Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
J'étais poursuivis par deux chiens. Quelle idée de partir du territoire de la meute. Qu'elle idée de partir aussi loin. En pleine chasse, les coups de fusils avaient retentis à mes oreilles, comme un écho du passé. J'avais couru à toute vitesse et déjà les aboiement se répétaient derrière moi. Je fonce, alors que l'air se charge d'électricité. Un orage est proche... Il ne manquait plus que ça ! Mes pattes me brûlent, l'air manque à mes poumons. Ma vue se trouble sous l'effort, mais je fonce droit devant moi. Un éclair de lumière, puis le tonnerre s'abat sur la plaine où je me trouve. Les chiens sont toujours derrière moi... Merde ! Je pousse un peu plus mon corps, à la limite extrême que ce dernier, faible comme un louvard, pouvait supporter. Voilà à quoi ressemble la Bras Droit Esobek, une louve à bout de souffle, poursuivit par deux chiens domptés par les hommes, incapable de se battre, ou même d'essayer.
Je trébuche d'un seul coup. Mon corps tombe vers l'avant et, en aveugle, je ne peux que sentir le choc qui se répète sur mon corps encore et encore, au fur et à mesure de ma descente. Je touche le sol, et mon corps me supplie en hurlant. Pourtant, je me redresse sur mes pattes, reconnaissant presque cet endroit. La foudre tranche le ciel à nouveau, et le tonnerre signe comme un dépars. Je fonce à toute vitesse, trouvant le premier trou que j'ai sous la patte. Je me glisse à l'intérieur, me plaquant alors sans plus bouger un seul poil. Couverte de terre, les chiens passèrent devant moi, me pensant loin de là... Je pousse un long soupire soulagé, alors que je me redresse avec lenteur, approchant de la sortie. Puis soudainement, une ombre se dessine en face de moi. Une ombre portant une armure sur le dos. Il porte l'odeur d'un loup, mais ça n'en ai pas un... Ce n'en est plus un... Je recule de quelque pas, les oreilles sur mon crâne, la queue entre les pattes. J'entrouvre la gueule, alors que je tremble lentement de peur.
- Laisse moi... Passer...
Suppliais-je presque du regard. Je ne veux pas me battre, je n'aime pas ça, et je me sens tellement faible...
Lorsque l'intérieur se vide de toute humanité, le monstre demeure...
Le temps avait filé à une vitesse ahurissante depuis ma libération. Miraculeuse. Une libération dont personne ne pouvait se vanter. Une libération qui au final, n'était que la volonté des humains. Des hellhounds. Ces chiens, ces humains écœurants... Ils avaient tout prévu. Absolument tout. Nous affamer. Nous assoiffer. Nous droguer, pour nous faire perdre toute rationalité dans notre esprit déjà bien vagabond.
Oui, ils nous avaient brisé. Ils avaient fait de nous des monstres de chair et d'esprit. Nos âmes étaient désormais souillées par la folie humaine. Nos corps, marqués au fer rouge. Le mien avait légèrement récupérer. Je m'étais remplumer par de multiples chasses sanglantes, et sanguinaires. Ne laissant jamais l'opportunité à mes proies de fuir, je les massacrais, les étripais... Pourtant, malgré cela, mes côtes étaient visibles. Mes poils, si minces et désormais cassants, laissaient apparaître bien plus que d'ordinaire, les cicatrices du passé, ô combien nombreuses.
J'avais retrouvé ma famille. Cette famille si soudée et pourtant si fragile. Mon fils, mon honneur, loyal jusqu'à sa mort, et bien au delà encore. Mais quelque chose en moi était... manquant? Disparu? Je m'étais pourtant identifié... Arès... Châtiment. Je savais qui j'étais. Mais savais-je au fond de moi réellement ce que j'étais..? Un loup? Un monstre? Un humain? La seule chose que je savais, c'est que le poison des Hellhound coulait encore dans mes veines. Me rendant instable. Fou. Oui. Fou est le mot.
Alors que l'orage fait vibrer le ciel, que les éclairs pourfendent l'air. Je marche tel un dieu immortel dans un décor intemporel. Car oui, si il y a une chose en ces terres qui n'a perdu ses formes, ce sont bien les tranchées. Assemblage de boyaux sinueux, parcourant la terre boueuse, et putride. Suis-je alors moi aussi inchangé? Je me le demande. La pluie couvre mon poils, mon armure et sa carapace épaisse. Bientôt, je ne ressemblerais plus qu'à un chien galeux trempé. Et encore, peut-on affirmer qu'un chien soit si repoussant? Je dirais plutôt un démon, un cerbère. Effrayant, monstrueux.
