Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Cela faisait plus d'une semaine que mon ventre se déformait. Me torturait, grondait. Que m'arrivait-il? Qu'avait bien plus me faire Altaïr!? C'était dans une colère noire que je le rejoignais là où il avait posé ses fesses d'ingrats. Quand je l'aperçoit enfin, mon poils s'hérisse, mon dos s'arque de colère, et je lui fonce dessus emplis de rage, le bouscule au sol babines retroussées.
- Que m'as tu fais loup de malheur!?
J'étais une boule de nerfs incapable de contrôler toutes émotions. Je passais d'un sentiment d'apaisement à une colère, puis une tristesse infime. Pour finir par être complètement perdue comme une louvarde par des pulsions inconnues qui parcouraient tout mon être.
Certain loups avaient flairer en moi une odeur particulière et leur attitudes avaient quelque peu changer, mais ils ne disaient mots et tout ça à cause de cette nuit ensemble. Que cela pouvait-il signifier? M'avait il injecter un poison? Un virus? Je devais savoir!
- Regarde ce que tu as fais de moi! Dis moi qu'est ce que tu m'as infligé! Et pourquoi?
Je tournais autour de lui désormais. Pleines de pensées qui se bousculaient, je ne savais pas par où commencer, ni quoi faire de lui. Je le détestais et pourtant, je tenais à lui... comment avait-il pu me blesser? Comment pouvais-il me trahir ainsi...? Je n'aurais jamais dû lui accorder ma confiance, mon être, mes sentiments.
Je me remettais de mes blessures, après la dernière mission à laquelle j'avais participé. Mon épaule me fait encore souffrir mais le fait de savoir se soigner demeure en soit une bonne chose. Je me trouvais là, coucher tranquillement dans un creux, non loin de ma tanière de guérisseur, l'esprit ailleurs. Je m'étire sobrement, avant de me remettre sur mes pattes, sauf qu'une furie me rentra dans le lard, me recouchant sur le sol aussitôt. Dressant les oreilles, je redresse la tête, penaud, remarquant Drakariss au dessus de moi, les babines retroussée, en colère. Je rabaisse directement mes oreilles vers l'arrière, mes yeux traduisant une grande incompréhension. Elle me crachait littéralement au visage, alors que je ne comprenais pas un mot de ce qu'elle disait. Mon regard se perdit dans le sien, je devenais sourd, alors qu'une odeur me montait lentement dans le museau. Sans que je ne comprenne pourquoi, je posais le bout de ma truffe contre son poitrail, au niveau de son cœur, parlant avec une voix que je voulais la plus douce possible.
- Apaise-toi Drakariss... Je ne t'ai rien fait... Je n'ai jamais voulu ton malheur, et tu le sais...
Je me reculais sur le dos, posant mon regard sur le sien, demeurant au sol. Incertain, je tentais de trouver mes mots, me roulant sur le flanc pour être d'avantage confortablement installé.
- Depuis cette nuit là, Drakariss... C'est depuis cette nuit-là que "je t'ai fais quelque chose"...?
Je ne pouvais dire si je me sentais heureux ou désemparé devant sa réaction... Si elle ne le désirait pas, c'est normal, je dois dire, de réagir de cette manière. Je fermais lentement les yeux. - Tu es enceinte, Drakariss... Tu attends des petits...
Complétais-je, un peu plus difficilement. Je détournais lentement le regard, finissant par murmurer. - Si ça ne te plait pas... Si porter ces enfants ne te convient pas, je connais toujours des plantes... Pour régler ça.
Ajoutais-je, bien que ma voix ne put être neutre à cet instant précis. Elle semblait tellement en colère... Peut-être qu'elle ne les désirait pas. Je ne souhaite que son bonheur. Je ne veux pas qu'elle me haïsse. Je relevais lentement la tête, léchant ses babines, exprimant à la fois une profonde volonté de pardon et en même temps une forme de supplication... Je l'aime, tout simplement... Me savoir père, peut-être, me rend à la fois triste et malheureux. Mais au fond, je n'ai pas besoin de bonheur, tant qu'elle l'est...
La suite se déroule dans un vide quasi totale. Altaïr a parlé. Il a annoncé la sentence. Je suis gestante. Ce mot me paralyse de la tête aux pattes alors que lui, continue de déblatérer je ne sais quels mots... Il me lèche en guise de pardon, mais je n'arrive pas à penser. Je ... Je suis gestante. Baissant la tête pour regarder entre mes jambes cette petite boule qui se forme sur mon abdomen. Je suis gestante. Ce qui signifie... Ce qui signifie... Que je vais être mère. Je te regarde de nouveau. Tu vas être père!? Une image folle vient alors bercer mon esprit. Cette image de mes deux parents baignant dans leur sang.... mais cette fois, au lieu de voir leurs visages, c'est Altaïr et moi qui sommes inerte, marionnettes immobiles qu'observe notre enfant en hurlant dans un arbre, au dessus de nous. Je recule alors, un frisson me parcourant l'échine. Il ne se peut. Je... Je ne peux pas.. Je ne suis pas prête. Des larmes coulent sur mon museau alors que l'horreur m'envahit.
Je recule encore et finis par trébucher. Que m'arrive t-il? Pourquoi moi? Pourquoi maintenant? Je te regarde une deuxième fois, mon cœur se brise. Non, je ne suis pas prête de te perdre alors que je commence seulement à aimer, à me sentir vivre. Je ne veux pas que mon enfant ne connaisse la peur, la souffrance la solitude. Je ne peux l'accepter. J'ai peur et je pleure, incapable de retenir le moindre sanglot. Toi & moi sommes trop faibles. Nous n'avons ni la force, ni la puissance nécessaire pour protéger cette chose qui grandit en moi, et pourtant, l'idée de le perdre, de détruire ce petit cœur qui bat en moi m'est inconcevable.
