Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Yesterday i was alive Yesterday i was a dreamer PV Athos
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Jeu 25 Aoû - 2:32
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Tous les dieux, les enfers et les paradis sont en nous. Cette phrase pleine de sagesse et de réflexion centenaire voire millénaire trouve une résonance toute particulière dans mon esprit torturé, mon corps cicatrisé et mon cœur brisé. Cette phrase d'une beauté poétique pleine de sens et de lucidité pourrait aisément devenir un proverbe pour un loup comme moi. S'il y a bien des choses que je respecte parmi toutes les futilités futiles de ce monde en ruine, ce sont bien les proverbes. Ils ont cela de mystiques qu'ils ont été pensés par bien des gens avant nous, utilisés par bien d'autres et restent pourtant toujours aussi réels malgré la lente et irrémédiable érosion du temps. Je déambule d'un pas nonchalant à travers les terres ayant vu plus de combats et de destructions en quelques mois que le plus vieux de nos anciens dans toute une vie. Je déambule tel un vagabond au milieu d'un spectacle de désolation auquel mon âme n'aurait rien à envier. Mon pas tranquille dénote une indifférence complète envers ce malheur cataclysmique. Arrive un temps ou le trop plein se déverse et brise la digue pourtant solide. Arrive un temps ou peu de choses parviennent à vous surprendre. Arrive un temps ou la plupart des choses ne vous feront plus ni chaud ni froid. Arrive un temps ou le nombre de blessures aura raison de votre détermination peu importe qu'elle ait toujours été sans faille. Arrive un temps ou vous ne voudrez plus croire en rien parce que vous avez passé toute votre sombre existence à croire en vain. A croire que vous pourriez connaître de nouveau la paix, le bonheur, la joie simple et pourtant infiniment nécessaire d'exister. Celle d’être et de se sentir vivant, pleinement entier, en bonne santé et à la place qui avait toujours été faite pour vous.
Celle ou vous avez le sourire sans raison particulière simplement parce que la présence des vôtres à vos cotés vous emplit de sentiments réconfortants et vous donne envie de savourer ce que vous avez. Et ce peu importe votre rang, votre origine, votre statut, vos rêves, vos désirs, vos peurs, vos doutes, vos victoires, vos défaites, vos souvenirs et toutes les choses qui constituent votre personne. Ce qui vous qualifie en tant qu'entité propre. A l'instar d'un louveteau qui finit par découvrir que sa mère n'est pas en mesure de le protéger contre le monde extérieur, que son mentor se trompe, qu'il est contraint de prendre un chemin ardu parce que ses aînés n'ont pas la force de faire ce qu'ils devraient. Le moindre de ces instants lui arrache une part de son enfance. Le moindre de ces instants représente un coup, une blessure que l'on assène à cet enfant que vous étiez. Et tout cela impactera le loup que vous deviendrez. Vous changerez que vous le vouliez ou non, que vous l'acceptiez ou non. Et votre caractère sera à jamais marqué par l'amertume et la déception. Ma vie a été marquée par l'horreur la plus brutale et implacable de mon abandon à la mort de ma compagne mais malgré cela j'ai toujours tout fait pour garder une certaine lumière en moi. Je me suis rattaché à l'enseignement de mon alpha et mère comme un croyant aux saintes écritures. Je m'y suis rattaché de toutes mes forces et de toute mon âme parce que cet héritage immatériel était l'une des dernières choses me rattachant à elle, à celle qui m'avait recueilli, vu grandir et aimé. Mais le triste constat que je peux tirer de tout cela, c'est que mes instincts de loup d'honneur, de preux chevalier dévoué au bien commun, d'idéaliste acharné au milieu de congénères ne semblant pas en avoir plus à curer que le goût de la prochaine proie qu'ils se mettront sous la dent m'avait tout pris. M'avaient coûtés bien plus que ce qu'ils m'avaient apportés. Le plus triste étant que j'y croyais dur comme fer. Je pensais sincèrement que faire le bien dans un monde comme le notre était la bonne chose à faire.
