En savoir plus | Dim 24 Juil - 3:46 | |
| Terrain de jeu. 'cause i'd rather feel pain than nothing at all 31||16||17 Si il y avait de cela quelques jours qu'elle semblait m'avoir abandonné, ce matin, elle était venue me rendre visite. Quelques mots. "Debout." ou encore "réveille-toi.". Je ne me souviens plus très bien, mon pauvre esprit était encore embrumé par le sommeil au moment où elle était venue toquer à ma porte. Sommeil que j'essayais tant de reprendre. Les yeux clos, replié sur moi-même dans ma tanière malgré l'humidité accablante, j'ai craint quelques instants que l'autre retardataire, comme à son habitude, ne la suive. Mais... non. Elle s'était peut-être perdue sur le chemin de mon esprit, ou peut-être, et pour la première fois j'osais espérer qu'elle se soit perdue en chemin et qu'elle ait finit sous la lame de la faucheuse. La faucheuse qui s'occupait des amis imaginaires des gosses et de ceux qu'ont ne pouvait plus considérer nos amis une fois adulte: la réalité.
Il y a quelques jours, j'étais bien soulagé de retrouver ce silence radio dans ma tête. Ce matin, j'étais d'autant plus soulagé de retrouver cette voix qui m'avait tourmentée depuis le début de ma pauvre existence. Elle qui, sans sa douce moitiée qui l'avait accompagnée une année entière, me semblait beaucoup moins pénible a supporter. Comme si l'enfer n'était plus dans ma tête, mais de nouveau sous mes pattes. Toujours présent, certes. Mais ça vous donne vachement moins de maux de crâne.
... Des terres puant le sang et la mort, mes terres, mes pattes et ma truffe ont jugé pertinent de me mener vers l'Ouest. "Ici, c'est parfait.", qu'elle me dit. Ici? Je porte un peu plus attention à ce qui m'entoure. Ici, ma fourrure noire de jais s'acomode bien au bitume éventré. Des carcasses métalliques ont trouvé le repos blotties les unes contre les autres, et pour certaines, la terre qui aurait du recouvrir leur cercueil s'était faite remplacer par des éboulements de béton venant des structures voisines. Ouais, ici, c'est parfait. Mon corps a beau me demander du sommeil, encore et encore du sommeil, mais je sais que je ne suis plus aussi fort qu'avant. Ma forme en a pris un coup, et je remercie mon épais pelage d'être resté aussi fourni. Sinon, je vous jure, j'aurais l'air aussi pitoyable que je le suis dans ma tête. Je dois me remettre en forme, je ne supporte pas l'idée d'être faible. L'idée d'être moins imposant, moins massif. L'idée de ficher un peu moins la trouille à ceux que je rencontre.
Je fais de réguliers allers-retours sur ce serpent de bitume, zigzaguant entre les carcasses rouillées. Parfois, je me permets de passer à travers de l'une d'entre elles, sautant par dessus certains os de ce qui reste de leur squelette ou encore, me faufilant en dessous. Je bondis sur un siège encore intact par-ci, escalade une montage de débris par-là... rien de bien intense. Mais ce que je veux par-dessus tout, c'est ressentir cette douleur physique que j'ai toujours recherchée. Celle qui marque l'effort. Celle qui me pousse un peu plus au bord de la folie. Celle qui me donne envie de plus.
Je m'élance derrière quelque chose qui n'existe pas, à croire que je cours pour le simple plaisir de le faire. Je bondis par-dessus les crevasses qui me semblent toujours plus profondes. Mes griffes crissent contre le sol râpeux à chacune de mes foulées et mon souffle s'alourdit et mes poumons ne semblent plus accomplir si bien leur tâche. Je cours, non, je fonce tête baissée, en ligne droite, puis soudainement, je fais volte-face. Je me trouve une cible sur laquelle bondir, quelque chose à m'accrocher, quelque chose qui me laisse évacuer ce trop plein de je ne sais quoi en moi. Bien installée à se prélasser dans ma tête, elle me crie de courir plus vite, de bondir plus haut. Elle me traite de pur incappable et pour une raison où une autre, une soudaine envie de lui prouver le contraire se réveille en moi. Je cours, encore et encore sans jamais m'arrêter. Je roule sur le flanc, j'effectue des changements de direction toujours plus précis, toujours plus rapides. Les carcasses que j'escalade se font plus grosses mais beaucoup moins solides. Je passe à quelques poils de me casser violemment la gueule par plus d'une fois, mais je me relève toujours, yeux à l'affut de la poindre poutre plus ou moins fragile où je pourrais développer mon agilité. Enfin, je me relève après avoir défroissé et soigné mon égo, puis ensuite, je reprends. Franchement.
Mes muscles me supplient d'arrêter, mais un dernier obstacle se dresse devant moi: une des plus monstrueuses failles de mon terrain de jeu. Je dois avouer que je n'ai aucune idée si je possède vraiment les capacités pour la franchir. Pourquoi pas? La mort ne me fait pas peur. J'ai connu pire. Mes foulées sont plus précises, mesurées. Ça devrait le faire. Mon regard est rivé là où je devrais attérir et non là où je dois sauter. Je suis pas un putain de gosse, j'ai appris de mes erreurs... mais pas assez, faut croire.
Je sais pas ce qui s'est passé. J'ai bien compté pourtant, je vous jure. Mais non putain si j'aurais bien compté je serais pas au bord de la crevasse, les postérieurs dans le vide. Et merde. Mes griffes tentent de s'accrocher à quelque chose, mais la surface semble être parfaitement lisse. Aucune poigne. Je glisse vers le bas, et c'est au moment où je viens pour me laisser tomber que je trouve finalement une fissure à laquelle m'agripper. Bordel. Mes muscles tremblent, ma vison s'embrouille, comme ça, je vais pas tenir longtemps. Je m'accroche et en un ultime effort, je me hisse péniblement un peu plus sur le rebord. Encore un peu... et je m'écrase au sol, la queue pendant encore dans le vide de la crevasse. Ça m'apprendra, pour l'amour de Dieu.
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