Je me roule alors en boule pour protéger ce ventre de tout contact extérieur. De tout mouvements qui pourraient les blesser, et je me met à lécher mes poils comme pour les réchauffer de l'extérieur. Je pleure mais en moi, quelque chose de merveilleux est pour la première fois en train de naître. Un amour maternel, un amour au delà de tout ce que j'ai pu vivre. Je vais être mère, et pourtant, je n'ai pas la force de vous protéger.
Ma tête se retourne de nouveau vers ton visage. Je t'admire de mes perles sanguines, et te déteste. Car à cause de toi, nous serons liés à jamais, et quand tu apprendras qui je suis réellement, ce que je t'ai causé comme tord, tu me maudiras et nous abandonneras eux... et moi. Je ne peux contenir le malheur qui m'habite et la joie. Je pleure car je mérite mon sort, mais toi... Tu vas souffrir de maux bien plus douloureux que ce que j'aurai traverser par ma faute. Tu vas me haïr. Me repousser, et je finirais seule. Seule à de voir protéger une vie, que jamais je n'aurai la force de garder seule en mon sein.
- Altaïr, promet moi une chose.
Je ne suis qu'une égoïste.
- Ne nous abandonne jamais.
Je me déteste.
- Promet moi de nous protéger au péril de ta vie, quoi qu'il arrive.
Je vais vomir.
- Promet moi de toujours veiller sur tes enfants et moi même.
Je demeurais coucher, Drakariss au dessus de moi, alors que celle-ci semblait prise d'un frisson, reculant prestement, son regard écarquillé. La nouvelle ne lui plaisait pas. Non, la nouvelle la faisait pleurer. Je voyais ses yeux se nimber de larmes et mon cœur se serrait dans ma poitrine. Ce n'était pas des larmes de joie, non, bien loin de là. Je roulais lentement sur le ventre, entamant de me redresser, alors qu'elle reculait un peu plus encore, comme pour fuir quelque chose. Comme pour me fuir, moi. J'étais heureux. Au fond de moi, je ressentais de la joie. Car nous avions... Réalisé quelque chose. Car même si Drakariss ne m'a toujours pas donner de réponse. Car même si je reste dans le flou jusqu'au restant de mes jours, il y avait ce fruit, là, qui était apparu entre nous. Juste ça, juste le fait de savoir que finalement, il y a bien quelque chose. Pas nécessairement les sentiment, simplement ce lien de chair et de sang... Ce lien qui m'unissait à elle pour toujours. Je l'aime, je suis malade, sans doute obsessionnel, c'est incontestable, et je me rends compte au fil des jours, au fil des heures. je la vois trébucher et me relève pour tenter de la rattraper, mais déjà elle se trouve au sol, rouler en boule, son regard poser sur son ventre légèrement gonflé à travers ses poils. Elle lèche, et continue de pleurer. Ce spectacle me fait mal. Ma joie se tait. Si c'est pour faire souffrir Drakariss, alors je préfère ne jamais connaître cette joie-là. Je me tiens debout, droit, à côté d'elle, attendant le moindre signe de sa part. Attendant le moindre geste qui me dirait quoi faire. Elle est maîtresse de son corps. Elle est maitresse de mon cœur. Quoi qu'elle dise, quoi qu'elle veuille, je m'y plierais... Finalement, ses pupilles rencontrèrent les miennes et je me glaçais. Car je lisais dans ses yeux, comme elle pouvait sans doute lire dans les miens. Pouvait-elle sentir cette détresse suppliante, au fond de moi, qui ne faisait que murmurer "ne me déteste pas". Et pourtant, son regard me disait qu'au fond, elle me détestait. Qu'elle me détestait sans me haïr. Qu'elle me haïssait en m'aimant. Bien trop de paradoxe, alors que je sens les fourmis me monter dans les pattes. Anxiété. Incompréhension. Douleur du fond de la poitrine qui raisonne en écho avec le sang dans ma tempe. Puis finalement, les mots s'envolèrent, les uns après les autres. Ils glissèrent sur mon pelage, comme une douce caresse, avant de pénétrer mon esprit, puis mon cœur. Elle les acceptait... Sa demande... Un sourire idiot vint poindre sur mon visage, alors que je la couvre du regard le plus tendre du monde. J'abaisse lentement la tête, puis mon corps, la glissant sous la sienne, mon museau au niveau de sa gorge. Et lentement, je murmurais.
- Je te le promet Drakariss... Ma vie t'appartient déjà, et je la donnerais à nos enfants, à ces enfants s'il le faut... Je ne t'abandonnerais pas Drakariss... Jamais...
Je m'avançais encore, couché sur le sol, glissant mon museau contre son ventre avec tendresse.
- Je n'abandonnerais aucun d'entre vous...
Je restais ainsi, couché contre son flanc, la tête posée délicatement sur son ventre, l'oreille contre ces cœurs qui battent dans son ventre en harmonie avec le sien, le mien... Je retrouvais enfin une famille... Un équilibre. Je relevais lentement la tête vers Drakariss, avant de sourire.
- Il faudra réfléchir à des noms... Dans mon clan, nous nommons toujours les enfants par rapport aux étoiles... Et quand ils naissent, on leur en donne une, dans le ciel... Il faudrait que je te montre la mienne, un jour.
Ajoutais-je, la joie dans le creux de ma voix. J'étais heureux. Il n'y a pas d'autres mots. Simplement... Heureux.