C'est alors que derrière moi, des coups de feu résonnent en écho aux grondements de l'orage. Je me retourne, observe de mon œil valide. Au loin, une louve blanche court. Elle court à en perdre haleine. A sa suite, des chiens. Ils se dirigent vers moi, et je la vois alors tomber. Devrais-je l'aider? Devrais-je m'interposer. Je ne bouge pas. Les chiens ne la voit pas se terrer dans son trou mais moi si, et ils arrivent enfin face à moi. Je ne sais pas alors ce qui naît en moi, mais je parierai pour un sentiment de haine profonde. Mes anciens gardiens... Ils se stoppent instantanément à ma vue. L'un d'eux à les yeux écarquillés sur moi, comme impressionné que j'ai survécu. L'autre pourrait vomir que je ne m'en étonnerais pas. Je gronde alors, poils hérissé, mais à ma grande surprise, ils me contournent, et continue leur chemin sous le sifflement lointain des Hellhounds. Ma stupeur est telle que je rejoins la louve pour en observer les séquelles, incertain de la volonté de tuer des chiens qui la suivais. Pourquoi m'avaient-ils évité? Laisser en vie? Etait-ce là encore une preuve de mon utilité à venir? Un ordre direct de leurs maîtres? Si seulement j'avais la réponse, cela apaiserait-il mon esprit?
J'apparaît lentement dans le champs de vision de ma pair. Elle est perdue à ma vision? Allié? Ennemie? Elle doit opter pour la deuxième car sa position indique clairement une soumission.
- Laisse moi... Passer...
La peur est une odeur dont je me délecte habituellement sur mes proies, mais celle-ci en est imbibée. La laisser... passer? Je ne sais pourquoi, un rictus de satisfaction se dessine sur mes babines.
- Qu'es-tu prêtes à faire pour rester en vie, louve?
Pourquoi réagir ainsi? Pourquoi ces mots? Est-ce là, la preuve évidente de ma transformation en chose insensible, démoniaque, et manipulatrice? La preuve que les humains ont réellement fait de moi, ce qu'ils attendaient?
Mes jambes me brûlent, et mon corps tremble de plus belle sous la vision d'horreur qui se trouve en face des mes pupilles azurs. Le corps maigre, le poil sale. Le regard... Ce regard me plantent quelque chose, en moi. Une graine de crainte et de désespoir, arrosée de ma peur grandissante. Je tente de déglutir, la tête basse, me recroquevillant d'avantage encore vers l'arrière. C'est un Hellhounds, son armure, sa bombe. Mais il est différents des deux autres. Oui, je le sens. C'est un loup... C'était un loup. Je me souviens de ce que nous avait dit Plume, à propos de loup qui avaient été capturé par les hommes à tête de chien. Était-ce là le résultat de sa captivité ? Une once de pitié vient s'ajouter à la peur que je ressentais en moi, que je transpirais par tous les ports de ma peau. Lorsqu'il entrouvre les crocs, je recule d'un seul coup, craignant qu'il ne désire m'attaquer. Mais à défaut de me bondir dessus, il ne fait que me poser une simple question.
Qu'est-ce que je suis prête à faire pour m'en sortir en vie ? Je... Mon regard s'illumine quelques secondes, réfléchissant à cette question trop sérieusement peut-être à mon goût. Je sentais une boule de courage monter en moi, alors que je découvrais lentement mes crocs, essayant de me prouver que je pouvais le faire. Que je peux me battre. Que j'en suis capable... Je me campe sur mes pattes, avant de répliquer avec force, tentant de prendre une voix assurée. Ce qui est un échec presque lamentable, car ma voix tremble comme une feuille frappée par un vent d'automne.
- Je peux... Me... Me battre... Ou je peux... Je peux t'aider... Tu...
Je perdais mes mots, m'emmêlant, gonflant mon poil dans une mesure désespérée. Je n'y arriverais pas, mon corps est trop affaiblit après la course, engagé un combat serait peine perdu... Mais je le ferais, pour défendre ma vie et mon honneur... Si tenté que je possède ce genre de choses.
Lorsque l'intérieur se vide de toute humanité, le monstre demeure...