Celle qui nous séparait de nos propres prédateurs. Que faire le bien était la seule voie possible vers l'avènement d'une nouvelle ère. Une ère dans laquelle nous n'aurions plus à avoir peur, à fuir devant des monstres à deux pattes couverts de métal et sachant cracher le feu. Une ère dans laquelle les louveteaux pourraient jouer n'importe ou, n'importe quand et savourer les joies simples que l'enfance est censé procurer. Une ère dans laquelle les loups ne tomberaient plus par dizaines, fauchés par la mort avant même qu'ils n'aient eu le temps de mûrir. Une ère durant laquelle les rires des louves se mêleraient aux chants des meutes. Une ère de prospérité et de paix comme ce monde n'en avait jamais véritablement connu. J'étais stupide et jeune. Il y a une chose très importante à savoir quant aux chemins les moins fréquentés. Ils le sont souvent pour une très bonne raison. Si ces derniers souffrent de désaffection chronique, c'est probablement qu'ils le méritent amplement. Je ne suis plus ce loup là, et ne le serais sûrement plus jamais. Arrive un moment ou vous rejetez tout en bloc parce que vous estimerez avoir assez souffert. Arrive un moment ou l'horreur du monde vous semble tellement familière que vous ne lui prêtez plus aucune attention, elle devient naturelle. Arrive un moment ou vous cessez de vous demander pourquoi tout cela vous arrive à vous et pourquoi le destin ne cesse de s'acharner sur votre personne, rendant votre existence terne, morne et sans saveur. Arrive un moment ou plus ou moins de sang sur vos pattes ne vous fait ni chaud ni froid parce que même vos crimes ne trouvent plus la force de venir vous hanter. Arrive un moment ou vous ne savez pas ou vous allez mais cela n'a plus d'importance. La pire de toutes les prisons n'est certainement pas physique. Non, la pire de toutes est sans nul doute celle que vous vous êtes crée vous même. Et pourtant vous avancez parce qu'il n'y a que cela à faire. Avancer, se battre encore et toujours, chuter une nouvelle fois, se relever, avancer et ainsi de suite jusqu'à ce que votre heure sonne.
Ce monde n'est que le reflet de mon âme. Je continuerais toujours d'avancer parce que c'est tout ce que je sais faire. C'est ce qui coule dans mes veines. Les fuites, les exils, les doutes, les erreurs de parcours ne sont rien à coté de cette évidence. J'avance et avancerais encore car c'est ce que j'avais toujours fait. J'ai toujours des raisons d'avancer. Et ces raisons aussi peu nombreuses soient elles sont largement suffisantes pour que je donne tout dans tout ce que j'entreprendrais. Tandis que je chemine au milieu des terres de l'ouest , plongé dans une humeur comparable à la désolation s'étalant devant mes yeux dorés je laisse mes pensées dériver au gré des vents pour le moment inexistants. Nous nous battons parfois nous gagnons, parfois nous perdons. C'est dans l'ordre des choses. Rien de nouveau sous le soleil. Le monde s'effondre et se meure à petit feu, les vivants se déchirent et les morts nous hantent, le sang coule encore et toujours. Rien de nouveau sous le soleil. Nous nous battons parfois nous gagnons, parfois nous mourrons. Il n'y a strictement aucune gloire là dedans à mes yeux tout du moins. Désabusé, je traîne ma lourde carcasse à travers les ruines de ce qui fut une immensité dépassant tout ce que mon espèce est susceptible d'accomplir ou ne serait ce que d'imaginer. J'avance d'un pas nonchalant dénotant un manque d’intérêt flagrant pour un monde ayant stagné dans le chaos. Mais, malgré les apparences mon esprit embrumé enregistre le moindre mouvement, la moindre information utile, la configuration des lieux, les traces de proies potentielles et les odeurs utiles. Ma nonchalance n'est pas feinte mais l'expérience fait que je peux me montrer alerte et sur mes gardes sans même en donner l'impression.
