. Puis, il se rapprocha de la louve en sautant de branche en branche. Ils n'étaient pas très hauts, à peine deux mètres. Lorsqu'il arriva non loin de la louve, Athos se trouva une branche très large à son origine et s'assit au plus près du tronc, dos à ce dernier, si bien qu'il était aussi solide que le roc.

" Alors très bien, de quoi voulais-tu me parler?"

Le grand loup brun écouta attentivement ce que la jeune Sekmet tentait de lui avouer. Ainsi elle avait su se débrouiller seule pendant tant de temps sans jamais avoir appris à se défendre.  Elle avait fuit le danger, toujours. Et elle se rendait qu'aujourd'hui tout cela n'était plus possible. Si un jour la louve venait  à avoir à se battre elle devra affronter son adversaire pour défendre les siens, maintenant qu'elle n'était plus seule. Athos hocha doucement  la tête.  Il comprenait les inquiétudes de la jeune louve. Elle ne voulait pas être inutile, elle voulait être forte, plus forte que certains qui étaient encore incapables de se battre.  C'était une chose difficile à réaliser. Mais une lueur brillait dans son regard, cette lueur si familière à Athos  que lui même portait en lui : la lueur de l'ambition, de la ferveur.  Du courage.  Mais il voyait aussi en elle beaucoup de générosité et de loyauté.  Il lui sourit, de son sourire charmeur de tous les jours, qui séduisait toute louve et qui commençait à insupporter  tant Nilaya (ce qui d'ailleurs le faisait rire).

Athos dit donc à la jeune louve. 

"Si tu comptes réellement pallier à tout ça, améliorer ses aspects de toi même, il va falloir t'entraîner. Je ne te cache pas que le chemin risque d'être ardu. Mais sois consciente d'une chose ; plus tu progresseras , plus tu auras l'opportunité de gagner sur ton adversaire mais aussi Moins tu auras d'adversaire, car si tu es crainte, nul n'osera s'attaquer à toi. Fais toi respecter autant par ton travail et ta persévérance que par tes capacités.  Ainsi tu seras autant capable de vaincre les bons adversaires et les idiots. "

Il lâcha un petit rire, son petit rire qui fait qu'on a toujours l'impression que tout est naturel chez lui. Son charisme évident n'échappait  à personne et il était respecté et surtout aimé, car il avait été choisi.

" Si tu veux vraiment faire ce que tu me dis, si tu veux vraiment te sentir forte, te sentir capable de vaincre n'importe qui, alors il faudra t'entraîner.  Ton entraînement, si tu le souhaites, peux commencer aujourd'hui avec moi. "

Il avait parlé du même ton que précédemment, mais sa dernière phrase sonnait comme un défi à l'encontre de la jeune louve qui, Athos en était certain, allait accepter sans une hésitation.

Athos regardait la louve de haut en bas, jaugeant ses capacités physiques, et imaginant au fur et à mesure ce qu'il pourrait lui faire faire comme exercice. Le jeune loup avait entrainé beaucoup d'apprentis, ou d'adultes tout court même. Il n'avait jamais manqué d'inventivité lorsqu'il s'agissait de s'entrainer. La jeune louve s'était levée sur la branche alors que cette dernière se balançait mollement d'un mouvement douloureux. Athos eut alors une idée. Tant qu'à faire le singe, autant le faire à fond.

Athos se leva à son tour, toujours au plus proche du tronc. Il avança légèrement vers Kandra, puis commença.

"Il fut un temps où on pouvait observer plusieurs sortes de carnivores tous aussi étranges les uns que les autres dans ces contrées. Parmi eux, certains m'intriguent. Les singes. Ressemblants légèrement à l'Homme, tu as peut-être eu l'occasion d'en voir, au détour d'un arbre, où sur une terre plus éloignée, ou encore peut-être chez des Hommes. Ils ne vivent plus par ici, et la plupart d'entre ces animaux ne sont pas adaptés à ce type de climat. Ainsi, si tu connais un peu les singes, tu dois savoir comment s'affrontent les mâles qui veulent conquérir une femelle. "


Athos jeta un regard vers le vide sous eux. Ô certes ce n'était pas bien haut, s'ils tombaient, ils pouvaient au pire se casser une patte. Mais c'était déjà plus dangereux que de se battre au sol. Cela demanderait surtout plus d'agilité.

Athos leva la tête vers le ciel.


" Les jeunes mâles montent le plus haut qu'ils peuvent, si haut qu'ils voient bien plus le ciel que la terre. Et c'est là haut, dans les cieux que se livre leur combat. A moins d'un abandon, leur combat est mortel, car chaque chute à une telle hauteur est fatale. Tu te retrouves au sol brouillée."

Un léger sourire se mit à naitre sur les lèvres d'Athos.

" Imagines toi. Tu es un singe, tu es un mâle. J'ai décidé que tu n'étais pas digne de prendre une femelle et de te provoquer en duel dans les cieux. Tente de me destabiliser. Tente de me faire tomber et d'éliminer à jamais celui qui n'hésiterait pas une seule seconde à te réduire en miettes. "

A ces mots, Athos lança un regard autour de lui pour repérer les branches les plus stables sur lesquelles il pourrait bondir en cas d'attaque de Kandra. Il la laissera commencer l'attaque. Ensuite, il fuira, pour tester son endurance. Puis, il jouera avec ses nerfs, passant de branche en branche pour tester son agilité. Et enfin, il se confrontera à elle à même le bois : pour tester sa force.

La jeune louve commençait à sauter pour s'approcher de son alpha. Elle procédait de manière stratégique : pas trop brusquement pour ne pas forcer à la fuite mais pas trop loin pour avoir la possibilité d'agir si le loup venait à sauter aussi. Pas mal. Pas mal du tout. On allait bien voir ce que cela allait donner.

Athos laissa la louve s'approcher sans bouger. Il voulait mesurer sa force. L'heure n'était finalement pas à la fuite. Alors tentons d'abord de la déstabiliser. Voire même de lui faire peur.  Athos laissa donc approcher la louve si bien qu'elle était plus qu'à un bond de lui. Au moment où elle allait pouvoir attaquer, il partit d'un bon de son promontoire, pour sauter sur la branche de droite,  puis resauter sur son ancienne branche en se retrouvant derrière la louve. Il marcha alors sur la branche, face à la louve, la forçant à reculer jusqu'à ce qu'elle soir acculée dos à dos au tronc d'arbre. 

Un sourire effrayant.  Des yeux bleus nuit terrifiants.  A cet instant Athos aurait pu l'egorger comme on saignait une biche aux abois. Il sauta dans sa direction d'un bond, pas le plus rapidement qu'il le pouvait, lui laissant l'opportunité de choisir autre chose que le corps à corps plus que dangereux sur cette branche.