Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Cela faisait plus de deux semaines qu'il était parti, déjà. Mon maître, James. Je l'aimais tellement, il était toujours là pour moi. Sauf aujourd'hui. Sauf depuis ce jour où, après une caresse sur la tête, il me dit d'aller chercher une mine planquée au fond d'un terrain. C'était une mission qu'il me confiait parfois, déterrer délicatement une mine que des renégats auraient pu poser, puis, de lui apporter doucement pour qu'il la désamorce. Mais il n'y avait pas de mine ce jour là, pas où il m'avait dit. J'avais entendu un vieil homme tout rabougri lui crier "Aller, caporal, bouge tes fesses et dégage moi ce sale cabot! ". Cet homme n'était pas méchant, non. Il était simplement stupide. Mais il avait forcé mon maitre à partir pendant que je cherchais inlassablement cette mine, la truffe collée au sol. Mais non, je ne me trompais jamais : pas de mine ici ! Alors je revenais vers la plage, la tête basse, certaine d'avoir raté quelque chose. Mais les bateaux n'étaient plus là. Pire encore, mon maitre était parti avec tous les hommes et sans moi. J'étais restée à attendre là des jours durant. Mais j'ai vite compris qu'ils ne reviendraient plus. Mais pourtant, pourtant ! Je savais que James m'aimait, peut-être était il parti me rechercher, et les autres ne l'auraient pas attendus? C'était sûrement cela. J'étais alors partie à sa recherche.
Mon ventre criait comme un rat qu'on égorge. J'avais faim. Je ne mangeai jamais que de la viande donnée par mon maitre, soigneusement dépecée, ou alors encore une sorte de pâtée. Pas celle des chiens, ô non, mon maitre me gatait, c'était une vraie bonne purée de viande hâchée au goût relevé. Mais ici, pas de pâtée, pas de purée, pas de bon steak ou de côte d'agneau, pas d'os donné aimablement par James. Je devais manger. Pour cela, j'avais d'abord tenté seule, mais inutile, je devais d'abord apprendre. Alors je m'étais tapie dans un bois et j'avais pu voir un blaireau piéger un mulot, puis le manger, encore à moitié vivant. Tant de poils me dégoutaient, comment faisait-il pour manger cela? Puis... Ca gratte la langue ce mâchin ! Est-ce que c'est propre au moins?
J'avais donc décidé de retourner dans un endroit où j'avais encore des repères: l'édifice humain. Je le connaissais, James m'y avait déjà emmené. Les humains n'étaient pas là, mais leur odeur imprégnait chaque pièce. Ca me rassurait, me faisait du bien. Peut-être mon maître était il ici... Malgré tout, mon nez me piqua. Une odeur plus sauvage commençait à faire son apparition, une odeur que j'avais appris à pister, et j'avais déjà répandu du sang de ceux de cette race... Des loups sauvages.