Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
La faim lui tenaillait l'estomac depuis quelques temps. La situation se dégradait de jours en jours et les proies se faisaient rares : les Hellhounds gagnaient du terrain et comme la vermine qu'ils étaient, ils ravageaient tout sur leur passage. L'étang purifié des hommes on pouvait l'oublier, ils avaient investis les lieux à grands coups de massacres et de sang. Maintenant l'endroit était dangereux, grouillant de chiens armés. Ces bêtes là étaient un fléaux, ils volaient la nourriture durement gagnée des loups et menaçaient la vie de quiconque les croisaient. Odyssée n'en avait pas encore rencontré et elle croisait les griffes pour que ça n'arrive pas. Les rumeurs par contre elles les avaient entendues et les dégâts constatés, c'était bien plus qu'affolant.
Mais il fallait bien continuer sa route, et c'est ce que la blanche faisait. Se battre pour sauver sa peau était sa principale mission en tant que solitaire après tout. Ce mode de vie ne lui convenait pas vraiment, à vrai dire la solitude lui tapait sur les nerfs. Elle s'en était accommodée pourtant vu que c'était la seule chose qu'elle ait toujours connu.
Bref. La mission du jour, c'était de se trouver de quoi becter. Ce qui n'était pas une mince affaire, par ailleurs. Cette fois, Odyssée avait choisi les rives du Styx comme terrain de chasse. Elle espérait que l'eau attirerait quelques malheureuses proies. Pas à pas, elle arpentait le fleuve, la truffe au vent. Sa carcasse malingre se déhanchait de gauche à droite, la queue basse. Ses oreilles s'agitaient comme des girouettes, tressautant au moindre son. Tout son être était à l’affût, elle n'avait pas le droit à l'erreur.
La chance n'était pas une variante sur laquelle on pouvait coompter, celle-ci était inconstante et bien trop souvent une illusion. Encore cette fois, Odyssée n'avait pas pu s'y fier. Bien qu'elle n'aurait pas parié sa patte à couper qu'elle choperait un truc. Mais elle avait espéré, et s'était faite avoir. Non, aucune trace fraîche de gibier dans le coin. C'était un coup dans l'eau.
Mais ce n'était pas son genre d'abandonner aussi tôt. Il fallait au moins un deuxième essai. Bercée par le flot du Styx qui s'écoulait sans fin en un vif torrent, les clapotis chantant dans son dos, elle continua sa chasse. Et juste face à elle, dans un fourré, elle aperçut un mouvement. Un éphémère bruissement, juste de quoi faire vibrer son oreille droite. Un mince sourire s'étira le long de ses commisures alors que ses yeux brillèrent dans la semi obscurité du ciel orageux. Celui-là, elle le tiendrait ! La blanche s'accroupi sur ses jointures, son corps penché dans la direction du bruit. Elle avança prudemment, sur la pointe des coussinets. Odyssée se plaça dans le sens contraire du vent et pas à pas se rapprocha de sa cible. Une poule d'eau fouillait le sol à la recherche d'un vers ou de quoi subsister elle aussi. On pouvait apercevoir son bec jaune se démarquer du vert profond de la plante alors qu'elle remuait. La louve, estimant la distance assez courte mais pas trop, se tint prête à charger. Elle retint l'air dans ses poumons et le temps d'une seconde, la voilà qui fonçait. Une grande impulsion de ses antérieures, elle effectua un bond agile. Mais elle avait sous estimé les réflexes du volatile. Le coilà qui fuyait à tire d'aile, esquivant ses crocs de peu. Ceux-ci claquèrent dans le vide, s'entrechoquant en vain. Un demi tour et la proie se mit à cavaler dans le sens inverse. Ce virage à 180° sapa toute l'impulsion de la louve, et elle se trouva ralentie par le virage. L'oiseau était trop rapide. Odyssée pouvait lentement le sentir se défaire de son emprise. D'un grondement rageur, elle donna un ennième coup de patte dans sa direction. Mais sans rien atteindre. Celui-ci s'envola jusqu'au Styx, plongeant au loin dans l'eau. Coup manqué.
Déçue, la blanche se calma. Sa respiration accélérée et son sang bouillant pulsaient en elle. Mais ce n'était pas fini, elle ne stopperait que lorsque ses crocs tâteraient de la chair encore frémissante de vie.
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