Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Depuis que les pièces du puzzle commencent à se rassembler, mon esprit tourne à vive allure et me file des migraines. Je ne sais plus quoi penser, de qui, et pourquoi réfléchir. Je ne me souviens que de peu de choses d'avant ma période chez les Hommes. Ce que je sais, c'est qu'il m'a été naturel de vivre dans une cage et qu'il m'a été difficile d'accepter que Pandémonium puisse être mon frère. Mais au fond, on ne peut pas renier ses origines indéfiniment, n'est-ce pas ? J'ignore pourquoi les Hommes m'ont repris moi, spécialement, et j'ignore pourquoi cette fois ils ne m'ont pas abattu froidement. Mais ce qui est sûr, c'est que je suis un loup. Et si encore aujourd'hui je me bats quotidiennement pour ne pas me faire sauter la gueule dès que je suis proche d'un loup, je n'en reste pas moins un danger permanent et ce avec tous les doutes que ça implique. Suis-je chien, ou loup ? Où est ma place ? Aurais-je seulement un jour une réponse quelconque à cette question ? Bientôt, mes pattes m'emportent jusqu'au tréfonds des territoires et je ressens un sentiment de bien être amené par la solitude. Ici, personne en vue. Ni chiens, ni loups, ni Hommes pour empiéter sur mon esprit perturbé et tenter de me faire avaler toutes les sornettes. Peut-être devrais-je seulement m'isoler du monde, disparaître dans les montagnes et y vivre en hermite. Là-haut, personne ne viendra me faire chier et m'obliger à choisir un camp. Mais au fond, tout au fond de moi, quelque chose m'empêche de partir. Le poids de l'armure sur mon dos ralentit mes mouvements, et les souvenirs qui affluent parfois dans ma tête m'obligent à rester dans les vallées avec ce ridicule espoir de reprendre un jour ce qui m'appartient. Je m'avance en silence au bord de la blessure. Et si je tombais "malencontreusement" ? Là dans le silence et la solitude, j'exploserais en bas sans nuire à personne. Les Hommes penseraient à un accident et créeraient simplement un autre kamikaze. Les loups n'auraient aucune perte et pourraient continuer leurs gue-guerres sans mon intervention. Je soupire et me laisse tomber au sol, les antérieures balançant dans le vide. J'observe le gouffre sombre qui s'étale sous moi et je laisse divaguer mes pensées dans ce silence reposant.