Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Depuis plusieurs jours, l’estomac vide, je vagabondais sur les terres neutres à la recherche de la moindre denrée pour assouvir ma faim grandissante. J’avais tenté, en vain, de chasser, mais aucune proie n’avait montré le bout de son nez, comme si elles avaient été prévenues de ma présence. Mon ventre grognait et je ne pouvais me résoudre à l’affamer encore plus. C’était bien la première fois que je manquais autant de ressources, me mettant ainsi en diète. Mes narines se pincèrent doucement. L’air devint soudain irrespirable, comme si quelque chose d’affreux venait de se produire. Devant moi, une immense plaine grise apparaissait peu à peu. Une pluie de cendres tombait lentement sur le sol, ce qui donnait cette couleur si acre à la terre. Je foulai à pas feutrés ce lieu sinistre et macabre qui me rappelait milles fois la mort et les effets effroyables qu’elle laissait derrière elle. Je rentrai mes babines à l’intérieur de ma bouche sèche. Projetant mon regard au plus loin que je pouvais, je me rendis compte que de multiples bosses et crevasses jonchés le sol, peut-être était-ce dû à des cadavres de végétaux comme des troncs ou même d’autres natures. Je n’osai pas imaginer une seconde qu’un animal pouvait avoir sa place dans ces terres. Pourrir ainsi relevait de l’immoralité et je ne voulais en aucun cas mourir ici. Je couchai mes oreilles contre ma nuque avant de plonger mon museau dans la surface semblable à de la neige, si on en oubliait la couleur. Ma truffe se heurta à quelque chose de dur, comme si je venais de taper dans un rocher. Je la relevai prestement, prenant soin de secouer le bout de mon nez pour en extraire l’amas de cendres que j’avais soulevé. Une certaine forme de végétation semblait subsister sous cette couche diabolique et je pourrais peut-être trouver suffisamment d’herbes pour calmer mon estomac. Partant donc à leur recherche, je plongeai sans scrupules mes narines à l’intérieur de cette poudreuse.
Après plusieurs minutes, je réussis à récolter assez d’aliments pour me faire un minuscule repas. Je me mis à les grignoter avec un certain sentiment de dégoût. À dire vrai, ces végétaux avaient pris le goût de ces cendres et étaient particulièrement immangeables. Une fois mon diner engloutit, je reportai toute mon attention sur le décor qui s’éparpillait autour de moi. Je remarquai le ciel assombrit par d’épais nuages, cachant sa véritable couleur. Je regrettai presque les autres lieux que j’avais visité jusque-là où le Soleil était le seul maître. J’haussai les épaules avant de poursuivre mon chemin, en prenant soin de ne pas tomber dans les trous causés par des événements récents.
Youhou, encore une plaine. On dirait que je suis abonné au espace désert et sans possibilité de se cacher ou de croiser une proie. Je ne jeun pas depuis longtemps, mais le besoin de chasser va bientôt se faire sentir. Trottinant aux abords du cimetière, les pattes dans la neige carbonique, mes poumons me brulent. Assez normal pour une zone plongée dans un brouillard cendrée. Cet endroit me plait. L’étendu est vierge et grise. La neige, si on peut appeler ça de la neige, rend l’atmosphère irrespirable et le silence est tellement palpable qu’on ne peut que le vivre. Le sentir.
Quelque chose dans cet endroit me rend nostalgique. Mélancolique. Pas un bruit. Pas de communication. Je me sens dans l’impossibilité de dire un mot, comme muette. Je m’assois un instant, et ferme les yeux. J’ai la tête vide, l’impression d’oublier de me souvenir de quelque chose. Juste d’oublier en fait. Cette plaine vide, me rend vide. Me vide. Morne, grise et sans vie. Un peu comme moi dans un sens. Je rouvre les paupières et admire le paysage.
Un bel endroit pour mourir. Un endroit où l’on ne peut pas discerné le jour de la nuit. Seul reste le silence, et le souffle inaudible du vent. Un sourire satisfait plane sur mon visage tandis que j’apprécie le fait ne rien entendre. J’en viens même à douter de mes sens. Est-ce le mutisme qui règne, ou moi qui n’entend plus rien ? Je me remets à marcher en direction du centre de la plaine. Seul mon souffle arrive à briser par à-coup le calme de la zone grise. Une fois perdu dans l’immensité, je scrute les alentour et aperçoit une tache noire de forme lupine.
L’ignorant, je m’allonge dans la cendre en parallèle au loup, et joue avec les flocons de poussière. Je pourrais en rester là. Mais le vide, l’absence de bruit, tout cela fait remonter en moi quelque chose que j’ai étrangement, oublié. Cette sensation de ne pas pouvoir me souvenir, comme une plaie à vif en moi, me dérange. Alors je me relève, m’ébroue et les oreilles bien droite, habitée d’une tranquillité qui m’est étrangère, je m’approche de l’autre loup.
Quand je suis face à lui, je l’observe de haut en bas, de la tête aux pattes, et fini par m’assoir la tête étrangement basse. Je vois le loup sans le voir. Le silence, le carbone, et une tache noire dans cette grande immensité. Une impression…de déjà-vu.
-Bonjour. On ne s’est pas déjà rencontré quelque part ?
