La faim m'avait pris aux tripes, je n'arrivais pas à dormir. Ça faisait plusieurs heures que je tournais en rond pour être en harmonie avec moi-même, ce n'était pas la faim qui m’empêchait de roupiller. Les idées qui traversaient mon esprit me hantait et la hantise en plus de m'empêcher de dormir me donnait faim. C'est pour ça que j'avais pris la poudre escampette à la recherche d'un casse-dalle.
Je gambadais sans but précis d'endroit où aller, après tout si je trouvais à manger tant mieux sinon tant pis, cette balade m'aurait permis de me fatiguer et surtout d'assouvir ma soif de danger. J'étais en manque, mais en manque de quoi ? La question persisté dans ma tête, mais aucune réponse plausible à mes yeux rentraient en ligne de compte.
Toujours sûr mes gardes, l'esprit tourmentait, rêvassant sans trop regarder où je posai mes pattes, je sentis une préséance. Je détournai le regard une fois à gauche, puis à ma droite, lorsque je le vu pour la première fois. Je n'étais plus seule. M'aurait-il suivi ? Mais dans quel but ? Je trouvais la situation amusante, ça me plaisait. Enfin un peu d'action !

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

Je relevai la tête, la mâchoire pointée vers le ciel. Je pris le temps de l'observer avant de donner une quelconque réponse. Il semblait... Étrange. Je ne l'avais pas croisé, il m'était complètement inconnu. À vrai dire, ce n'est pas comme ci que je connaissais grand monde ici. Malgré ça, son odeur m'indiqua qu'il était Sekmet.

Je serrai les dents, ne savent pas comment je voulais que cette situation tourne. Étais-je plutôt d'humeur à prendre l'oiseau en plein vol, ou bien... ?

- Ça ne se voit pas ? Je promène.

Je fis demi-tour dans sa direction et me mis à le regarder sous toutes les coutures. Je lui tournai autour et rajoutai :

- Toi, qu'est-ce que tu fais là ?

Ma curiosité avait parlé, encore une fois. Néanmoins, je savais pertinemment que je tenais quelque chose et que je devais creuser.
Enfin une occupation qui en vaille la peine.

Tandis que je tournais autour de lui, il m’observait sans bouger la tête. Il suivait mes pas du coin de l’œil, je n'avais pas besoin de le regarder dans les yeux pour le savoir, je le sentais.

- Je dors ici. Rester au camps est ennuyeux. Les autres qui s'entassent dans un abris sous terre ne sont pas très intéressants. Ils sont facile à desceller. En demeurant à l'extérieur, il est possible de faire quelques rencontres surprise, la vie y est moins... Prévisible.

Et il avait raison. Moi-même je ne comprenais pas pourquoi nous devions tous rester au même endroit. D'après-moi, c'était exactement le meilleur moyen de se mettre en danger, qui en plus de ça nous faisait passer à côté de plein de choses. Je ne répondis pas immédiatement, qui plus est qu'il fît un mouvement brusque, sa truffe touchant presque la mienne. Je ne bougeai pas, j'observai. Son regard plongeait dans le mien, il fît claquer ses dents, ne me quittant pas du regard. Je ne bougeai pas. J'avais compris son petit jeu, il cherchait à me tester. Qu'attendait-il au juste ? Je le percevais comme une manière de provocation, une sorte de mise à l'épreuve, j'étais sous teste. J'étais le cobaye de l'heure, une parmi tant d'autres et bien que je n'aimais pas ça, cela m'amusait. Après tout, je ne pouvais pas le lui reprocher vu le nombre de fois où je l'avais fait moi aussi. Lorsque l'on ne connaît pas la personne en face, nous jouons cartes sur table, bien que seuls les jokers restent cachés.

- J'ai une question pour toi. Essaye d'y répondre: penses-tu que ton existence à un sens, dans ce monde ?

Les oreilles dressées, il me surprit. Je ne m'attendais pas à ce genre de question et pourtant, c'était le genre de discussion que j'adorais avoir. La situation devenait de plus en plus intrigante. Mon regard dans le sien, immobile, je posai mon arrière-train sur le sol sans le quitter des yeux. J'inclinai la tête, signe de réflexion, sans prononcer un mot. J'étais concentrée sur le silence, sur ses mots, ainsi que ses mimiques qui trahissaient une certaine facette de lui-même. Qui était-il vraiment ?

