Non toi tu ne te serais pas plains, mais tes entrailles, elles, ne semblaient pas partager pas la même gêne. Un long gargouillement s'échappa de ta grande carcasse qui se traînait à travers les cadavres de ce qui semblait être une ancienne fête foraine. Ce matin-là, la meute t'avait ordonné d'aller chasser, et fidèle au bon toutou que tu étais tu n'avais pas rechigné et t'étais fait à l'idée que ce matin-là tu allais bel et bien chasser.

Il ne faisait pas foncièrement chaud, mais il ne faisait pas réellement froid non plus. A vrai dire tu qualifiais ce temps de parfait, comme tu avais qualifié celui d'hier avec le même adjectif et comme tu qualifieras sans aucun doute celui de demain avec encore une fois, le même adjectif. Tu te satisfaisait de tout, toi, tu ne râlais de rien, toi, et tu obéissais à tout, toi. Tapis dans le peu d'herbe qui restait dans cet effroyable endroit, tes oreilles étaient dressées tandis que ton museau était plissé. Dans un même temps tes pattes semblaient se concentrées sur les vibrations possibles du sol. Tes muscles bandés et l'esprit vif, tu rampais en t’efforçant de te faire le plus discret possible. C'était sans compter cette petit branche, plus souvent appelée brindille, qui craqua sous ton poids. La discrétion n'était pas gagné pour toi mais comment pouvais-tu le savoir que cette intrus se trouvait là ? Tu ne pouvais pas, alors tu continuas, persuadé que cette erreur n'était pas la tienne mais plutôt celle de la branche décidément fautive.

Léger et plein d'espoir, tu humais sans cesse l'air en te frayant un chemin entre les cadavres d'aciers. Tu n'aimais pas chasser, tu n'aimais pas car les autres tu les aimais, et tuer ses amis ne faisaient pas parti de ton idéologie. Mais tu en étais contient, il fallait que tu les tues les autres, pour pouvoir toi-même survivre, alors bien que touché tu le faisais, non sans cœur ni état d'âme mais plutôt avec raison. Alors tu n'avais pas ronchonné lorsqu'on te l'avait ordonné mais il est vrai que tu aurais préféré jouer avec les papillons, explorer de nouvelles terres ou découvrir de nouvelles bestioles. Toujours était-il que de ta situation tu te satisfaisait. Les yeux ouverts mais la vision close, les mouvements lents et les oreilles attentives, tu guétais, la proie rôdait. Tu pensais tout d'abord reconnaître l'odeur d'un mulot mais finalement une odeur de lapin la submergea, le premier animal était sûrement plus éloigné que le deuxième, et tout compte fait, le lapin était bien meilleur en bouche que le petit mulot. Mais toi tu t'en foutais, lapin ou mulot, il te faisait, pour satisfaire tes supérieurs, ramener seulement une proie, peu importe son espèce, elle devait juste paraître comestible.

L’insoucieux était tout près, ton museau s'agitait dans tous les sens et tes pattes étaient assez proches de l'animal pour porter à ton cerveau toutes les informations nécessaires à la localisation et les mouvements du rongeur. Ainsi il se trouvait là, juste devant, à environ 3mètres.Tu fis un pas, lent mais long, et tu te stoppas. Aucun mouvement de la part du lapin, sûrement s'inquiétait-il, peut-être t'avait il entendu ? Tu t'arrêtas toi aussi, retenant du mieux possible ta respiration. Et puis enfin, il eut un mouvement un peu plus serein. Tu profitas de cet instant de décontraction pour bondir. Ton saut était parfaitement bien calculé, tu arrivas pile sur l'animal, sans vie. Ton atterrissage avait été tellement violent que sa nuque avait été brisé, au moins il n'avait pas souffert, ton pauvre ami. Persuadé de la nécessité de ce sacrifice, tu chassas tous tes remords, réprimandas ta mauvaise conscience et repris la route vers la meute. Ton devoir accomplit, tu pouvais à présent vaquer à tes occupations habituelles, tu pouvais à présent t'évader de cette vie qui tout compte fait, n'était tout simplement pas la tienne.