Qu'est ce que tu imaginais? Que tu allais pouvoir vivre comme tu l'entendais, sans prendre en considération les envies, les espoirs, les rancoeurs ou les simples sentiments des autres? Non, tu ne pourras pas. Tu as des devoirs aujourd'hui, de nombreux droits, certes, bien plus qu'avant même, mais tes devoirs aussi ont décuplés. Tu n'auras plus le droit de vivre comme tu entendais vivre il y a de ça si longtemps et si peu de temps à la fois. Tu dois vivre, non survivre, mais tu dois vivre avec le poids qui t'incombe, à toi et à toi seul. C'est le prix à payer pour la liberté, pour ta liberté.




Il était Alpha depuis déjà plusieurs mois. Ses tâches innombrables n'avaient jamais été un poids pour lui, il avait toujours voulu être à cette place, il était fait pour ce grade, il était fait pour mener, diriger. Depuis combien de temps la meute vivait dans l'oppulence de nourriture et sans aucun conflit avec les Navniks, qui pourtant sommeillaient tout en bouillonnait entre Hige et Helya? Athos avait su trouver le juste milieu. Enfin, il en était persuadé tout du moins. Notre jeune loup était plein de convictions, il vivait pour ce et ceux en qui il croyait. Il était fait ainsi, il avait toujours eu ce sentiment en lui, il avait toujours été cette sorte de dirigeant justicier, même en tant que général et encore avant, lorsqu'il était jeune louvard. Combien de fois avait-il défié plus fort que lui pour ses valeurs ou pour défendre quelqu'un? Il ne savait pas. A quoi bon compter, à quoi bon s'en vanter. C'était lui, cela lui semblait naturel. Il n'avait pas à le dire. Cela émanait de son être. Ses attributions, ses devoirs, tout cela n'est pas un poids. C'était ce qu'il faisait de mieux, il aimait cela, il s'investissait dans sa charge comme personne, il vivait pour cela. Si bien qu'il avait fait passer cela avant tout le reste. Depuis qu'il était devenu Alpha, il n'avait pas vu une seule fois ses jeunes enfants, les enfants qu'il avait eu avec Anya. Contrairement à certains loups, Athos était quelqu'un d'infiniment attaché à sa famille. Jusqu'à il y a peu encore, il n'en avait pas, mais avec la venue d'Anya, leur rencontre, leur rapprochement, leur sauvetage mutuel et leur évasion, une barrière avait été franchie entre eux - plusieurs fois d'ailleurs. Depuis, Anya et lui vivaient une relation particulière, ils étaient très proches, très amis et amants à la fois, même s'ils ne se voyaient pas souvent. Ils ne se connaissaient pas depuis des années, pourtant un lien fort s'était tissé entre eux et Athos croyait pouvoir avoir confiance en elle. Il le croit toujours.


Etait-ce de l'amour? Il n'aurait su le dire. Etait-il seulement capable de se rendre compte s'il était tombé amoureux ou non? Il en doutait. Il avait partagé la tanière de bien des filles, il avait eu des relations plus ou moins intenses, certaines le marqueraient à jamais, c'était sur. Mais avait-il été amoureux. Enfin, pouvait-il seulement se permettre de tomber amoureux après ce qu'il avait vécu? Ces questions, il ne voulait pas y répondre. Il n'y répondrait pas.