J'avance en murmurant les noms de toutes les personnes ayant marqués ma vie et ayant quitté ce monde bien trop tôt et le nom de celles qui me restent. Toutes celles qui vivent en moi à jamais. Trésor, Asmar, Elerinna, Nyssa, Arès pour les plus connus. Mais, je n'oublie pas les solitaires ayant croisés ma route durant mon adolescence de solitaire et ceux ayant perdu la vie. Je récite les noms de tout les membres de ma meute d'origine ayant perdu la vie durant cette nuit funeste m'ayant fait comprendre que les fins heureuses n’existaient pas et n'existeraient jamais ici bas. Innocents pour la plupart. Leur seul crime fut celui de naître lors d'une ère de terreur. Puis, je continue en nommant celles qu'ils me restent. Bien moins nombreuses celles ci. Un frère, un fils et une poignée d'amis. Le tour est vite fait. Je recommence encore et encore comme si cette litanie de noms pouvait guider mes pas vers quelque chose de beau et de sublime. Quelque chose qui ne serait pas à sa place dans un tel paysage. Ces noms résonnent chaque fois différemment dans mes oreilles. Tantôt comme des échecs, tantôt comme des regrets, tantôt comme des joies, tantôt comme des plaisirs, tantôt comme une tristesse et tantôt comme un bonheur oublié. Nous nous battons parfois nous vainquons, parfois nous chutons. Mes pas me mènent finalement devant une église bien plus massive que celle infiniment plus modeste qui avait servie de foyer à la meute à laquelle je m'étais lié. Et je reste figé durant de longues minutes devant un tel édifice, imposant le respect et la solennité malgré son état déplorable. J'ai toujours détesté les hommes , vu en eux le mal absolu, l'ennemi à abattre sans se poser de question. Par vengeance, pragmatisme, rancune et envie. S'il n'y a aucune honte à mourir face à un être supérieur, il n'y a aucune grandeur non plus. Que peut il y avoir de plus agréable que d'abattre son pire prédateur ? Pas grand chose, j'en ai bien peur. Je les hais plus que quiconque et savourerais à sa juste valeur un tableau macabre dans lequel ils seraient les victimes mais je dois confesser que le génie sauvage et stratégique dont les hellhounds ont fait preuve me fascine de manière tout à fait malsaine.
Ce génie qu'ont les hommes en leur possession m’amène à penser que la décadence est l'autre facette de la grandeur. La folie l'autre facette de la magnificence. Je les étudie et apprends désormais à leur contact. Je ne prétends pas être capable de les battre à leur propre jeu. Et ne le prétendrais jamais mais caresser leur mode de pensée de la griffe, se plonger dans leur ruse retorse et vicieuse est un exercice très intéressant. Je pénètre finalement dans le bâtiment après avoir admiré les lieux sous toutes leurs coutures. Il fait sombre mais je me plonge dans l'observation des lieux avec application. Jusqu'à être lassé de ce que je vois. Je m'assois finalement et ferme les yeux quelques instants. Lorsqu'ils s'ouvrent de nouveau. Le spectre de ma petite émerge d'un coin. Nyssa est toujours ensanglantée et son pelage roussi comme si il avait été léché par un incendie. Ma petite princesse. Le spectre n'est probablement que le fruit de mon imagination combiné à mes blessures de père éploré. Pourtant ma petite apparaît dans les ténèbres m'environnant. Le spectre ne bouge pas, ne parle pas. Il se contente d'exister dans et en dehors de mon esprit torturé. Nous nous battons parfois nous gagnons, parfois nous... Je me relève. L'odeur des hommes est forte mais éventée comme s'ils n'étaient pas venu depuis longtemps. Je continue d'explorer et avise un escalier en bois. Je l'emprunte et atteint l'étage. Je m'installe confortablement entre un banc et la rambarde donnant sur le bas de l'église. Peut être ne méritais je pas ces positions surélevés. Néanmoins, les habitudes avaient la vie dure. Élevé par une alpha, prince d'une meute désormais éteinte, frère d'un prince oublié. Le monde change mais certaines choses ne le feront jamais. L’orgueil d'une lignée devenue inutile.