- Pourquoi provoques-tu ?

Je laissai mon corps s'imprégnait de sa préséance et rajouta :

- J'ai une question moi aussi : Choisis-tu ta relation à autrui en fonction des autres ? Ou es-tu maître de toi-même ?

Je me relevai et j'avançai de quelques pas sans me retourner. Je m'arrêtai. Le regard figé sur l’horizon, dos à lui et enchaîna.

- Tu fais le fort hein... Car tu sais que dans un monde comme celui-là, les faibles partent. Ils quittent se monde en premier.

Je tournai la tête et je fixai mon regard sur lui.

- À en conclure, tu as peur de la mort, ai-je tort ?

Je me rapprochai de lui, sans un mot, avec pour seul bruit le craquement des branches qu'écrasaient mes pattes.

- Si vraiment tu étais si fort que tu le laisserais paraître, tu n'aurais pas eu besoin de me tester, tu n'aurais pas non plus eu besoin de me poser cette question. Tu aurais eu la confiance. Tu es intelligent et tu en joues. Tu n'es pas méchant. Si tu aurais voulu me mordre, tu l'aurais fait. Alors dis-moi, choisis-tu ta relation à autrui en fonction des autres ou es-tu maître de toi-même ? Me répétais-je.

Un blanc. Je comptai : une, deux, trois secondes.

- Tu n'es pas maître de tes relations. À moins que tu es choisis une tactique différente de tes habitudes, mais pourquoi l'aurais-tu fait ? Qui es-tu ?

Je m'avançai vers lui et je me coucha.

- Il n'y a pas de hasard dans la vie. Alors oui, notre existence a un sens, la mienne, la tienne, la leur. Néanmoins, qu'est-ce qui te prouve que tu n'es pas en train de rêver ? Si cela se trouve, je suis l'oeuvre de ton imagination, je n'existe pas, tu n'existes pas... Mais qu'est-ce qui le prouve ? Rien, absolument rien. Alors oui, la vie à un sens à mes yeux, mais débattre sur le pourquoi du comment reviendrait à une discussion sans queue ni tête, il n'y a pas de fin. Tout comme il n'y en a jamais eu.

Je posai la tête sur mes pattes, écoutant le son de sa respiration, guettant ses réactions.
Et s'il n'y a pas de fin, il n'y a pas eu de début. Quoique, rien ne nous prouve que tout à une fin. Les questions s’emmêlèrent dans ma tête une fois de plus.
Oh putain, Ayana tais-toi ! Pensais-je. Lui aussi il va te prendre pour une folle.
Les secondes passaient une à une, faisant office de clef qui à chaque décompte referma le cadenas un peu plus, ne laissant plus qu'une coquille d'huître fermée sur elle-même, à l’affût de la moindre réaction.

Le loup m'envoya valser sur la terre, laissant mon corps rouler, que je mis fin en agrippant le seul avec mes griffes.
Ses réponses étaient glaciaux, mais je ne m'attendais en rien à quelque chose de... Gentil. Ses réponses, m’agaçaient. Je n'aimais pas la contradiction, mais j'aimais les défis.
Je me relevai, la tête haute, les oreilles tiré en arrière

- Qu'attends-tu de moi ? Que je te prenne en grippe, je te fasse valser à ton tour . Que je me venge ? Tue-moi, si c'est ce que tu veux. Je n'ai rien à gagner ou à perdre. Je mourrai un jour moi aussi et que ça soit toi, ou quelqu'un d'autre...

Je me retenais de rire. Cela m'était complètement égal et devant une bouille autant sérieuse c'était très difficile de ne pas lui rire à la truffe, me laissant emporter dans un fou rire bien que drôle, contagieux.
Je me repris et répondis sérieusement

- Le destin, oui j'y crois ! OUI et je suis maître de mon destin ! J'estime qu'il n'y a pas de hasard, car d'après-moi OUI il y a une raison à tout ! Il y a une raison au fait que je sois ici. J'aurais très bien pu être ailleurs, mais non je suis là. Achève-moi. Vas-y. Achève-moi !