Je relève doucement la tête, le regarde dans les yeux un instant. Et étrangement, je me sens minable. Il me rappel quelqu’un…mais qui ?
Essayant de forcé le blocage sentimental que m’a imposé mon cœur, je regarde tristement le loup noir, cherchant dans son pelage sombre, le souvenir opaque que j’ai oublié.
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Ven 4 Juil - 22:27
Jauge:
Force: 8, Agilité: 7, Endurance: 11
Une nouvelle fois, mon regard se porta sur le Ciel, dans lequel je ne pouvais distinguer rien d'autre que du gris. Était-on le jour ou bien la nuit ? Je n'en étais plus sûr et j'avais l'impression d'être dans ce lieu depuis des heures entières. Lorsque je baissai mon museau pour porter à nouveau mes yeux sur l'horizon, je remarquai, à mon tour, une louve en face de là où j'étais. Son pelage était si immaculé que j'avais un peu de peine pour elle. Se retrouver dans un tel lieu avec sa blancheur pouvait paraître frustrant si on entretenait un temps soit peu ses poils. Je fis la moue puis je m'arrêtai. Quelque chose en elle me rappela un autre temps, un passé que j'avais du mal à oublier et qui faisait un bond dans le présent, à quelques mètres seulement de là où je me trouvai. Je fronçai les sourcils et me mit à imaginer qui elle aurait pu être parmi les rares loups que j'avais pu croisé durant ma jeunesse. Après plusieurs minutes de réflexion, je trouvai une réponse à ma question et mes muscles, comme paralysé, cessèrent complètement leurs mouvements, me laissant ainsi au beau milieu de la plaine. Ce qui eut l'air de profiter à la louve qui commençait à s'approcher de moi. Je voulus me mordre les lèvres et reculais, mais rien n'en sortit. Mes mouvements restèrent bloqués et aucune expression ne se dégageait de mon visage. J'étais parfaitement immobile. La pluie de cendres commençaient à couvrir mon corps d'ébène de son étreinte grise. Je n'en avais réellement plus rien à faire. Les yeux toujours rivés sur la silhouette qui réduisait peu à peu les quelques mètres qui nous séparaient, mes pensées ne cessèrent de jaillir, me montant presque, à contre-cœur, les larmes aux yeux. D'ordinaire courageux et inexpressif, la simple présence de cette femelle avait suffit à m'ébranler entièrement, brisant les barrières de protection qui me servaient d'ordinaire de rempart. Je n'aurai jamais cru qu'un jour je puisse la revoir ainsi face à moi complètement. Elle paraissait à la fois si réelle et si inexistante... Cela se comptait en nombre d'années la dernière fois que j'avais pu croiser ce visage, ces expressions et cette allure si familière. Sa couleur si neutre me rappelait tant de souvenirs que j'essayais, en vain de refouler. Un léger goût de rancœur envahit ma gorge pour s'étendre jusqu'à mes lèvres. Doucement, je me mis à regretter ma présence ici. Le Destin m'avait conduit jusqu'ici et peut-être savait-il ce qu'il m'attendait au bout. La louve termina son rapprochement, l'encolure basse. Je n'osai plus, sur le moment, laissé mon regard vagabondait sur son corps, de peur d'avoir des représailles.
-Bonjour. On ne s’est pas déjà rencontré quelque part ?
Elle m'avait bel et bien oubliée... La goutte d'eau qui fit déborder le vase. Solitaire, une larme finit par couler pour rouler sur ma joue noire. J'avais tenté de la retenir, mais je n'avais pas réussi. Elle échoua une seconde plus tard sur le sol, soulevant la poussière à son arrivée. Mon handicap l'avait poussé à m'abandonner, à me laisser seul face à mon avenir et à mon entourage. Elle avait pris la poudre d'escampette pour ne pas affronter ce qui m'arrivait, prenant peut-être ça pour une offense. À ce moment précis, je voulus prendre mes jambes à mon cou et m'enfuir le plus loin possible. Je devais m'éloigner d'elle pour ma survie, aussi bien mentale que physique. Depuis que j'étais louveteau, j'avais porté son absence comme un fardeau et je ne pouvais ressentir que de la haine envers elle. Je l'avais porté haut dans mon cœur, tellement que, ce jour-là où elle m'avait tourné le dos, j'étais tombé de cette hauteur. Je réussis, tant bien que mal, à rentrer ma lèvre inférieure pour la mordiller un peu. L'angoisse prit possession de mon esprit et c'était bien la première fois que je paraissais si faible face à un individu. Dans un dernier élan de courage, je plantai mes prunelles dans les siennes, essayant à mon tour de faire surgir les fantômes du passé. Je voulais lui faire comprendre la douleur que j'avais ressenti à son départ et les longs mois que j'avais passé à me demander si un jour, elle allait de nouveau me parler comme autrefois et jouer comme elle le faisait si bien avec les autres. Mes émotions se mélangèrent et mon regard s'éteignait peu à peu. Je réussis tout de même à ravaler les larmes qui m'étaient montés pour sécher complètement mes yeux. Comprends-moi, comprends-moi... Gllenn... Muet, je glissai mon regard sur chaque recoin de son visage, guettant une réaction de sa part. Bonne ou... très mauvaise.