AMANN
AMANN |6/11/10
Tout ce qui commence a une fin. Aujourd'hui est le jour de la fin de ton innocence.
Il a un an, mais ce n'est qu'aujourd'hui qu'il passe la phase du louveteau en deuil.
Dans la vie, l'être connait plusieurs abandons. La vie est basée sur eux. Le premier est celui de la mère.
L'être qui s'épanouissait dans le ventre chaud de sa génitrice se retrouve soudainement expulsé, livré à lui-même dans le Monde. Il fait froid, il y a du bruit. Il fait son premier effort : l'air pénètre les poumons, le gaz remplace le liquide. L'enfant doit ensuite apprendre à manger en faisant des efforts, se mouvoir en faisant des efforts, se faire comprendre en faisant des efforts.
Voilà le premier abandon.
Plus tard, l'enfant grandit avec sa meute, avec ses congénères, avec sa famille. Il joue avec ses amis et ses frères et soeurs. Mais vient un jour où le jeu doit disparaître, se muer en entraînement pour encore se transformer en combat.
A ce moment-là se produit alors le deuxième abandon.
Le louveteau, oubliant sa mère et sa protection, se réconforte dans le jeu. Il apprend à communiquer avec son espèce. C'est une autre manière de parler avec les siens, la parole n'est pas le seul moyen, la gestuelle est très importante. Quand il se transforme en quelque chose de plus sérieux, qui vise à tuer ou rabaisser des individus, commence la perte du jeu. Lorsqu'un loup effectuera les mouvements premiers du jeu, son interlocuteur en deuil du jeu se sentira agressé. Quand le partenaire enchaîne sur les mouvements secondaires du jeu, ils se battront. Tel est la vie.
S'en suit alors le troisième abandon, l'avant-dernier. Aussi appelé perte de l'innocence, il se produit lorsque l'être arrache la vie d'un autre pour la première fois.
D'autres effectuent cette phase lorsque un individu meurt devant eux, ou quand ils tuent leur première proie. Certains endurent cet abandon et deviennent plus forts.
D'autres sombrent dans la folie.
Quand le loup vieillit, il retrouve peu à peu tout ce qu'il a perdu. Progressivement, il joue de ce qu'il a vécu, il meurt, il retrouve le cocon protecteur cette fois-ci pas de la vie mais de sa proche soeur, la mort. L'être a tout perdu, il fini par tout retrouver.
Amann, lui, est déséquilibré. S'était remi de l'abandon de la mère, il a été confronté à celui de l'innocence avant celui du jeu. Quand les autres s'amusaient, lui restait à l'écart, profondément marqué de la mort de sa génitrice et de l'absence de famille.
Dans une marche qui paraît sans but, le loup essaye d'enfin passer le cap. Il allait passer l'épreuve de la perte de l'innocence. Plus il s'enfonçait dans l'eau croupie et les racines, plus les obstacles étaient difficiles à surmonter, mais ses pas se faisaient plus assurés à chaque victoire. C'est un combat interne qui se joue ici.
Il était prêt à changer, à devenir un adulte.
Prêt à devenir un
guerrier.