Je lui saute dessus le plaquant violemment contre le sol, ma mâchoire sur sa gorge, mes dents agrippant son pelage et sa peau, mais sans mordre vraiment. Je le tenais. Le souffle haletant, je grognais. J'avais une très bonne mémoire et il avait esquivé une de mes questions. Une question où je voulais une réponse bien plus profonde qu'il m'en avait donné. Oh que oui je la voulais... Et s'il ne m'avait pas répondu, c'est qu'il y avait une raison. Et là où il y a du mystère, il y a Ayana. Je ne le craignais pas. Il ne me faisait pas peur, bien au contraire. Je savais pertinemment qu'il n'était pas le monstre qu'il pensait, ou du moins, oui, il l'était peut-être, mais avait d'être un monstre, il y avait autre chose. Quelqu'un. Un loup. Un loup qui ressentait des choses, mais qui a oublié. Un loup qui ne ressent rien est un loup ayant du vécu. Et nous avions un point commun : lui comme moi n'avions pas peur de la mort. Cette chose dont nous ignorons bien des choses tout compte fait.
Je mordillai délicatement le dessous de son coup, l'endroit le plus sensible d'un loup. Je ne voulais pas le blesser et je m'en foutais si lui, c'était son but.
En une fraction de seconde, je le lâchai et plaquai mes deux pattes avant sur sa gorge. Je le dominai. Je le regardai de haut, voulant l'agacer. J'étais la dominante et lui le dominait. J'avais soif, je voulais me désaltérer, mes babines devenaient pâteuses, je tirai la langue, haletant, mais me rappelant de la tache sur celle-ci, je m'arrêtai aussitôt et me dégageai de lui. La chaleur avait pris place, nous étions maintenant en plein jour. Je m'allongeai à côté de lui, pattes terre à terre, j'attendais. Mon esprit vagabondant là où personne ne pouvait le voir, ou même l'imaginer. Je ne le connaissais pas, il ne me connaissait pas.
J'inclinai la tête sur ma gauche, le regardant l'air de dire "et maintenant, que comptes-tu faire ?".

Son envie de me tuer avait disparu, mais ma soif persistait. Ma robe blanche était couverte de terre, il faisait chaud. Je continuais de l'observais, réfléchissant à ses propos. "Tu mourras d'ici quelques lunes, j'en suis certain. J'ai toujours eu un don pour les prédictions."
Je croissais les pattes avant, s'il disait vrai, j'allais enfin pouvoir savoir. Les questions cesseraient bien assez tôt, ce qui m'en voyait ravie.
Je levai la truffe au ciel, qu'est-ce que j'allais faire maintenant ?

- En quoi es-tu utile à la meute ? Pourquoi as-tu été acceptée ?

Je le regardai du coin de l’œil. Je me relevai, ça dites "prédiction" m'avait refroidie et ne me donnez plus envie d'en apprendre sur lui. Je me sentais rassasiée et j'avais quelque chose à faire. Quelque chose de bien plus important que de répondre à ses questions.
Je savais qu'il avait vu la tache sur ma langue au vu de sa mine blafarde. Elle ne passait jamais inaperçue auprès des autres loups. Il l'avait vu. Je n'avais aucune idée de ce qu'il en avait pensé, mais c'était bien le seul moyen qu'il avait de me retrouver si l'envie lui prenait. Je lui lâchai un regard franc, yeux dans yeux, fît un mouvement de tête et me mit à cavaler jusqu'à disparaître de son champ de vision. J'étais partie, sans un mot, juste avec le son de mes pattes et de ma fourrure balayer par l'air. Il ne savait pas qui j'étais et il avait très peu de chances de me retrouver. Allais-je le revoir ? Ou était-ce une rencontre de passage ?
Je ne savais pas et pour l'une des rares fois de ma vie, je me mis à espérer. C'était exactement ce que je voulais : qu'il est raison. Car une fois de plus, l'espoir fait vivre, mais l'espoir est assassin et j'avais besoin de ça pour faire taire mes questions. J'étais partie, laissant sa question planer dans le doute, comme il l'avait fait lorsqu'il m'avait annoncé que la mort me traquait et que d'ici quelque lune, je ne ferai plus partie de ce monde.
Nous verrons bien, qui vivra verra.