La nouvelle terre suscite des convoitises. Ainsi va le monde. Nous sommes des prédateurs territoriaux. La taille d'un territoire fait varier bien des choses essentielles à la survie et la vie des loups et des louves qui y vivent. Qu'il s'agisse de la nourriture, de la quantité et de la diversité des ressources médicinales s'y trouvant ou même la présence d'un point d'eau voire d'un bâtiment abandonné permettant à la meute d'avoir un abri comme le fut longtemps notre bonne vieille chapelle qui n'avait malheureusement pas survécu à l'invasion Hellhound. Je me rappelle bien de cet échec aussi cuisant que douloureux puisque pour le coup, notre refuge principal et foyer originel avait flambé malgré la tentative de protection d'Helya, Tybalt et moi. Seulement qui dit nouvelle terre et toute la convoitise allant de pair dit également guerre potentielle ou du moins bataille pour en prendre le contrôle si jamais les négociations n'aboutissent pas.

Bien sur, mieux vaut pour tout le monde que les choses n'en arrivent pas là néanmoins ce monde étant ce qu'il est. Pécher par excès de prudence ne saurait être stupide. Les avantages à posséder une nouvelle terre sont très nombreux. Les vétérans de ma meute d'origine nous rabâchait sans cesse les oreilles en affirmant à quel point l’entraînement était primordial. Que pour obtenir ce que l'on voulait, il fallait s'en donner les moyens. Et qu'une mission bien préparée était à moitié réussie. Un ramassis de phrases toutes faites que les mentors balancent à leurs apprentis pour les pousser à donner le meilleur d'eux mêmes si vous voulez mon avis. Hélas, ces phrases toutes faites contiennent une bonne part de vérité. C'est par le travail et uniquement le travail que l'on progresse et se renforce. Je ne suis pas de ceux qui pensent que faire partie d'une lignée illustre vous ouvre les portes de toutes les merveilles du monde. Si vous voulez atteindre les sommets de ce monde en terme de capacité. Vous allez devoir souffrir, persévérer, souffrir encore et persévérer à en perdre la notion du temps.

Du moins, c'était ainsi que le petit chasseur Sekmet que j'étais il y a encore une année était devenu le vétéran aguerri que les Navniks connaissaient. Ce qui nous amène à la situation présente. La meute compte de nombreux combattants aguerris mais tous ne le sont pas. Or, on ne sait jamais de quoi l'avenir sera fait. Et, une potentielle bataille se dresse dans un horizon relativement proche. CQFD, il n'est jamais ni trop tard ni trop tôt pour s’entraîner. Étant de nouveau un simple chasseur, j'avais du temps à revendre entre mes chasses journalières. Il m'apparaissait naturel de le mettre à disposition de mes frères et sœurs de meute-après tout j'avais manqué une bonne partie du conflit contre les chiens de l'enfer et leurs maîtres-afin de les aider à progresser et par la même occasion m’empêcher de rouiller. C'est dans cette optique que j'avais un peu plus tôt dans la journée proposé un entraînement commun à Inka et à Icare.

Ces derniers avaient acceptés de bon cœur et je leur avais donc donné rendez vous dans la foret aux pendus. Lugubre comme terrain d’entraînement je vous le concède mais plus qu’intéressant. Ici, il est possible de faire de la course de vitesse pour travailler l'endurance, des parcours d'obstacles, creuser le sol terreux des bois pour renforcer ces muscles antérieurs et bien évidemment se battre. Se battre en terrain accidenté et donc savoir tirer profit de la configuration des lieux est également un exercice assez utile. Loin de moi l'idée de manquer de respect à un général de la meute mais je pense que cet entraînement se révélera utile. Fin, bon bien que je doive confesser qu'obéir à un loup moins expérimenté que moi puisse chatouiller mon orgueil je vais m'y accommoder. Si Icare a eu ce poste c'est bien qu'il en est digne. J'ai confiance en les décisions d' Helya. J'attends donc tranquillement au milieu d'un bosquet entouré de pendus se balançant de temps à autre. Ma posture peut paraître nonchalante, non elle l'est bel et bien mais je suis en fait complètement concentré et à l’affût de ce qu'il m'entoure. Finalement, des bruits de pas se font entendre et je repère les effluves de ma sœur et de mon frère de meute. J'attends qu'ils arrivent devant moi pour les saluer d'un petit signe de tète.

Je prends ensuite la parole : Inka, Géneral. Je vous propose que l'on commence par un petit échauffement. Un parcours d'obstacle à travers la foret. Qu'en dites vous ?

C'est Icare le nouveau général de la meute qui est le premier à arriver. Je prends le temps de le détailler après l'avoir salué d'un léger signe de tète se voulant respectueux. Il a le respect du à son grade que je lui dois mais c'est bel et bien dans ces bois et en ce jour que je vais pouvoir jauger de son mérite. Qui suis je pour le jauger ? Simplement un loup qui va sûrement suivre ses ordres sur un champ de bataille et qui veut donc connaître la valeur de son meneur. Il faut bien savoir entre les pattes de qui notre vie vient d’être affectée. Je dois avouer que je suis assez satisfait de faire la connaissance de nouveaux membres de la meute. La vie n'est qu'une succession de rencontres. Certaines sont bonnes d'autres mauvaises mais chaque rencontre est différente et est susceptible d'apporter quelque chose à sa manière. Le général à la belle carrure me détaille à son tour et à son expression sur ma personne je me dis qu'il a noté la concordance parfaite entre mon nom et le reste. Et oui, ma mère adoptive a manqué d' imagination sur ce coup là. Mais, j'aime mon nom comme si c'était le dernier cadeau de cette bonne et douce alpha après sa mort. Un cadeau éternel qui ne disparaîtra jamais. Un nom simple pour une personne complexe. Les choses sont ainsi faites.

Finalement, la douce nourrice se présenta à nous tout sourire quelques instants plus tard et vint se placer à quelques pas de nous. J' hoche la tète aux propos d'Icare et écoute Inka avant de répondre : Ravi de te revoir Inka et de te rencontrer Icare. Le plaisir est donc partagé. Et bien j'imagine que nous pouvons commencer.

Nous nous mettons à trotter au même rythme à travers les bois jusqu'au moment ou Icare donna le signal de départ de ce qui s’apparenterait donc à une course d'obstacle à travers la foret. Je pousse sur mes pattes arrières et prend de la vitesse pour me mettre à galoper au milieu des troncs et de leurs lugubres parures. Je tourne la tète vers mon flanc et constate que nous nous sommes étirés pour former des lignes parallèles les unes aux autres. Ce qui est une bonne chose car nous pourrions nous gêner dans notre course si nous étions trop proches. Je m'assure de ne pas aller plus vite que mes partenaires d’entraînement. Car à mes yeux, un entraînement est une coopération et non une compétition. Je reporte les yeux sur mon propre chemin et bondis par dessus un tronc déraciné avant de me jeter entre deux arbres relativement proches l'un de l'autre. Puis, j'esquive un tronc et passe par dessus un buisson d'épineux. Je me retiens de tourner la tète pour observer mes partenaires car peu importe son niveau, personne n'est à l'abri d'une erreur d’inattention et je ne tiens pas à percuter un arbre.