- Je peux... Me... Me battre... Ou je peux... Je peux t'aider... Tu...
Je me mis à tourner autour de la louve. Des idées malsaines plein la tête.
- Ah oui? Tu penses pouvoir te battre contre moi? ... Ou bien... M'aider? Intéressant.
Un sourire malicieux élargit mes babines alors que je l'observe un peu plus.
- Cela fait un certain temps que je souffre de ma solitude. Tu sais... Les cages des hommes... Le métal froid sous mes coussinets... Le goût de la chaleur d'une louve...
Elle était assez belle pour m'occuper après tout. Non?
- Je te propose un marché, louve. Tu choisis. Soit tu nourris ma soif de sang, et nous nous battons jusqu'à ce que mort s'en suive. Soit, tu te laisses allez à mes besoins charnels, et tu sortiras vivante de cette rencontre et tu ne me reverras jamais. Cela va sans dire, qu'il n'y a pas de troisième option, et que dans tout les cas, si tu ne choisis pas la deuxième, je prendrais un malin plaisir à te faire souffrir. Et crois moi, je sais comment torturer un esprit. Après tout... Le mien est tellement rongé par la folie, que même les dieux ne pourrais observer le spectacle de la mort que je t'infligerais si je m'y laissais succomber.
Je passe une langue sur mes babines, pourléchant mes cicatrices. Alors que je me rapproche un peu plus d'elle pour l'acculer dans son trou. Puis, l'air plus menaçant. Je découvre mes crocs.
Je tente de garder ma prise sur mon corps; Je tente de rester droite, sur mes quatre pattes. Je tente d'avoir l'air courageuse. Je tente tout ça. Et je n'y arrive pas. Je ne suis pas assez forte, ma tête me tourne, mes pattes m'hurlent de me reposer. Je pousse un long grognement gutturale, à la recherche de la force que je n'ai pas. Ils me.. Dégoûtent... Les mots de ce monstre me font monter la bile dans la gorge, à tel point que je ne parviens pas à articuler. Je veux... Lui faire manger sa propre langue, pour qu'il se taise. Pour que mon esprit ne réfléchisse pas d'avantage au marché qu'il me propose. A cette prise d'otage. Vivre ou mourir. Me laisse faire ou mourir. Tuer la moindre parcelle d'honneur que je pouvais posséder ou... Mourir. Il me tournait autour, je n'avais pas le courage de le suivre du regard. Pourquoi ça n'arrive qu'à moi, ça ? Pourquoi dois-je autant souffrir ? Pourquoi est-ce que ce fou est là ? Pourquoi ? Si un dieu existe, qu'il me le dise... Qu'il me sauve... Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas subir ça. Je ne veux pas mourir. Je ne pourrais pas vivre après cette... Humiliation... Je ne veux pas mourir !
Un sanglot m'échappa, alors qu'il me crie dessus. Alors que mon corps s'effondre au sol, à bout. Que mon esprit se vide et tout. Que mes yeux perdent leur lueur et que ma voix ne soit plus qu'un murmure.
- Je ne... Veux pas mourir...
Laissais-je aller entre mes crocs, alors que mon esprit s'éteignait lentement, voulant se protéger de ce qu'il allait arriver. Je pourrais peut-être oublier... Faire comme si de rien n'était. Ne pas y penser, ne penser à rien. Ne pas imaginer la souillure sur mon poil. Ne pas penser aux conséquences et ça pourrait avoir... Ne pas penser, à rien. Laisser aller... Ce n'est qu'un moment difficile à passer.
Lorsque l'intérieur se vide de toute humanité, le monstre demeure...
Comme convenu en mon esprit, la louve céda. S'offrant à moi, monstre de chair, je pu me laisser aller aux besoins charnels qui m'avaient fait défaut depuis mon enfermement. Elle avait pleuré, et je n'avais écouté. Je ne pensais qu'à moi, qu'au bien que ce bref instant m'apportait, et une fois la basse besogne finis, je la laissa sur place, tel un cadavre, et disparut, comme convenu.
Qui aurait pu croire que de cet union insolite, naîtrait un jour le fruit de mon parjure?
L'Enfer sera son nom. Son héritage.
Le fils indésiré. Indésirable.
Kobalt
Carnage de l'Éphèmère
Fiche de personnage force: (100/100) agilité: (100/100) endurance: (100/100)