Un nouvel évènement avait fait basculer sa vie. Une annonce incroyable qui n'aurait pas dû avoir lieu. Depuis qu'il était Alpha, Athos s'était à peu près... rangé. Il n'avait pas eu de relations et s'était consacré à sa meute corps et âme. Mais il avait partagé, une nuit, une seule, avec celle qui l'avait soutenu depuis toujours et qui le soutiendrait à jamais, il n'en doutait pas une seconde. Il avait eu envie de ce moment, il l'attendait, il le voulait. Ils avaient déjà été amants, Nilaya et lui, mais depuis longtemps ils n'avaient plus franchis le pas, se considérant avant tous comme amis extrêmement fidèles et sincères. Il avait aimé ce moment, il n'y avait trouvé aucune ambiguité. Pourtant, il savait qu'au fond d'elle, Nilaya espérait de tout son cœur qu'un jour Athos ferait le pas et lui dirait qu'il l'aime. L'aimait-il? Enfin, pouvait-il l'aimer, avait-il le droit? Il ne savait pas. Et puis il y avait ce moment. Et ils avaient continué leur vie, avec autant de complicité et d'amitié. Un jour, elle était venue le voir. Il avait vu qu'elle se fatiguait plus vite, qu'elle faisait plus attention à elle, mais il avait mis cela sur le compte de l'épuisement, elle travaillait, en tant que Bras Droit, énormément pour sa meute. Mais il ne s'attendait absolument pas à cela. Elle lui avait annoncé qu'elle attendait des enfants, et qu'il était sans l'ombre d'un doute le père. Il savait que c'était vrai. Il avait déjà eu des enfants, mais il ne s'attendait pas à en avoir de nouveau, il n'y avait pas songé un instant. Mais voilà qui était fait. Nilaya était enceinte de lui. Il ne savait pas s'il était tout simplement heureux ou absolument effrayé. Les louveteaux seraient au cœur de sa vie, il devra les élever, les montrer au monde entier. De cela, il n'avait pas peur. Il avait surtout peur qu'on touche ne serait-ce qu'un poil de sa progéniture.


C'était un beau jour, pourtant, Athos était resté dans la salle de contrôle, aidant à agencer au mieux la pièce et organisant les prochaines chasses groupées. Nilaya était allongée dans un coin de la pièce, son ventre avait un peu grossi, mais il restait néanmoins plusieurs jours avant que les enfants n'arrivent. Athos prenait cette nouvelle avec sérieux, il voulait que ses enfants viennent le plus calmement possible et pour cela, des rondes étaient organisées, nul Hellhound à plusieurs kilomètres. En cette journée, beaucoup de loups étaient dehors, partis chasser; s'entraîner ou simplement faire des rondes. Peu d'entre eux étaient restés sous l'autoroute, certains flânaient dans les fins couloirs, d'autres étripaient les rats par ci par là et les ajoutaient à la réserve de nourriture. Athos discutait avec un loup de stratégie lorsqu'une odeur se fit sentir. Athos fit signe au loup en question de sortir de la pièce, ce qu'il fit. Nilaya avait levé brusquement la tête. Elle aussi avait reconnu cette odeur. L'odeur d'une Navnik, mais pas n'importe laquelle. C'était Elle. Elle était là, au bout du couleur qui menait à la salle de contrôle. Athos aurait reconnu sa silhouette entre mille. Mais bien au delà de tout cela encore, chacun des muscles de l'Alpha se crispèrent à ces odeurs qui la suivirent. Ses enfants. Elle était venue avec eux. Cela ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose.


Elle entra finalement dans la pièce, vraisemblablement irritée qu'un autre loup qu'Athos se trouve ici. Une louve, en plus de cela. Athos ne pouvait contenir ce pincement au cœur qu'il ressentait. La revoir, un sentiment qu'il n'avait pas oublié. Qu'il n'oublierait jamais. Elle était là, devant lui, et d'une de ses remarques cinglantes dont elle métrisait l'art, elle s'exprima. Athos ne put réprimer ce petit sourire en coin qu'Anya comme Nilaya connaissaient si bien. C'était son petit sourire.


"Tu es bien loin de chez toi Bras Droit Navnik. Ahanu, Miuna, Anya. Soyez les bienvenus ici. "


Si ses paroles pouvaient être perçues comme neutres, voire diplomatiques en quelques sortes, elles ne l'étaient pas. Sa voix chaude et percutante, autoritaire et impressionnante à la fois, sa voix de commandant, de général, et à présent d'Alpha. Alors elle était venue pour eux. Pour leurs enfants.


Ici, peu d'entre eux connaissaient leur existence. Et personne ne les avait jamais vu. Pas même Nilaya, qui connaissait pourtant leur vie et les circonstances de leurs créations. Athos les connaissait, toutes deux, et il préssentait ce qui allait ce passer, entre celles qu'on pouvait voir sans mal comme deux rivales.