Je m'allonge et pose la tète sur les pattes avant. Soudain une odeur familière toujours aussi désagréable frappe mon museau. Mes crocs se dévoilent et un grondement sourd s'échappe de ma gueule. Un seul mot suffit à caractériser cette animosité mécanique. Sekmet. Une insulte dans ma bouche. Un goût amer et froid comme le sang. Les tourments de ma défunte compagne. Son enfance brisée parce que ces loups et ces louves se prenant pour ce qu'ils ne sont pas ont besoin de se sentir puissant à travers la maltraitance de leurs semblables. Le visage d'Elerinna flotte devant mes yeux l'espace d'un instant. Ses parents furent de loyaux rouges. Un guerrier et une espionne sans histoires, membres dévoués d'une meute ne méritant pas cette dévotion. Double disparition et la voilà souffre douleur sans aucune raison valable. Ma haine pour la meute ayant volé l'enfance de mon aimée, ayant broyé ses rêves et fait de sa vie un calvaire sans fin ne s'atténuera jamais et ne disparaîtra jamais. Elerinna était devenue méfiante, renfermée sur elle même, terrifiée, étrange aux yeux du monde et à ses propres yeux suite à ces mauvais traitements. Des mauvais traitements subis de la part de ceux qui auraient du veiller sur elle, la réconforter et la protéger. Je ne le leur pardonnerais jamais. Ma compagne est morte après avoir retrouvé un peu de bonheur dans cette vie je l'espère. Mais cela n'effacera jamais le passé. Le passé ne peut être changé.
Peu me chaut que la plupart des Sekmets ayant participé au malheur de ma louve soit morts ou disparus. L’âme de cette meute est pourrie jusqu'à la moelle et je me ferais un plaisir autant qu'un devoir de lui rendre au centuple ce que ma défunte compagne a endurée. Comme si ce dernier lien tangible avec ma louve se devait d’être abreuvé d'écarlate. Je ne me lève pourtant pas et attends de voir le pedigree du Sekmet en question histoire de savoir si cela va se révéler expéditif ou équilibré. Un soupir de déception s'échappe de mes babines pourtant closes lorsque je reconnais Athos. Le seul Sekmet que je me surprends à apprécier. Le seul que je n'ai pas envie d'égorger. Le seul qui ne m'insupporte pas au plus haut point. Bref, l'exception qui confirme la règle. A une autre époque nous avions de nombreux points communs. Lui, Arès et moi. Trois hauts placés dans trois meutes respectives. Cela aurait pu faire une belle histoire. Seulement deux d'entre nous avions mal tournés et lui avait atteint ses ambitions. Comme si ce trio si brillant ne pouvait pas briller de concert. Nous nous battons parfois nous gagnons. Parfois nous mourrons. Je le regarde s'avancer et cheminer à travers l'église lui le nouvel alpha de cette meute que je hais tant. Je lance à la volée bien conscient qu'il m'a repéré depuis belle lurette tout comme je l'ai repéré depuis bien longtemps : Tiens tiens si ce n'est pas le nouvel alpha Sekmet en personne. Que me vaut cet honneur ? Rejoins moi ici, j'ai cru comprendre que tu aimais les sommets.
Ma voix est teintée d'une bonne dose d'ironie et un sourire moqueur étire mes babines mais il n'y a aucune méchanceté dans mon ton. Comme je l'ai dit, j'apprécie ce loup à mon plus grand dam. Tout ceci n'est que taquinerie. Je l'apprécie néanmoins un peu moins qu'avant en raison de mon attirance pour Anya. Mais, cela n'est qu'un détail. J'aimerais dire que c'est parce que je sais que la guérisseuse sera mienne mais cela n'est pas le cas. Je n'en sais strictement rien. Et, je ne veux absolument pas penser à cela. Mon humeur est suffisamment morose pour ne pas y ajouter d'autres peines.