Il laissa un léger sourire flotter sur son visage lorsqu'Anya provoquait la louve noire de son sourire mordante et de ses paroles non moins brûlantes. Ce n'était pas un réglement de compte, il n'y avait pas de raison à cela. Anya n'était pas la compagne d'Athos, de se fait, il pouvait faire ce qu'il voulait avec qui il voulait. Mais de fait, leur relation était bien plus compliqué que cela. Ils avaient vécu des choses ensemble qui les avaient indéniablement rapprochés. D'abord, leur rencontre, à se chercher, se tendre des perches l'un à l'autre pour se taper dessus. Puis il y a eu leur enlèvement, leurs cages face à face, leur soutien mutuel qui avait transcendé leurs différences. Enfin, leur évasion, lorsque, sous les encouragements d'Anya, Athos avait enfin réussi à faire sauter le loquet qui bloquait la porte de sa cage, puis avait libéré la jeune Navnik, qui était alors déjà Générale, tout comme lui l'était aussi. Ils avaient fui après qu'Athos ait réussi à ouvrir les cages. Ils avaient couru, puis Anya avait aperçu une fenêtre ouverte. Athos se rappellera toujours de cet instant, lorsqu'elle avait crié "Suis moi!" en s'enfonçant dans une pièce. Il avait hésité. Se retrouver acculé dans une pièce fermée ne lui plaisait pas du tout, mais elle, elle avait vu la fenêtre, et lui, sans même le savoir, l'avait suivi quand même. C'est à cet instant là qu'il avait compris qu'il lui faisait confiance. Une véritable confiance comme on en voit peu. Ils avaient tous deux sauté par la fenêtre, elle d'abord, lui après (esprit chevaleresque quand tu nous tiens!). Manque de chance, les hommes n'aiment pas trop l'esprit chevaleresque, et une balle avait transpercé l'épaule de notre jeune loup. C'est alors qu'Anya avait fait une chose qu'Athos n'aurait pas cru si on lui avait raconté. Elle l'avait soutenu pour marcher et ... conduis jusqu'à chez elle, chez les Navnik, alors même que quelques semaines avant Athos avait arraché la chair de beaucoup d'entre eux. Certes, ce n'était pas le Nirvana, et Athos n'avait pas été accueilli à grands coups de langue, mais ce geste avait marqué l'esprit du loup. C'était vers elle qu'il s"était tourné quand Eesia, son premier amour, l'avait abandonné. C'était devant elle qu'il avait évacué sa rage, sa rancœur de se voir abandonné de la sorte. Elle, la dure guerrière, l'avait consolé d'une certaine manière. Et quelques mois plus tard naquirent les tous premiers Héritiers du nouvel Alpha des Sekmet.


Athos laissa Nilaya lancer des éclairs avec ses yeux sur Anya, et s'approcha de ses enfants pour leur caresser affectueusement la tête du museau. Puis, il se retourna, marcha un peu pour se retrouver au milieu des deux femelles mais légèrement en arrière, comme s'il allait être l'arbitre d'un combat de karaté. (Définition : Sport humain pour se taper la figure).

"..."

Non. Il décida de ne pas parler, cette situation aussi étrange soit elle l'amusait ... Comment allaient réagir les deux filles? Différemment, c'était certain, mais comment? Il était bien curieux de voir cela. Pourquoi? Etait-ce une façon pour le mâle de se faire une idée exacte de se représenter les femelles face à face, de savoir vraiment ce qu'elles valaient l'une contre l'autre? Certes il les connaissait toutes deux, Nilaya bien plus qu'Anya évidemment, mais tout de même, n'était-ce pas en ce moment les femelles qui comptaient aujourd'hui le plus dans sa vie, si on fait les calculs? Ou alors était-ce tout bonnement un jeu pour le mâle? Va savoir... Peut être qu'il ne ressentait rien de tout ça. Peut être qu'il était simplement indécis. Peut-être qu'il se rendait seulement compte qu'il ne pouvait plus être le Athos d'auparavant, à courir entre les jolies filles. Ô il avait pris ses responsabilités depuis longtemps, mais aujourd'hui était le jour où ses deux familles se trouvaient face à face. Deux enfants, d'autres en devenir. On verra ce que le loup pourra faire. Avait-il seulement les cartes en main?